Le 7 octobre, 2022, Auvergne
Réveillez-moi quand la guerre est finie…
C’est vraiment cela que je ressens…
Ici, les journées sont magnifiques, l’atmosphère est paisible : quand on pousse le pas de la porte, ni cris, ni appels au secours, une ou deux personnes qui promènent leurs chiens, quelques voitures qui passent et en ce mois d’octobre, le dernier de moissons et de travail aux champs, des tracteurs et quelquefois des gros engins agricoles circulent lentement pour ne pas heurter les murs des maisons car ils ont du mal à passer dans la rue trop étroite…
Il y a certainement des drames qui se jouent dans les maisons voisines et j’en connais quelques uns, mais rien qui ne bouscule ou mette sens dessus-dessous le quotidien du village…
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Les images de la libération des territoires repris par les armées ukrainiennes n’étaient pas réjouissantes : ruines, cadavres… quelques personnes âgées à moitié soulagées à l’idée que les combats puissent cesser… rien de triomphant, pas de liesse des habitants...
Évidemment, je dois l’avouer, je suis contente que les russes se prennent une raclée…mais le prix en est tellement élevé ! Je ne peux pas honnêtement m’en réjouir… Quand on commence à se tirer dessus les cadavres s’accumulent et les cadavres se ressemblent tous : russes, ukrainiens, combattants, non-combattants, hommes, femmes, enfants, peu importe leurs identités particulières, leurs convictions politiques, leur religion, tout s’efface quand on finit par ne plus rien être d’autre que des corps morts qui ont été bien vivants et ne le seront plus jamais encore…
Et puis les victoires d’un jour sont dangereuses surtout quand elles sont trop vite célébrées : il faut toujours que l’autre prenne sa revanche et que l’on soit Poutine ou un autre, on n’aime pas se faire humilier, il faut que l’on continue à montrer qu’on est le plus fort, alors… une armée en déroute est souvent plus dangereuse qu’une armée triomphante : on se souvient bien de tous ceux qui ont été fusillés, gazés, brûlés vifs dans des hangars ou même dans des églises juste à la fin de la deuxième guerre mondiale, juste au moment où les forces alliées disaient qu’elles étaient en train de gagner...
Un jour ou l’autre, il faudra qu’ils s’assoient à la table des négociations ( à moins de faire sauter la planète)...mais après combien de cadavres ? On fait toujours une estimation des morts car on ne les connaît jamais tous…
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Toi, qui es Dieu, et qui le sait, comment peux-tu nous laisser nous tuer comme cela, pourquoi n’arrêtes-tu pas les carnages… cette liberté que tu nous a donnée pourquoi devient-elle si néfaste, si meurtrière...pourquoi ? Chaque fois qu’on finit par faire la paix, la génération suivante oublie que la défaite que l’on veut venger ou la victoire que l’on continue à célébrer a coûté trop cher...
Ça fait des millénaires qu’on se pose la question, qu’on Te pose la question et la réponse ?… Le fameux Job, on pourrait bien l’appeler notre ancêtre dans le questionnement, contrairement à Abraham qui est notre père dans la foi, a longuement exprimé tout ce que l’on continue à ressentir mais la réponse qu’il a eu, n’en était pas vraiment une… même le cri de Jésus sur la croix avant de mourir, n’a pas reçu de réponse audible…
Il faudra se contenter des bribes de réponse que Tu nous a donnés : que Tu écoutes le cri de ceux qui souffrent, que tu soutiens les efforts des Justes, que tu désavoues les sanguinaires et les arrogants, que les puissants ne règnent pas à jamais, que ça sert à quelque chose de continuer à marcher dans tes voies...pour le reste...il faudra attendre
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Aujourd’hui, je suis loin du front,
(en réalité, loin de tous les fronts dans ce coin de campagne paisible…)
Réveillez-moi quand la guerre sera finie…
Mais quand cette guerre sera finie, il y en aura une autre… et une autre… et une autre...
Je ne peux pas dormir le reste de ma vie…
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Pour l’instant, je suis aux arrières,
à moi d’assurer le ravitaillement,
ou de panser les blessures
de ceux qui sont sur le front ?
mais de les oublier et de dormir en attendant...
Ça je n’en ai pas le droit !
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« veillez et priez »