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vendredi 30 mars, vendredi tragique

En anglais on dit, Good Friday...vraiment Good Friday ? Qu'est-ce qu'il peut y avoir de bon dans cette journée tragiqu

Moi je n'aime pas le vendredi Saint, je n'aime pas penser à toute cette souffrance, elle me fait trop penser à la souffrance de ceux que j'ai rencontrés et que j'ai essayé d'enfouir au fond de moi, ainsi qu'à la mienne de temps en temps...

À commencer par cette trahison de Judas ( un autre épisode qui a fait couler beaucoup d'encre dans la recherche biblique) car elle est tellement courante : quelqu'un qui est proche de vous, que vous avez aimé et que vous avez aidé et qui, un jour pour une raison ou pour une autre, généralement par intérêt personnel, par désir de se faire mousser, ou de s'allier à ceux qui sont détenteurs d'une autorité enviable... se retourne contre vous et passe dans un autre camp, celui de vos ennemis et de vos critiques....ou pire encore...

* * *

Son âge exact, je n'aurais pas su le dire : entre 16 et 20 ans ? Les jeunes qui ont connu la faim ont l'air quelquefois plus vieux ou plus jeune que leur âge...Il avait demandé de parler avec moi après qu'on avait discuté sur le thème de la vengeance....car tous voulaient se venger de quelqu'un mais plus particulièrement de celui qui les avait dénoncés et à cause desquels ils avaient atterri en prison...et la prison c'était horrible pas tant à cause des gardiens mais des autres prisonniers dont ils subissaient les sévices : ils entraient en prison parce-qu'ils avaient volé un œuf et ils en sortaient en voulant commettre un meurtre...À ce niveau-là, parler du pardon sans leur parler de Jésus, ça aurait été irresponsable, il fallait essayer de parer au pire c'est à dire qu'ils ne se transforment pas en assassins...

Il m'a dit qu'il devenait fou mais qu'il ne voulait pas que les autres le sachent...La nuit, il ne pouvait pas dormir, car il rêvait de tuer la personne qui avait tué son frère à coups de couteau devant ses yeux...Je ne comprends pas me disait-il comment il a pu faire ça, c'était quelqu'un qu'on avait reçu chez nous, à qui on avait donné à manger, comment a-t-il pu faire ça ?

Qu'est-ce que je pouvais bien lui dire moi ?

Dans ces cas-là, toutes les belles théories de la psychothérapie, et les méthodes de méditation pour se relaxer et dormir semblent vaines, tous les beaux discours, les raisonnements, sonnent creux, tous les sermons.. . Il n'y a que le Jésus qui a été trahi par un de ces meilleurs amis qui tienne...et comme on était en Amérique latine et que tout le monde a entendu parler de Jésus et de cette histoire ( il y a même des enfants qui ont le prénom de Judas), il savait de quoi il en retournait...

Il avait l'air apaisé à la fin, soulagé me semble-t-il...mais je ne l'ai jamais revu et je ne sais ce qu'il est devenu. Il était dans la section de la prison réservée aux mineurs et que l'on essayait de séparer des adultes pour les protéger un peu, et comme ils commettaient des « petits crimes » ( beaucoup vivaient dans la rue) ils entraient et sortaient constamment...

(Ce patio était plein au moment des fêtes de Noël car il y avait plus de vols, car plus de personnes qui achètent de cadeaux dans les magasins,...et comme eux aussi ils avaient envie d'avoir des cadeaux...Ils étaient très inventifs...une année la méthode qu'ils utilisaient pour voler était simple...quand ils voyaient une femme avec les bras plein d'emplettes, ils s'approchaient et essayaient de lui baisser sa culotte...alors évidemment elle lâchait tout...il suffisait de ramasser ce qui était tombé et de s'enfuir à toutes jambes pendant que la pauvre femme criait : ladrón, ladrón ( au voleur).... pas bêtes les gamins...ils avaient la tête et les jambes !)

