le 3 août, 2023, Auvergne,
De nouveau, je reprends la lecture de cet évangile à reculons : je ne peux pas l’aborder comme un texte comme les autres, en faire simplement une critique littéraire, avec toutes ces limites étant donné que c’est un texte traduit et que l’identité de l’auteur est énigmatique, constamment remise en question.
Je ne veux pas non plus abandonner mon esprit critique et me jeter dans une lectio divina, où je me pose uniquement la question de quel est le message de ce texte car il est parasité dans mon esprit par tous les commentaires, sermons , thèses et théologies qu’il a suscités que j’ai pu lire ou entendre … or mon désir est de renouveler mon regard…
Malgré tout, sa lecture m’oblige à poser des actes de foi dès le départ ; Tout d’abord de mettre ma confiance en des personnes qui ont existé il y a longtemps et auxquelles on ne peut plus poser de questions pour vérifier la véracité de leurs dire ou de leurs écrits… à savoir ceux et celles qui ont été des témoins oculaires, et ensuite ceux et celles qui les ont écrits ou compilés. Il me faut croire qu’ils n’ont pas cherché à tromper leur audience pour la manipuler ; en d’autres termes qu’ils n’avaient pas des intérêts cachés et n’étaient pas d’une intégralité morale à toute épreuve.
Il est évident, historiquement parlant que les disciples de Jésus et les assemblées qui se sont formées après sa résurrection, étaient dénués de tout pouvoir politique, économique et social au moment de l’élaboration de ces textes. Ça c’est une certitude attestée par le fait de la persécution des autorités d’abord juives mais surtout romaines envers eux...car à l’heure d’aujourd’hui ces textes sont diffusés et enseignés par des églises dont le pouvoir économique, politique et social est bien réel et c’est ça qui fausse tout… Les gardiens traditionnels du message sont devenus inaudibles parce qu’indignes de confiance
Mais en revenant aux temps où ces textes ont été élaborés et dans l’impossibilité de vérifier avec certitude comment ils ont été formés, il faut faire un dernier acte de foi ou de confiance, le plus grand : que Dieu lui-même soit intervenu pour que nous ayons des documents pendant tous ces siècles qui soient fiables et crédibles (pas des faux…)
Pour cela bien sûr, il faut croire au Dieu révélé dans les écritures, dont l’intention n’est pas de tromper l’être humain mais de l’éclairer et le guider… On en revient toujours là… et aussi que s’il y a eu des Abraham, des Moises et des David, c’est finalement toute une communauté qui est au centre de la transmission de ces messages, et pas un individu tout seul, pas un Super Héros ! La Bible après tout veut dire, bibliothèque… elle est donc et a toujours été plurielle…
Voici maintenant la deuxième partie des paroles de Jean le Baptiste,
Pour le texte précédent voir :
https://simone-blog.org/2023/07/jesus-le-baptiste.html
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Jean 3 : 31-32
Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tous; celui qui est de la terre est de la terre, et il parle comme étant de la terre. Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous,
il rend témoignage de ce qu'il a vu et entendu, et personne ne reçoit son témoignage.
Celui qui a reçu son témoignage a certifié que Dieu est vrai;
car celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, parce que Dieu ne lui donne pas l'Esprit avec mesure.
Le Père aime le Fils, et il a remis toutes choses entre ses mains.
Celui qui croit au Fils a la vie éternelle; celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui.
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Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tous; celui qui est de la terre est de la terre, et il parle comme étant de la terre. Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous,
il rend témoignage de ce qu'il a vu et entendu, et personne ne reçoit son témoignage. ( Jean)
Je ne peux m’empêcher de mettre cette affirmation en parallèle avec ce que Jésus a dit dans son discours/dialogue avec Nicodème, je les recopie donc ici :
En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu; et vous ne recevez pas notre témoignage.
Si vous ne croyez pas quand je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes?
Personne n'est monté au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le ciel. (Jésus)
( pour une étude plus approfondie de ce passage https://simone-blog.org/2023/06/le-croire-ou-ne-pas-le-croire-voila-la-question.html)
Jean Baptiste avec ces paroles reprend des thèmes présentés par Jésus au cours de ce dialogue: il fait une distinction entre les choses spirituelles et les choses terrestres… il lie leur connaissance à la nature ou l’identité du messager : il réaffirme donc comme Jésus l’a fait que « celui qui vient du ciel » connaît nécessairement les réalités spirituelles. Il parle aussi du témoignage pour authentifier les déclarations de Jésus ( élément très important dans la pensée juive) en disant que ce témoignage quoique authentique n’est pas reçu.
