Overblog
Edit post Follow this blog Administration + Create my blog

Le 5 juin, 2023 , Auvergne

Jean : 11-17

En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu; et vous ne recevez pas notre témoignage.

Si vous ne croyez pas quand je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes?

Personne n'est monté au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le ciel.

Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé,

 afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.

Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle.

Dieu, en effet, n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu'il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.

* * *

 

Un texte déroutant

 

(Quand on lit l’évangile de Marc, on a l’impression que l’on peut suivre mieux les échanges de Jésus avec ses interlocuteurs car il nous est donné des détails sur les circonstances des rencontres qui aident à nous éclairer. Ce n’est pas le cas ici où l’on en est encore au début du ministère de Jésus (ou tout du moins au début de l’évangile) et c’est la première fois que Jésus entame un dialogue avec une personnalité qui appartient au Sanhédrin alors qu’on ne sait pas encore qu’il a été l’objet d’attaques de leur part. Il faut donc que j’abandonne toute recherche de chronologie dans cet évangile et me rappeler qu’il a été écrit à la lumière du Christ ressuscité et donc son intention n’est pas de nous faire un récit de ses faits et gestes dans l’ordre mais de nous dire et nous montrer qui il était)

 

En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu; et vous ne recevez pas notre témoignage.

 Si vous ne croyez pas quand je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes?

 

Du dialogue du début, on passe au monologue où l’on ne voit pas à première vue de quoi il s’agit vraiment car Jésus ne cherche pas à répondre à une question mais à exposer une vérité, une certitude : en vérité en vérité, une manière de dire, ce que je vous dis est vrai, je vous le jure, je ne suis pas un menteur ...

Il continue aussi à faire des reproches à Nicodème mais il le fait ‘au pluriel’ indiquant qu’il prend à partie non seulement Nicodème mais tout le groupe qu’il représente... Il réfute ainsi, sans le dire explicitement, les arguments qui cherchent à remettre en cause son autorité et son droit à parler et interpréter les écritures.

D’autre part on se demande ce que ce « nous » représente dans ce passage : un nous de majesté, un nous qui introduit une idée générale comme un on en français ? ( mes recherches là dessus n’ont donné que des possibilités) . Quelque soit le cas, il fustige ceux qui ne veulent pas le croire et « il témoigne de ce qu’il a vu » mais sans dire ce qu’il a vu ni de quel témoignage il s’agit... Le contexte immédiat du texte, ne nous permet pas de savoir à quoi, il se réfère car Nicodème a exprimé son incompréhension sans toutefois récusé son témoignage … Il faut penser en tous les cas qu’à ce niveau là Nicodème comprend les reproches qui lui sont faits à lui et au groupe auquel il appartient, mais on n’a pas sa réaction…

Jésus continue donc …

Personne n'est monté au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le ciel.

Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé,

Il y a maintenant une explication des bases de l’autorité de Jésus.. même s’il parle de lui-même à la troisième personne. Jésus décline son identité en se donnant le titre de « fils de l’homme » ( pas de fils de Dieu) , mais en affirmant qu’ il est descendu du ciel, et cette déclaration à de quoi nous laisser pantois ( en tout cas ma réaction) . Évidemment c’est une formule à laquelle nous sommes habitués avec le credo des apôtres, mais qui lui a été élaboré bien plus tard… (Mais même avec une date de rédaction tardive pour cet évangile, on ne peut pas dire qu’elle viendrait du credo qui été rédigé aux environs de 200 ans après Jésus-Christ). Ici il n’y a pas à proprement parler d’affirmation de divinité mais on en est proche ( comme dans le prologue) et il n’y a pas de réaction à cette affirmation de la part de Nicodème comme celle de blasphème qui aurait pu être le cas.. Est-ce qu’il a fait cette déclaration au moment de cette rencontre avec Nicodème où a-t-elle était faite plus tard mais citée ici… .impossible de le savoir.
 

 Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé,

 afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.

En tout cas, Jésus continue à utiliser des formules cryptiques mais dont certaines sont déchiffrables pour un juif quand il fait allusion à un épisode bien connu de l’Ancien Testament du serpent et de Moïse. Comme rappel voilà l’histoire  racontée dans le livre de Nombres : les Israélites qui étaient dans le désert après leur fuite de l’Égypte où ils étaient esclaves, furent mordus par des serpents venimeux en punition pour leur attitude rebelle. Beaucoup d’entre eux en moururent… Mais après qu’ils eurent reconnu leurs fautes, Dieu permit qu’ils soient guéris de la manière suivante :

L'Éternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant, et place-le sur une perche; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie.

Moïse fit un serpent d'airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d'airain, conservait la vie.

Jésus donc introduit un parallèle entre lui et cet épisode : veut-il dire que le serpent le représente dans la mesure où il est celui qui est envoyé par Dieu pour guérir et pardonner ? Et la perche sur laquelle il est mis est une préfiguration de la croix comme certains l’ont interprété ? Il est difficile pour nous de savoir après tant de siècles de commentaires ce qu’a voulu dire Jésus et ce qu’ont compris ceux qui l’entouraient à ce moment là surtout quand il n’avait pas encore été crucifié et bien entendu ce qu’a voulu dire l’évangéliste qui l’a rapporté après la crucifixion….