 

* * *

« Les hommes qui tenaient Jésus se moquaient de lui, et le frappaient..Ils lui voilèrent le visage, et ils l'interrogeaient, en disant: Devine qui t'a frappé.… »

 

C'était une autre prison, un autre jeune homme probablement plus âgé car il était avec les adultes...il avait demandé à me parler et il avait peur, très peur que l'on sache qu'il allait me raconter ce qui s'était passé et m'a bien recommandé de ne le dire à personne, ce qui fait que je ne pouvais pas dénoncer ou demander à qui que ce soit d'investiguer...La parole officielle était toujours de toutes façons comme la loi interdit la torture, donc, on ne torture pas. Les seules plaintes pour tortures sont faites quand ils ont la mauvaise idée de s'en prendre à une personne de la haute société ou un intellectuel à la réputation internationale, qui connaît les lois, qui a des relations, qui a les moyens d'intenter un procès et qui n'a pas peur des représailles ( et heureusement, il y en a qui l'ont fait)... mais les autres, les petites gens, les gens de la classe sociale à laquelle appartenait Jésus... ils savent bien que la loi n'est pas faite pour les protéger eux.....

Il m'a raconté quelques détails sur la façon dont il avait été torturé lui et un autre, mais ce qui avait été terrible, le plus terrible et qu'il ne comprenait pas c'est comment ces hommes pouvaient rigoler et se moquer d'eux pendant qu'ils les torturaient...pendant qu'ils criaient de douleur...ça ça lui était incompréhensible...( et à moi aussi) et c'est de ça qu'il voulait parler. (Là, j'ai aucun souvenir de comment j'ai réagi ...à part l'avoir écouté)

Et puis, il y avait eu cet autre...lui par contre, il faisait partie de la guerrilla, on lui avait fait creuser sa tombe, un grand classique ( à Jésus on lui avait fait porter sa croix), et aussi on lui avait bandé les yeux, plusieurs fois en lui faisant croire qu'il était au bord d'un ravin et qu'on allait le pousser...Bander les yeux  ( comme on l'a fait à Jésus) pour que la personne soit désorientée c'est routine dans ce genre de choses  (comme violer les femmes par exemple...cela va sans dire... pas besoin de demander)

Et puis, il y en avait eu un autre encore, celui-là , plus âgé, un plus haut placé dans la hiérarchie de ces groupes, qui m'avait dit : bien sûr qu'on parle, bien sûr qu'on crie, pour qu'ils arrêtent, mais on dit n'importe quoi, on dit surtout ce qu'ils veulent qu'on dise...

Les plus aguerris savaient donc mentir pour faire plaisir à leurs bourreaux, savaient s'accuser de crimes qu'ils n'avaient pas commis, pour qu'ils arrêtent...c'est pour cela que je ne crois pas en la valeur des aveux faits sous la torture...excuse que l'on utilise pour soit-disant sauver d'autres vies...

Ces récits m'ont en tout cas convaincue d'une chose : c'est que le but de la torture, ce n'est pas d'abord d'obtenir des informations, c'est d'humilier son ennemi, c'est de le faire plier, de le déshumaniser, de le faire se mettre à quatre pattes ( littéralement quelquefois) de le faire supplier et de l'entendre dire : arrête , arrête!

Alors, c'est à ce moment que l'on se sent fort, que l'on se sent puissant, on se sent un surhomme....surtout si dans la vie on est un minable...

(C'est pourquoi, je crois au mal à l'état pur, c'est pour ça je crois au péché, c'est pourquoi je crois au besoin de rédemption de tout être humain, c'est pourquoi je ne suis pas naïve ou bisounours quand je parle du besoin de pardon... mais c'est aussi parce-que j'ai entendu certains torturés dire : à ces gens-là on leur en veut pas, on leur pardonne, ils exécutent des ordres, ceux qui sont à blâmer, c'est leurs chefs...que je crois que l'homme a été créé à l'image de Dieu... !)

Si les moqueries faites à Jésus me semblent logiques étant donné ces expériences, ce qui m'interpelle aussi dans le récit de la passion de Jésus, c'est son silence …..

 

* * *

"Pilate l'interrogea de nouveau: Ne réponds-tu rien? Vois de combien de choses ils t'accusent. Et Jésus ne fit plus aucune réponse, ce qui étonna Pilate....

Alors le souverain sacrificateur, se levant au milieu de l'assemblée, interrogea Jésus, et dit: Ne réponds-tu rien? Qu'est-ce que ces gens déposent contre toi?Jésus garda le silence, et ne répondit rien. Le souverain sacrificateur l'interrogea de nouveau, et lui dit: Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni?

