le 28 juin, 2024, Auvergne
(Presque la fin du mois, la chaleur est enfin venue!)
Jean 5 : 31-47 : fin du chapitre
Si c’est moi qui me rends témoignage, mon témoignage n’est pas vrai ;
c’est un autre qui me rend témoignage, et je sais que le témoignage qu’il me rend est vrai.
Vous avez envoyé une délégation auprès de Jean le Baptiste, et il a rendu témoignage à la vérité.
Moi, ce n’est pas d’un homme que je reçois le témoignage, mais je parle ainsi pour que vous soyez sauvés.
Jean était la lampe qui brûle et qui brille, et vous avez voulu vous réjouir un moment à sa lumière.
Mais j’ai pour moi un témoignage plus grand que celui de Jean : ce sont les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir ; les œuvres mêmes que je fais témoignent que le Père m’a envoyé.
Et le Père qui m’a envoyé, lui, m’a rendu témoignage. Vous n’avez jamais entendu sa voix, vous n’avez jamais vu sa face,
et vous ne laissez pas sa parole demeurer en vous, puisque vous ne croyez pas en celui que le Père a envoyé.
Vous scrutez les Écritures parce que vous pensez y trouver la vie éternelle ; or, ce sont les Écritures qui me rendent témoignage,
et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie !
La gloire, je ne la reçois pas des hommes ;
d’ailleurs je vous connais : vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu.
Moi, je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas ; qu’un autre vienne en son propre nom, celui-là, vous le recevrez !
Comment pourriez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ?
Ne pensez pas que c’est moi qui vous accuserai devant le Père. Votre accusateur, c’est Moïse, en qui vous avez mis votre espérance.
Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car c’est à mon sujet qu’il a écrit.
Mais si vous ne croyez pas ses écrits, comment croirez-vous mes paroles ? »
Intro
Cette partie des affirmations de Jésus m’a moins dérangée pour expliquer sa légitimité en tant qu’envoyé de Dieu car là il ne fait plus d’affirmations sur la plénitude de ses attributs divins mais cependant pour la comprendre il faut bien connaître les lois du judaïsme qui régissent la question du témoignage pour tester, entre autres, s’il s’agit d’un vrai ou d’un faux prophète .
N’étant pas du tout familiarisée avec cette question, il a fallu donc que je fasse des recherches dans ce domaine pour en comprendre la portée ou la raison d’être. Le motif du Père et du fils faisait appel à des motifs universels, tandis que là, le raisonnement se place à l’intérieur des écritures juives et de leur fonctionnement. L’un des articles que je cite en fin de cette étude m’a beaucoup éclairé.
L’idée principale est que dans la loi juive, pour accuser quelqu’un, quelque soit le crime, il faut qu’il y ait plusieurs témoins, mais aussi on peut trouver que pour défendre un prophète accusé d’être un faux prophète, on doit faire appel à des témoins pour sa défense et ce n’est que si personne ne peut le défendre qu’ il peut être définitivement condamné à mort. ( c’est un très gros raccourci de ce que j’ai lu mais bon… les articles à la fin donnent plus d’informations).
* * *
Jean Baptiste revient sur le tapis comme premier témoin
Si c’est moi qui me rends témoignage, mon témoignage n’est pas vrai ;
c’est un autre qui me rend témoignage, et je sais que le témoignage qu’il me rend est vrai.
Vous avez envoyé une délégation auprès de Jean le Baptiste, et il a rendu témoignage à la vérité.
Moi, ce n’est pas d’un homme que je reçois le témoignage, mais je parle ainsi pour que vous soyez sauvés.
Jean était la lampe qui brûle et qui brille, et vous avez voulu vous réjouir un moment à sa lumière.
Comme précédemment, Jésus ne se met pas en avant et reconnaît que pour être authentifié, il a besoin des autres. Maintenant Jésus s’adresse directement aux maîtres de la loi dont on avait presque oublié la présence et qui étaient à l’origine de ce discours. Il semble donc que les autorités religieuses aient fait toute une investigation auprès de Jean le Baptiste pour savoir ce qu’il pensait de Jésus et c’est donc à eux spécifiquement qu’il s’adresse et même si ce n’est pas devant un tribunal qu’il parle, c’est en termes juridiques qu’il va s’exprimer pour défendre sa cause.
Jean Baptiste dont on a parlé beaucoup au début de cet évangile réapparaît ici, ancrant ce développement dans un contexte historique contemporain aux déclarations de Jésus. On retrouve cette admiration pour Jean et sa popularité mais l’utilisation du passé, semble impliquer que Jean avait été exécuté ?
« Jean était la lampe qui brûle et qui brille, et vous avez voulu vous réjouir un moment à sa lumière. »
Dieu, le Père lui- même comme deuxième témoin.
Après le premier témoin, Jean fait appel à un deuxième, qui est Dieu lui-même, car les « œuvres » ou on dirait les miracles qu’il peut faire en sont la preuve.
Mais j’ai pour moi un témoignage plus grand que celui de Jean : ce sont les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir ; les œuvres mêmes que je fais témoignent que le Père m’a envoyé. Et le Père qui m’a envoyé, lui, m’a rendu témoignage. Vous n’avez jamais entendu sa voix, vous n’avez jamais vu sa face,
Ses paroles ressemblent étrangement à celles de Moïse :
« Alors, Moïse dit : « À ceci vous saurez que c’est le Seigneur qui m’a envoyé pour accomplir toutes ces œuvres, je ne les accomplis pas de moi-même » Nombres 16 : 28 ( c’est ce que notent certains exégètes)
Mais il revient aussi aux affirmations précédentes sur sa proximité avec Dieu en la contrastant avec celle de ses interlocuteurs qui « n’ont jamais entendu sa voix, ni vu sa face », sous entendu alors que lui si…étant donné qu’il est le Fils avec lequel le Père partage tout.