La différence est que Jean note que Jésus est « au-dessus de tous » alors que Jésus, n’affirme être au-dessus de qui que ce soit même si son origine vient du ciel : il n’en tire pas la conclusion de sa supériorité…
L’humilité est donc des deux côtés : du côté de Jésus qui ne se considère pas supérieur à quiconque mais qui déplore que son identité ne soit pas reconnue, et du coté celle de Jean la Baptiste qui lui affirme la supériorité de Jésus et par conséquent, son infériorité à lui…
Celui qui a reçu son témoignage a certifié que Dieu est vrai;
car celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, parce que Dieu ne lui donne pas l'Esprit avec mesure.
Jean maintenant se démarque de ceux qui ne croient pas au témoignage de Jésus : il fait partie de ceux qui y croient, c’est pour cela qu’il ne faut pas prendre le mot personne au pied de la lettre… c’est une manière de parler pour dénoncer le rejet des plus nombreux mais surtout de l’institution religieuse...il affirme donc que Jésus est un prophète au sens étymologique du terme car il dit « les paroles de Dieu », mais il n’est pas n’importe quel prophète car il est totalement rempli de l’Esprit Saint ( sans mesure).
Il continue à insister...et c’est là que l’on retrouve dans sa bouche de nouveau des paroles très proches de celles de Jésus que je citerai pour les comparer…
Le Père aime le Fils, et il a remis toutes choses entre ses mains.
Celui qui croit au Fils a la vie éternelle; celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui.
(Jean)
Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle.
[ . . .] Celui qui croit en lui n'est point jugé; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
(Jésus)
Les deux textes nomment Jésus comme le « Fils » : Jésus s’auto dénomme en quelque sorte mais indirectement en parlant de lui-même à la troisième personne, il n’y a pas ( en tout cas pas encore ) de « Je suis » c’est Jean, le témoin qui nomme Jésus ouvertement du titre complet de « fils unique de Dieu »
Les deux affirment que la vie éternelle est en Jésus, ce qui signifie ici reconnaître qu’il a été envoyé de Dieu, mais Jean parle de l’amour de Dieu pour son fils Jésus alors que Jésus parle de l’amour de Dieu pour le monde...la perspective est différente… C’est un message universel que Jésus présente alors que celui de Jean est uniquement à l’intention des juifs...
Les deux aussi parlent du jugement pour ceux qui ne croient pas au « Fils » mais celui de Jean est plus dur parlant de la colère de Dieu face au rejet de Jésus, conformément au style de Jean dont le message est l’appel à la repentance
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Ce que j’en retiens...
Une fois que je franchis l’obstacle ( ou laisse de côté) la question de savoir si Jean a vraiment utilisé les termes exacts cités ici, et que je prends l’ensemble comme « authentiquement signifiant » dont la rédaction a été inspirée... c’est la comparaison entre les paroles attribuées à Jésus et celles à Jean qui me frappent tout d’abord. Elles présentent deux hommes qui se retrouvent dans leur humilité, une humilité non feinte car elle ne les fait pas renier à qui ils sont.
Jésus ne s’est vanté de rien… il ne s’est pas vanté de l’amour que Dieu avait pour lui ce qu’il passe totalement sous silence (certainement par pudeur) il ne s’est pas vanté non plus d’être « descendu du ciel » et donc d’être supérieur aux autres, à Jean particulièrement, mais il n’a pas cherché pour autant à se rabaisser ( comme les gens qui font semblant d’être humbles) : il a énoncé qui il était et sa déception face à ses interlocuteurs est qu’ils ne croyaient pas ce qu’il disait, non pas parce-qu ils ne le mettaient pas sur un piédestal, mais parce-qu’« ils préféraient les ténèbres » à la lumière qu’il était venu leur apporter.
Jean ne s’est pas senti rabaissé ou plutôt dévalorisé, en affirmant la supériorité de Jésus par rapport à lui-même...la preuve c’est qu’il a continué à exercer son ministère après sa rencontre avec Jésus : il n’a pas renvoyé ses disciples leur disant que sa mission était finie. Il a continué à assumer le rôle qui lui avait été assigné, celui de prophète du peuple juif, tant et si bien qu’il en est mort martyre, décapité sur ordre du roi…
Témoins l’un et l’autre, témoins l’un pour l’autre... ! Une belle leçon !
Mais, il y a une autre dimension que révèle la comparaison de leur message, même si j’aime beaucoup le personnage de Jean Baptiste et que par certains côtés, ma balance pencherait pour lui : seul celui de Jésus est adressé à tous, (inclusif en quelque sorte) car il ne s’adresse pas qu’aux juifs et on peut prendre note qu’il n’y a pas de femmes mentionnées dans l’entourage de Jean, celles-ci n’apparaissant dans son histoire que pour être représentées en la personne d’Hérodiade et de sa fille, symboles à jamais des « Ève »perverses et séductrices qui vont causer sa mort..
Sans le message de Jésus, il faut bien l’avouer, aujourd’hui à l’heure qu’il est, moi femme du XXIème siècle, n’étant pas membre du peuple choisi, j’en serai ignorante voire exclue ...
Merci, donc Jésus !