 

Tout d'abord parce-que la seule manière de répondre aux faux témoignages, aux fausses accusations, comme il l'a fait pendant son interrogatoire, c'est par le silence. Quand les gens sont convaincus d'avance qu'on est coupable, alors on va croire la parole de celui qui témoigne pas celui de l'accusé, alors quoi qu'on dise on n'est pas cru et on s'emmêle dans des discussions sans fin et on fini par s'inculper....C'est pourquoi il y a cette provision dans la loi quand quelqu'un est arrêté : « vous avez le droit de garder le silence » et quand il est jugé...Sauf que quand on lui a demandé qui il était, là il a répondu clairement sachant que sa réponse conduirait à sa condamnation à mort....

Mais surtout ce silence de Jésus, quand il est moqué et torturé, d'un Jésus qui ne supplie pas ses bourreaux de s'arrêter, qui ne les insulte pas, qui ne se récuse pas, cette force-là, m'interpelle vraiment : il ne se laisse pas humilier, déshumaniser, il cesse d'être une victime larmoyante, il n'inspire plus la pitié : alors avoir de la compassion pour ce Jésus souffrant oui, mais de la pitié, non merci ! Les larmes de crocodile, ça ne la fait pas !

En tout cas ça force l'admiration: pas étonnant d'ailleurs que des soldats romains qui aient été au pied de la croix s'exclament : il était vraiment le fils de Dieu !

"Le centenier, qui était en face de Jésus, voyant qu'il avait expiré de la sorte, dit: Assurément, cet homme était Fils de Dieu". Marc 15:39

Ce n'était pas une déclaration de théologien pour prouver le dogme de la Trinité comme on voudrait nous le faire croire, c'était une réaction naturelle devant ce comportement admirable.

Et pour moi, ce silence de Jésus, cette force de caractère, cette dignité incomparable, elle panse les blessures d'humiliation de tous ces hommes et de toutes ces femmes, qui ont été piétinés, avilis, salis:

« Méprisé et abandonné des hommes, Homme de douleur et habitué à la souffrance, Semblable à celui dont on détourne le visage, Nous l'avons dédaigné, nous n'avons fait de lui aucun cas. Cependant, ce sont nos souffrances qu'il a portées, C'est de nos douleurs qu'il s'est chargé; Et nous l'avons considéré comme puni, Frappé de Dieu, et humilié. Mais il était blessé pour nos péchés, Brisé pour nos iniquités; Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, Et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris.… »( Ésaïe 53 :3-5)

* * *

 

Alors, il faut parler quand même de ce dernier épisode, où nous les femmes on fait bonne figure après que tous les hommes, Pierre ( la grande gueule..pardon) en tête renie Jésus, ou tout du moins vont se cacher et le laisse tomber, ne cherchent même pas à le défendre : un bande de lâches et de poltrons ( et aussi ça nous arrive quelquefois, de nous voir lâcher par ceux que l'on croyait être nos amis quand rien ne va plus...Une personne qui réussit ça attire les foules, car ça pourrait être contagieux, mais quelqu'un qui souffre et qui est en échec, ça fait peur aux gens..pour la même raison : ça pourrait être contagieux...)

Il y avait des femmes (plus Jean) au pied de la croix

( de nouveau, grosses discussions pour savoir qui elles étaient et le fait que dans les évangiles de Mathieu, Marc et Luc, on dit qu'elles le suivaient de loin et que seul l'évangile de Jean dit qu'elles étaient près de la croix et mentionne clairement la mère de Jésus et nous rapporte leur conversation....évidemment, étant donné la proximité de Jean et Jésus, les versions différentes ne sont pas contradictoires, seulement que Jean aurait été témoin de ce que les autres n'auraient pas vu, étant donné qu'ils n'étaient pas là...)

En tout cas pour moi, c'est une évidence que sa mère était là ! Quand je me pose la question si moi j'aurais été lâche comme les autres et je serais aller me cacher, si ça avait été mon fils qui était sur la croix, si ç'avait été un de mes enfants, alors oui, je n'ai pas de doute, j'aurais été là...( bon, on ne sait jamais quand même mais a priori)..

(Alors, je sais que les mères ont tous les défauts dans les théories de la psychologie moderne, et tous les problèmes des enfants aujourd'hui c'est à cause de leur mère...et aussi je sais que d'un autre côté, dans certaines cultures, les mères ont aussi toutes les qualités, et que ce sont toutes des immaculées conception...)

Mais bon, qu'une mère soit là, au pied de la croix, rien de plus normal : j'en connais trop de ces femmes qui toutes les semaines faisaient la queue à partir de 5 heures du matin devant les portes de la prison pour apporter à leur fils, de quoi manger ou de quoi survivre pour la semaine...car les visites des mères et des épouses et des sœurs aussi étaient autorisées une fois par semaine ( bien sûr il y avait toute sortes d'autres femmes qui y entraient aussi..)

Évidemment, sur ce que Marie sa mère qui était là ressentait, on ne nous dit rien mais si on est mère on peut imaginer...nous qui souhaitons que nos enfants réussissent, qu'ils soient heureux, qu'ils soient admirés de tous...elle avait connu cela quand les foules suivaient Jésus et que tout le monde voulait le toucher, ou l'inviter chez soi....elle avait dû être fière de ce fils qui certains disaient être le Messie qui viendrait rétablir sur le trône d'Israël comme le lui avait annoncé l'ange du début...elle avait dû ce demander si ça allait arriver, au moment de la Pâque...quand tous les juifs des pays alentours venaient en pèlerinage à Jérusalem...Après une naissance difficile dans une crèche, l'heure était finalement venue...

Mais ça, une crucifixion, avec les criminels quelle honte, pour elle ! ( les gens qui appartenaient aux classes privilégiées et étaient accusés étaient envoyés à Rome...comme Paul par exemple qui n'a pas été crucifié) Quelle déception de découvrir qu'il ne pouvait pas être le Messie...sans parler de sa souffrance : il n'y rien de pire que de voir un enfant souffrir même quand il est devenu adulte...

( Et quand on pense que Jésus avait dit quand sa mère et ses frères le cherchaient au milieu de cette foule admirative « On lui dit: Ta mère et tes frères sont dehors, et ils désirent te voir. Mais il répondit: Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique qui sont ma mère et mes frères » et il avait montré les disciples qui étaient autour de lui...ces disciples qui l'ont lâché et trahi, alors que sa mère...)

Ce qui est sûr dans cette scène, c'est que ceux qui l'aimaient vraiment étaient là, ceux qui ne le suivaient pas par intérêt....mais vraiment par amour...pas un amour spirituel, mystique ou théologique, un amour humain...

Et finalement, pourquoi ne pas mentionner un homme courageux, cet improbable riche et pharisien de surcroit qui vient demander le corps de Jésus pour l'ensevelir dans son prorre tombeau...comme quoi, on est toujours surpris par qui se révèle courageux et fidèle dans ces moments là...

 

* * *

 

Alors on peut pinailler, discuter sur le récit de la passion, essayer d'établir une « vraie chronologie des faits », on peut décider qu'est-ce qui s'est vraisemblablement passé et ce qui ne s'est pas vraisemblablement passé, de notre point de vue d'experts presque 2000 ans après les faits...

Ce qui est sûr,

C'est que Jésus a souffert

et qu' en ce vendredi tragique, il a été compté au nombre des perdants, de ceux qui vivent d'illusions et qui croient être des rois quand ils ne sont que des hommes ordinaires incapable de sauver lui-même alors qu'il en avait sauvé d'autres, de ceux qui ont l'air d'avoir tour raté , de ceux qui ne font pas la Une des journaux quand ils meurent ou qui ne reçoivent pas l'hommage de la nation reconnaissante pour leurs sacrifices...

Ce qui est sûr

C'est qu'il a été crucifié....

Alors vous croirez ce que vous voudrez...

 

Quant à moi,

je crois qu'il a souffert

Et il y a des moments où c'est tout ce que j'ai besoin de savoir devant la souffrance, que ce soit la mienne ou celle des autres

Quant à moi,

Je crois qu'il a été crucifié

et il y a des moments où c'est tout ce que j'ai besoin de savoir quand un homme innocent est condamné et exécuté

Je crois en ce vendredi tragique, que je voudrais oublier, comment tant d'autres...

en attendant la suite...

La suite qui tarde tellement à venir!

P.S: je trouve sur la vie cet article sur la vie qui va dans le même sens que ce post

http//www.lavie.fr/culture/essais/le-chemin-de-croix-lumineux-d-un-rescape-des-camps-nazis-28-03-2018-89079_680.php

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Then they spit in his face and struck him with their fists. Others slapped him 68 and said, “Prophesy to us, Messiah. Who hit you?”

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #semaine sainte
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