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the samaritan woman by Sama

the samaritan woman by Sama

le 15 septembre 2023, Auvergne

( D’abord le séisme au Maroc et puis c’est le tour de la Libye avec des inondations catastrophiques ; le nombre de morts est impressionnant et ne cesse d’augmenter..


 

Réflexions préliminaires

Je n’en ai pas fini avec la Samaritaine...cette femme sans nom propre qui est uniquement désignée par son identité ethnique avec tous les préjugés ( bons ou mauvais) que cela peut susciter dans l’esprit de celui qui l’entend, c’est-à-dire l’auditeur du 1er siècle… juif ou gentil/païen … Impossible aujourd’hui de savoir exactement ce que cela pouvait être mais ce n’était pas neutre.

( pour moi, le mot Samaritaine évoque toujours en premier lieu, le magasin à Paris, et fais trotter dans ma tête, ce très vieux refrain publicitaire : la samaritaine, taine , taine est un magasin, zin, zin, ou l’on vend de la laine, laine ...et des petits poussins….!!! Comme quoi !)

Me voilà donc arrivée à la partie de l’échange surprenante qui a fait et continue à faire courir nos imaginations

« Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari :des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. »

De quoi tomber à la renverse… !

Un telle révélation de Jésus ne peut pas passer inaperçue… ce qui fait qu’évidemment, j’ai cherché à savoir comment on pouvait expliquer, considérant l’époque, qu’une femme ait eu 5 maris et de plus vivait avec quelqu’un sans être mariée… et je dois avouer que si les commentateurs s’en sont donnés à cœur joie sur la moralité douteuse de la femme en question pendant les derniers 2000 ans passés,  des certitudes sur comment cela était possible et ce que ça signifiait, dans la Samarie du 1er siècle… il y en a peu.

Il faut dire que 5 maris…ça fait rêver…et ça permet d’élaborer des thèses assez séduisantes : veuve 5 fois ? 5 maris, 5 morts ça sent l’empoisonnement… (je dois regarder trop de séries policières ces derniers temps) Ou était-elle une mégère et une effrontée telle dans un système patriarcal où seuls les hommes pouvaient demander le divorce quand leur femme ne les servait pas d’une manière satisfaisante, qu’elle s’était fait renvoyer 5 fois à cause de son insolence ? ( pas pour cause d’infidélité car si elle avait commis un adultère, elle aurait été lapidée)

Et pour cette dernière relation, était-elle une sorte d’esclave comme l’ont suggéré d’autres, car on n’est pas obligé d’épouser la personne avec laquelle on vit si elle a un statut d’esclave domestique comme c’était courant, paraît-il ? (voilà un article qui présente cette thèse: Carman, A. S., & Grana, J. (2021). The Woman of Samaria as Mistress, Slave, and Disciple: Reading for Race, Gender and Status in John 4:4-42. In Wm. C. Holtzen & J. B. Wilgus (Eds.), Looking Both Ways: At the Intersection of the Academy and the Church: ​Essays in Honor of Joseph C. Grana II (pp. 59–72). Claremont Press. https://doi.org/10.2307/j.ctv2b07vwc.8)

Ce qui m’a paru, pour moi, le plus plausible dans tout ce que j’ai pu lire, est la possibilité qu’elle ait été une femme stérile, ce qui aurait causé son renvoi plusieurs fois… et que son « compagnon » actuel n’ait eu donc aucun intérêt à l’épouser…

Et pour en finir avec ces réflexions préliminaires, je veux aussi signaler que certains se sont sortis de ce mauvais pas en disant que finalement, l’épisode n’était pas historique ( un grand classique quand on ne sait plus trop quoi dire) et que c’était une allégorie, les 5 maris représentants les 5 livres de la Torah ( le pentateuque) qui maintenant étaient remplacés par Jésus source de vie…. Mentionné dans cet article NEYREY, J. H. (1979). Jacob Traditions and the Interpretation of John 4:10-26. The Catholic Biblical Quarterly, 41(3), 419–437. http://www.jstor.org/stable/43714719(Je dois avouer que quand j’ai lu cela, j’ai trouvé que c’était un peu tiré par les cheveux)

 

* * *

 

Je reprends donc le texte dans sa sobriété et qui fait suite à l’étude précédente. J’ai sauté quelques versets car j’ai voulu me centrer sur l’échange entre Jésus et la Samaritaine..