( l’erreur que nous faisons nous souvent, quand nous lisons des textes à portée symbolique comme les paraboles par exemple c’est de vouloir que chaque détail ou chaque mot de l’histoire utilisée ait une correspondance dans la réalité concrète. Or ce n’est pas le cas : le but de ce type de discours c’est le sens général qui doit être compris intuitivement plutôt que logiquement)

En tout cas cet épisode de l’Ancien Testament est éclairci par ce qui suit, où là Jésus fait une déclaration étonnante...

 

Le Dieu que Jésus connaît

 

On arrive à cette déclaration bien connue qui n’en est pas moins saisissante par sa clarté et par son sens, une des plus belles déclarations sur la nature de Dieu qui une fois pour toutes détruit l’image de Dieu, père fouettard…

 

Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle.

Dieu, en effet, n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu'il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.

 

Si on continue à penser à cet épisode de Moïse et du serpent raconté dans la bible où Dieu punit les Israélites pour leur rébellion… Jésus semble vouloir clarifier avant tout que Dieu n’agit jamais par haine de son peuple, ni celle « du monde » mais qu’il agit par amour. Les intentions de Dieu pour l’être humain ne sont jamais ni perverses ni mauvaises comme pouvaient l’être souvent celles des autres dieux que les peuples autour d’eux révéraient.

C’est une affirmation énorme …. mais qui n’est pas nouvelle pour les juifs car on la trouve souvent dans les psaumes et les écrits des prophètes… ( ex : L’Éternel est miséricordieux et compatissant. Lent à la colère et plein de bonté. Il est bon envers tous...ps. 145 : 8 et 9) Ce qui frappe ici c’est qu’elle est exprimée sous forme de vérité universelle qui s’étend à tous les peuples et que Jésus a insisté avant sur le fait qu’il sait de quoi il parle :

« En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons [. . .]et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu; [ . . .] Personne n'est monté au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le ciel »

On peut mais encore plus on devrait donc le croire quand il affirme que Dieu aime le monde et que sa mission à lui et de le faire savoir et de le démontrer parce qu’il est « descendu du ciel ». Est-ce qu’il le dit pour se démarquer clairement de celle de Jean Baptiste qui lui a été envoyé pour juger et appeler à la repentance, comme beaucoup d’autres prophètes avant lui ? En tout cas, Jésus énonce que sa mission est celle de Sauveur avec un S majuscule plutôt que celle de prophète .

On en a envie d’en rester là et de ne pas aller plus loin tellement cette déclaration donne à penser… mais il faudra bien continuer… En tout cas, ce sera pour une prochaine fois…
 

* * *

 

Rien n’est simple dans cet évangile, rien n’est évident...et les études qui ont été faites sont tellement nombreuses et tellement empreintes de théologie qu’il est difficile de séparer ce que Jésus a voulu dire de ce que celui qui l’analyse ou même le traduit veut nous faire croire... tant de siècles nous séparent d’un texte archi commenté… car ce qui a commencé comme un simple dialogue entre Jésus et Nicodème se transforme en un discours rempli d’affirmations déroutantes de Jésus sur qui il est (comme le fait qu’il soit descendu du ciel) et sur qui est Dieu

 

Moi, ici ce que je veux retenir, c’est sur qui est Dieu… Même si l’ affirmation sur la bonté et l’amour de Dieu envers le monde nous est souvent répétée dans de nombreux textes du judaïsme, on a le droit d’en douter car on en a d’autres où il est surtout question de punition. Également quand on voit le spectacle de guerre, d’injustice, de cruauté qui se déploie tous les jours , on pourrait imaginer un Dieu qui a les mêmes défauts et les mêmes mauvaises intentions que l’être humain ce qui est d’ailleurs le cas dans de nombreuses mythologies. Encore pire quand les prédicateurs chrétiens qui fourmillent sur les médias renforcent l’image d’un Dieu vengeur et cruel qui se réjouirait de la souffrance des uns et des autres car ils le mériteraient bien, la déclaration de Jésus sur l’amour de Dieu pour le monde est une révélation majeure !

 

C’est en ce Dieu là, dans cette déclaration étonnante  d'un Être « qui a tant aimé le monde »  qu'il a envoyé son fils « non pas pour juger mais pour sauver » et que Jésus assure connaître intimement.... que je crois !

 

Mais ça reste bien un acte de foi!
 

Pour aller plus loin : Reynolds, B. E. (2007). THE TESTIMONY OF JESUS AND THE SPIRIT: THE “WE” OF JOHN 3:11 IN ITS LITERARY CONTEXT. Neotestamentica, 41(1), 157–172. http://www.jstor.org/stable/43048621

Suggit, J. N. (1980). NICODEMUS — THE TRUE JEW. Neotestamentica, 14, 90–110. http://www.jstor.org/stable/43047809

 


 

Tag(s) : #Etude de l'évangile de Jean
Share this post
Repost0
To be informed of the latest articles, subscribe: