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Le cri, peinture d'Edward Munch, 1893

Le cri, peinture d'Edward Munch, 1893

Le 28 février, 2024

« il s’est immolé »

Aux informations, le week-end dernier, cet ingénieur de l’armée de l’air américain s’est immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël...C’était un acte qu’il a voulu public puisqu’il s’est filmé en chemin et a expliqué son geste, je le cite dans le texte “I will no longer be complicit in genocide [in Gaza]. I am about to engage in an extreme act of protest,” Quoique rapidement des pompiers soient venus éteindre le feu, il est mort quelques heures plus tard de ses blessures… Certains l’ont vu comme un héros, d’autres comme un malade mental, d’autres comme un extrémiste dangereux...

J’ai tout de suite été frappée, en français ( ce n’est pas le cas en anglais) comme la formule « s’est immolé » renvoyait à celle que l’on utilise pour décrire la mort de Jésus et la signification de cette mort, surtout en cette période liturgique de carême où l’on s’apprête à commémorer sa passion…

Mais en relisant les textes plus attentivement, je me suis rendue compte que les textes disaient (en français) a été immolé et non pas s’est immolé ce qui donne une idée très différente : ce n’est pas un acte volontaire de sa part comme serait celui d’un acte suicidaire, mais on l’a tué, ce sont ses ennemis qui l’ont crucifié, lui s’est laissé faire, il a mis en pratique d’une manière extrême l’enseignement qu’il a prêché lui-même dans le texte connu des béatitudes : « ne résistez pas au méchant ».

(« Vous avez appris qu'il a été dit: oeil pour oeil, et dent pour dent. Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre.[..] »)

Sa mort est le résultat de sa non-résistance à son arrestation qu’il a accepté parce que c’était ce que Dieu, qu’il appelle Père, attendait de lui…

Voici ses paroles :

« Le Père m'aime, parce que je donne ma vie, afin de la reprendre. Personne ne me l'ôte, mais je la donne de moi-même; j'ai le pouvoir de la donner, et j'ai le pouvoir de la reprendre: tel est l'ordre que j'ai reçu de mon Père »

Pourtant le langage théologique pour interpréter sa mort peut prêter à confusion tellement on insiste sur l’aspect rédempteur de la mort de Jésus et on passe sous silence les circonstances historiques concrètes et réelles et de sa mort… Il a été fait prisonnier et a été jugé et a été condamné à mort, on l’a obligé à porter sa croix , il y a été crucifié...il ne s’est pas immolé..

En fait si on veut parler de figure christique, la mort du dissident russe Alexeï Navalny serait plus proche de celle de Jésus, dans la mesure où il ne s’est pas soustrait à ses ennemis quand il a décidé de revenir en Russie, sachant qu’ils cherchaient à le tuer...
 

* * *

J’en reviens à ce jeune homme de 25 ans Aaron Bushnell, qui s’est immolé « in an extreme act of protest » parce-qu’il ne voulait pas être complice du génocide des palestiniens : il n’y a aucun doute sur la motivation altruiste et sacrificielle de son acte, caractéristique me semble-t-il d’un jeune anarchiste aux racines chrétiennes qui pourtant avait décidé de s’engager dans l’armée …

(mais comme il arrive très souvent ici, ceux qui décident de s’engager viennent de famille qui ont peu de moyens et le coût des études universitaires étant tellement élevés, ça leur permet d’obtenir de poursuivre des études gratuitement.)

En tout cas, il n’est pas le premier à le faire : l’immolation la plus connue a été celle de ce moine bouddhiste en 1963 pour protester contre la persécution des bouddhistes par le gouvernement du Sud du Vietnam… mais moi je connais au moins un cas d’un américain chrétien qui s’est suicidé pendant la guerre en Iraq se sentant profondément responsable des morts causées par les bombardements : selon ses proches il avait des problèmes de dépression et ne cherchait pas particulièrement à protester… ce qui n’était pas le cas semble-t-il pour ce jeune homme qui avait mûrement réfléchi.

 

* * *

 

J’en reviens à la passion de Jésus.. et à tous ceux qui parce-qu’ils ont décidé de le suivre, ont la conviction erronée qu’ils doivent l’imiter dans ces moindres faits et gestes ( le plus courant est le célibat mais le plus restrictif est le fait qu’il soi un homme  qui fait que seuls les hommes peuvent devenir prêtres selon l’église catholique) et on voit chaque année ces scènes horrifiques des gens qui se flagellent ou se font flageller et crucifier le vendredi saint…

Il n’y a rien de masochiste chez Jésus même pas dans sa passion , il n’a pas cherché à souffrir : la souffrance qu’il a subie est venue du fait que sa mission lui a valu d’être confronté aux forces du mal voire du malin (autant la dénonciation de l’hypocrisie des dirigeants religieux que l’expulsion des esprits mauvais). Il y a un niveau qui rend le sacrifice de Jésus unique, inimitable et finalement incompréhensible : il ne l’a pas cherché, il aurait pu l’éviter… En fait peut-être le plus incompréhensible est l’attitude du Père qui lui a demandé le sacrifice de sa vie et en même temps lui a donné le choix de le refuser…

Pour terminer…

d’un côté, je suis profondément touchée par le sacrifice de ce jeune homme qui s’est immolé pour tenter d’arrêter le massacre de milliers d’innocents et d’un autre, reconnaissante que celui de Jésus n’a pas été auto-infligé empêchant de créer une culture mortifère qui aurait encouragé les plus fragiles à en terminer avec leur vie. Même dans la mort, Jésus reste l’apologiste de la vie.


 

Tag(s) : #Actualités, #carême, #la mort, #maladie mentale
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