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Prière et chagrin au féminin

Mercredi 10 janvier 2023, USA

(mais pas chez moi, je n’ai toujours pas retrouvé mes pénates et continue à vivre dans le provisoire)

Réflexions sur l’histoire d’Ana…

Même si d’un certain point de vue, la bible peut-être considérée comme un texte patriarcal ( écrit, lu et commenté par des hommes presque exclusivement, pendant très longtemps..) qui a souvent été utilisé pour soumettre la femme, il y a ici et là, même dans la Torah/ancien testament des textes qui déconstruisent ce schéma…

L’histoire d’Ana me frappe, alors que je la relis ( je cite tout le texte à la fin du blog) …car elle met en exergue la douleur profonde de cette femme et l’intensité de sa prière qui est née de cette douleur, causée par sa condition féminine d’infériorité.

Cette douleur est décrite comme venant de deux sentiments : amertume et humiliation… Son désir d’avoir des enfants n’est pas présenté comme étant son amour pour les enfants, mais parce que sa stérilité, dans une société patriarcale, faisait d’elle une femme méprisée et dédaignée…

Si on lit toute l’histoire, on se rend compte que comme c’est une histoire ancrée dans le réel culturel et historique et pas un traité de philosophie ou de théologie sur les relations hommes et femmes… on ne peut pas pour autant mettre les uns et les autres dans des catégories figées et étanches où les hommes seraient exclusivement méchants et dominateurs et les femmes victimes et ingénues…

On apprend au début de l’histoire, que comme beaucoup d’autres à cette époque, son mari, était polygame… en effet il avait une autre femme qui elle, par contre, lui avait donné beaucoup d’enfants…. et c’est elle qui passait son temps à humilier Ana car elle n’en avait pas !

« Sa rivale lui prodiguait les mortifications, pour la porter à s’irriter de ce que l’Éternel l’avait rendue stérile. »

( avait-il pris une autre femme parce que justement sa première était stérile…certains connaissent l’histoire d’Abraham qui coucha avec sa servante car Sara, sa femme ne pouvant pas enfanter, cette dernière se mit à lui tenir la dragée haute même si elle avait le statut de servante. En tout cas, ayant vécu dans des société polygames.. je peux facilement imaginer le scénario)

Mais ce qui peut paraître surprenant aussi, est qu’il nous est dit que son mari, Elkana l’aimait beaucoup…

«  Le jour où Elkana offrait son sacrifice, il donnait des portions à Peninna, sa femme, et à tous les fils et à toutes les filles qu’il avait d’elle.

 Mais il donnait à Anne une portion double; car il aimait Anne, que l’Éternel avait rendue stérile. »

Il semblerait donc que son autre femme était avant tout « une pondeuse » mais qu’il ne l’aimait pas plus pour autant… ce qu’elle devait savoir…et par conséquent… dans cette rivalité entre épouses, ces enfants étaient sa revanche…

(Rien de nouveau sous le soleil : cette guerre des femmes qui aiment ou veulent le même homme, qu’elle soit livrée entre épouses légitimes ou illégitimes, compagnes ou amantes…)

* * *

Mais revenons-en à Ana…qui prie avec ferveur et intensité pour sa dignité de femme même si la maternité ne devrait pas être le moyen de l’acquérir, diraient les féministes d’aujourd’hui…

La réaction du prophète Élie face à cette femme désespérée est une réaction du coup, tout à fait machiste : il interprète sa manière de prier, expression de ses sentiments intenses comme un signe d’ébriété…

( la folie des femmes a souvent été utilisée comme un argument pour les enfermer et les obliger à rentrer dans les rangs quand leur comportement remettait en cause les normes sociales de la bienséance féminine… on pense à Camille Claudel..)

Ana est une femme que d’autres diraient excessive dans son désir d’enfant mais en tout cas, elle n’a pas de complexe à s’épancher devant Dieu qu’elle croit suffisamment compréhensif pour l’écouter et elle n’a pas peur non plus de se défendre de l’accusation portée contre elle par Élie qui veut la chasser…

« Ne prends pas ta servante pour une femme pervertie, car c’est l’excès de ma douleur et de mon chagrin qui m’a fait parler jusqu’à présent.

Élie reprit la parole, et dit: Va en paix, et que le Dieu d’Israël exauce la prière que tu lui as adressée! »

La parole d’Élie cette fois-ci n’est plus guidée par ses propres préjugés, elle est parole de Dieu qui ne l’a ni rejetée, ni condamnée pour sa pétition désespérée de femme humiliée…

Peu importe la requête finalement, excessive ou pas, la question n’est pas là, l’histoire d’Ana est pour nous les femmes dont les émotions fortes sont souvent mal vues, une affirmation de la valeur d’une identité dite « féminine » quelle qu’en soit les contours, dévalorisée souvent et moquée tant par les hommes que les femmes…

Merci Ana et merci aussi Élie qui a su recevoir et transmettre le message d’approbation d’Ana

* * *

Voici le texte en entier qui se trouve dans le livre de Samuel :

En ces jours-là, Anne se leva, après qu’ils eurent mangé et bu à Silo. Le prêtre Élie était assis sur son siège, à l’entrée du sanctuaire du Seigneur. Anne, pleine d’amertume, se mit à prier le Seigneur
et pleura abondamment. Elle fit un vœu en disant : « Seigneur de l’univers ! Si tu veux bien regarder l’humiliation de ta servante, te souvenir de moi, ne pas m’oublier, et me donner un fils, je le donnerai au Seigneur pour toute sa vie, et le rasoir ne passera pas sur sa tête. »

    Tandis qu’elle prolongeait sa prière devant le Seigneur, Élie observait sa bouche. Anne parlait dans son cœur :seules ses lèvres remuaient, et l’on n’entendait pas sa voix. Éli pensa qu’elle était ivre et lui dit : « Combien de temps vas-tu rester ivre ? Cuve donc ton vin ! »  Anne répondit : « Non, mon seigneur, je ne suis qu’une femme affligée, je n’ai bu ni vin ni boisson forte ; j’épanche mon âme devant le Seigneur. Ne prends pas ta servante pour une vaurienne : c’est l’excès de mon chagrin et de mon dépit qui m’a fait prier aussi longtemps. »
    Éli lui répondit :
« Va en paix, et que le Dieu d’Israël t’accorde ce que tu lui as demandé. »
  Anne dit alors :« Que ta servante trouve grâce devant toi ! » Elle s’en alla, elle se mit à manger,
et son visage n’était plus le même.[ . . .]

Elcana s’unit à Anne sa femme, et le Seigneur se souvint d’elle.
    Anne conçut et, le temps venu, elle enfanta un fils ; elle lui donna le nom de Samuel (c’est-à-dire : Dieu exauce) car, disait-elle, « Je l’ai demandé au Seigneur. »

Tag(s) : #Bible, #féminisme et religion
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