3ème témoin : les Écritures
et vous ne laissez pas sa parole demeurer en vous, puisque vous ne croyez pas en celui que le Père a envoyé. Vous scrutez les Écritures parce que vous pensez y trouver la vie éternelle ; or, ce sont les Écritures qui me rendent témoignage, et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie !
La défense de Jésus face à ces adversaires continue à se faire dans le cadre de la loi juive, sauf qu’il ne cite pas quelles écritures en particulier lui rendent témoignage. Il y fait allusion. Il n’entre pas dans un texte précis, comme on aimerait qu’il le fasse, ( ou si c’était vraiment devant un tribunal ce qui se passera plus tard) mais cela suppose tout un stratum qui est connu des personnes présentes et sur lequel, nous ne pouvons que spéculer. En tout cas voilà un texte qui est cité quelquefois auquel Jésus faisait peut-être allusion:
« Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. Si quelqu’un n’écoute pas les paroles que ce prophète prononcera en mon nom, moi-même je lui en demanderai compte […] Peut-être te demanderas-tu : « Comment reconnaîtrons-nous que le Seigneur n’a pas dit cette parole ? »Si le prophète parle au nom du Seigneur, et que la parole reste sans effet et ne s’accomplit pas, alors le Seigneur n’a pas dit cette parole : le prophète l’a dite avec présomption. Tu ne dois pas en avoir peur » Deutéronome 18 18…
Parenthèse : Remise en cause de la légitimité de ses accusateurs
La gloire, je ne la reçois pas des hommes ;
d’ailleurs je vous connais : vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu.
Moi, je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas ; qu’un autre vienne en son propre nom, celui-là, vous le recevrez !
Comment pourriez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres,
et qui ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ?
Ne pensez pas que c’est moi qui vous accuserai devant le Père. Votre accusateur, c’est Moïse, en qui vous avez mis votre espérance.
Maintenant Jésus passe à l’attaque : il décrédibilise ses accusateurs en montrant quels sont leurs intérêts et leur véritable motivation: la gloire, ou la popularité, ils ne cherchent pas à représenter Dieu sinon à se faire valoir eux-mêmes et leurs pairs . Je suis frappée à quel point il dénonce cette mentalité de l’entre-soi des liders religieux qui sont des sociétés d’admiration mutuelles ( mais aussi de rivalité féroces, ce qui est la même chose car c’est sur eux-mêmes qu’il se concentrent…)
Les Écritures encore
Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car c’est à mon sujet qu’il a écrit. Mais si vous ne croyez pas ses écrits, comment croirez-vous mes paroles ? »
Son plaidoyer termine en faisant appel à ce qui est au cœur de l’identité juive : les tables de la Loi transmises à Moïse par Dieu. C’est le plus grand reproche qu’il peut leur faire…surtout si on se rappelle que Moïse les avaient détruites une première fois quand, en descendant de la montagne où Dieu lui avait parlé car il avait découvert le peuple en train de se prosterner devant un autre dieu qu’ils avaient érigé en statue… le fameux veau d’or !
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Ce que je retiens.
On peut difficilement comprendre certaines affirmations de Jésus si on ne les remet pas dans le contexte des écritures juives et des débats autour de ces écritures à son époque. En fait, pour moi c’est rassurant car j’avais été laissée avec cette impression, que cet évangile était tellement une construction théologique à la lumière de la pensée grecque que je le voyais complètement détaché de la réalité historique (surtout étant donné qu’il était daté plus tard que les autres évangiles ce que conteste d’ailleurs certains aujourd’hui)
Mais en ce qui concerne la personnalité de Jésus, ce que je retiens de tout cela, c’est ce paradoxe fondamental : d’un côté, une humilité sans concession et une soumission sans faille et de l’autre , une témérité inouïe dans la déclinaison de ses attributs divins.
Comment peut- il maintenir ces deux pôles, comment les réconcilier sans faire entorse à la vérité ?
(En réalité, c’est peut- être à ce prix seulement qu’elle peut-être énoncée par quelqu’un qui s’identifie comme le Fils !)
En tout cas pour l’instant, deux phrases me resteront à l’esprit : La gloire, je ne la reçois pas des hommes ; contrairement à vous, (les autorités politiques et religieuses) « qui recevez votre gloire les uns des autres ».
En cette période électorale en France et aux États Unis où les candidats et leur entourage cherchent à nous convaincre de leurs capacités et de leur qualité de Sauveurs, ça fait énormément de bien d’entendre Jésus dénoncer l’imposture et les faux-semblants !
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Pour aller plus loin
BÜTTGEN, P. (2015). Une autre forme de procès La vérité et le droit dans l’exégèse du Nouveau Testament. Revue de l’histoire Des Religions, 232(3), 325–338. http://www.jstor.org/stable/24776688
Manns, F. (1985). EXÉGÈSE RABBINIQUE ET EXÉGÈSE JOHANNIQUE. Revue Biblique (1946-), 92(4), 525–538. http://www.jstor.org/stable/44088777
ATKINS, J. D. (2013). The Trial of the People and the Prophet: John 5:30-47 and the True and False Prophet Traditions. The Catholic Biblical Quarterly, 75(2), 279–296. http://www.jstor.org/stable/43728176