Jean 4 : 16- 21, 24-26, 28-29, 39.

Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. »

La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. »

La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !…

Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »

Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. [. . .]

La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens :

« Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? » [. . .]

Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. »

 

Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. »

La demande de Jésus semble raisonnable ou bienséante dans la mesure où avoir une longue conversation avec une femme inconnue pourrait être mal vu, lui un homme jeune : il ne pouvait pas continuer à échanger avec elle sans que ses intentions soient remises en cause, sauf que, en découvrant ce portrait de cette Samaritaine pour illustrer cet épisode, je me rends compte tout à coup, qu’elle ne devait plus être très jeune étant donné qu’elle avait eu 5 maris… ça change tout...alors qu’automatiquement, on l’imagine comme une femme jeune et séduisante!

La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. »

Elle a dû être gênée en lui répondant qu’elle n’était pas mariée … on ne comprend vraiment sa réponse qu’après mais il est évident qu’une femme qui n’a pas de mari n’est pas une femme respectée  : elle est une sorte de paria en dehors des normes sociales. Quelle réaction attendait-elle de la part de Jésus en faisant cette déclaration ? Certainement pas celle qui viendra…

Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. »

Jésus, est surprenant, une fois de plus, car maintenant on a l’impression qu’il a tendu un piège à cette femme en lui demandant d’aller chercher son mari, sachant très bien qu’elle n’en avait pas… (Comment a-t-il deviné ? La question est naturelle mais la réponse on la connaît...il le savait)

Il est notable que Jésus dévoile sa vie privée, voire intime au grand jour, sans lui faire de reproches, ni la sermonner et la seule remarque qu’il fait, est une affirmation positive « là tu dis vrai » alors qu’il aurait pu lui reprocher de ne pas dire toute la vérité sur sa situation.

Devant le dévoilement inattendu de son histoire, la réaction ne se fait pas attendre…

La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète ! »

Cette exclamation est-elle l’expression d’un étonnement autant qu’un soulagement ? La demande de Jésus d’aller chercher son mari, l’avait certainement mise dans l’embarras... maintenant qu’elle voit qu’elle n’a plus rien à cacher , elle peut passer à autre chose qui l’intéresse ou est-elle simplement contente de changer de sujet ?

Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »

Elle retourne à la polémique religieuse qui les divise ( les Samaritains disaient que c’était sur le mont Gérizim…) et qui est attachée à leurs identités séparées ( comment se fait-il que toi qui es juif ?). Elle a du mal à dépasser cet antagonisme profond dont elle a été probablement la victime, cause de nombreuses humiliations auxquelles s’ajoutent celles d’être une femme répudiée plusieurs fois, peut-être et sans la respectabilité d’un mari..

La reconnaissance de Jésus comme prophète, ou homme de Dieu, ouvre la possibilité d’un vrai dialogue mais elle continue à se méfier et ne veut pas lâcher prise : elle le teste encore, en lui demandant de prendre parti et de se prononcer sur cette polémique. Sa question en réalité est de savoir « qui a raison, nous ou eux ? »

Si Jésus tend des pièges, il ne tombe pas lui dans ceux qu’on lui tend... comme au début du dialogue avec elle, il ne mord pas à l’hameçon d’une vaine polémique et répond en renvoyant les deux dos à dos : ni les uns ni les autres n’ont raison

Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.

[. . . ]

Il explique ensuite ce qu’il veut dire en faisant cette déclaration extraordinaire, qui chamboule toutes les controverses traditionnelles sur les lieux sacrés pour lesquels on a fait couler tant de sang d’innocents et sur laquelle je reviendrai plus tard..( ici je cherche surtout à me concentrer sur la nature de l’échange et sur le caractère de la Samaritaine )

Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »

Le débat est clos.

Alors de nouveau, la Samaritaine montre sa culture religieuse car elle connaît un des enseignements fondamentaux de la religion juive : la promesse d’un Messie ( je sais qu’il vient). Ce qu’elle dit donne à penser que ses contemporains croyaient que sa venue était imminente, ce que beaucoup d’historiens semblent penser.

La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. »

La répartie de Jésus ( ce n’est pas une réponse car elle ne pose pas de question) est directe et claire

Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. » [. . . ]

Première fois que Jésus révèle son identité sans détours: il aurait pu la cacher mais étant donné la sagacité de son interlocutrice, cela aurait été difficile. En tout cas, il démontre le respect qu’il a pour elle en lui révélant qui il est : ce n’est pas peu de chose !

Je saute la conversation avec les disciples et qui sont étonnés de le trouver en grande conversation avec une femme pour finir d’étudier le caractère de cette femme

La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens :

« Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? »

Enthousiaste, sans peur mais aussi sans délai parce que sans entraves, elle va annoncer à qui veut bien l’entendre la découverte qu’elle vient de faire : n’ayant pas de mari, elle n’a pas à se préoccuper de ses désirs ni de sa réputation, elle n’a pas de statut à défendre, elle est une femme libre et indépendante et qui en plus … n’a pas sa langue dans sa poche : elle peut donc partager avec enthousiasme et force ce qu’elle vient de vivre ! 

Elle a dû être convaincante...

Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. »

Le portrait de cette femme hors norme, s’achève : on ne reparlera plus d’elle dans le reste de cet évangile ou en tout cas, si elle a fait partie des femmes qui suivaient Jésus (très peu probable étant donné son statut) , elle ne sera plus identifiée comme la Samaritaine…


 

* * *


 

Ce que je retiens de cette rencontre :

Le mot qui pour moi caractérise tout cet épisode est surprenant(e) !

Surprenante cette femme hors norme qui ne cadre pas avec les images féminines de l’époque ni non plus l’imagerie chrétienne de la femme idéale encore prévalente aujourd’hui,

Surprenant qu’elle soit rentrée telle quelle dans un récit sur la vie de Jésus dont l’intention est d’instruire les nouveaux croyants dans la conduite à suivre sans que l’évangéliste n’ajoute un commentaire désobligeant ou même explicatif pour atténuer la situation quelque peu irrégulière de cette femme,

Surprenante, bien sûr, l’attitude de Jésus, qui après avoir révélé les détails de sa vie privée s’abstient de toute remarque, de tout commentaire, de toute critique… comme si de rien n’était.

Surprenant avant tout (comme toujours) de voir à quel point il peut être imprévisible et insaisissable, ce Jésus qui paraît être un homme ordinaire (fatigué et assoiffé) au premier abord, dénoncé et identifié ensuite par la Samaritaine dans toute sa condition de juif hautain, malicieux par surcroît, pour finir par se révéler hors norme comme prophète et Messie !

Seule une femme samaritaine vivant aux marges de la société pourrait accepter de croire qu’il était le Messie, mais pour des homme juifs bien pensant, comme il devait être difficile de le reconnaître comme, un des leurs particulièrement quand il affirme être : le Choisi de Dieu ...( les disciples eux-mêmes ont été surpris de le voir parler avec une femme )

En fait le mot surprenant n’est peut-être pas le mot qui décrit ce que je ressens devant le caractère inopiné de cette rencontre qui nous est racontée avec tant de justesse, c’est plutôt le mot

Émerveillement !


 

Réflexions postérieures


 

Plus je regarde ce portrait, plus il me semble cohérent avec l’échange avec Jésus : son aplomb, sa méfiance envers un homme juif, son questionnement, ses connaissances de l’histoire de ses deux peuples etc.. s’expliquent facilement par son expérience de vie d’une femme d’un certain âge qui avait fait face à des situations difficiles et avait dû se débrouiller pour survivre après la perte de ses maris ( mort ou répudiation) et chercher un homme qui puisse subvenir à ses besoins… A la lumière de cette possibilité, il est plus compréhensible qu'il n'y ait pas eu dans le texte de commentaires désobligeants sur l'immoralité supposée de cette femme, Jésus comme les gens de l'époque auraient compris sa situation difficile et sa précarité. Ce n'est qu'après qu'on en aurait  fait une figure romantique et romanesque de femme jeune et séduisante. Je me demande maintenant pourquoi, on ne parle pas jamais de cette possibilité dans les commentaires qui ont été écrits… car il me semble que ça change tout dans le regard que l’on peut porter sur cette femme et cet échange...et expliquer entre autre, le respect que Jésus semble lui accorder ...


 


 


 


 


 


 


 


 

Tag(s) : #Etude de l'évangile de Jean, #genre, race, féminisme,religion
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