le 30 juin, 2022, Auvergne,
(Belles journées…)
Jean 1 : 8-9
Il [Jean] n'était pas la lumière, mais il vint pour rendre témoignage à la lumière. Cette lumière était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout être humain.
Après avoir mentionné le témoignage de Jean, on continue avec cette déclaration de foi en Jésus, et il faut que je me souvienne... que la question de l’authenticité ou de l’historicité de cette déclaration n’est pas à l’ordre du jour : ce ne sont pas les paroles de Jésus qui nous sont rapportées, mais celles d’un disciple de Jésus ( au sens a minima d’un adepte du mouvement de ceux qui croient en Jésus, qu’il ait été lui-même témoin oculaire ou pas) et que les membres de ce groupe naissant que l’on appellera plus tard l’église, ont décidé qu’il fallait garder car ils énonçaient une vérité fondamentale sur qui était Jésus.
On se retrouve de nouveau, devant un élément incontournable de la lecture ou de l’étude de l’évangile, celui des intermédiaires : on ne peut aborder ces textes qui parlent de Jésus sans faire confiance aux hommes et femmes de foi témoins oculaires de sa vie, à ceux qui les ont entendus raconter ce qu’ils ont vécu, à ceux qui les ont rapportés et transmis, et à tous ces anonymes qui ont contribué à l’écriture, à la validation et à la sauvegarde de ce texte qui est parvenu jusqu’à nous.
(Qu’aujourd’hui des exégètes s’intéressent à leur élaboration et essaient d’en percer le mystère et d’en discerner les motivations ou cherchent à connaître la mentalité de leurs lecteurs, n’a aucune raison d’entamer notre attitude de foi et de confiance en leur validité… à moins que le but soit nommément de chercher à les discréditer pour des raisons qui n’ont rien d’une attitude scientifique. Les nouvelles thèses d’interprétation , éclairent mais ne remettent pas en cause leur ensemble, elles portent sur des questions secondaires. Depuis la découverte des manuscrits des caves de Qumran on n’a pas trouvé d’autres documents qui remettent en cause ceux des textes de l’évangile que l’on a. On doit donc faire avec…)
« la vraie lumière/ ou la lumière véritable »
Après, le Logos, la Parole, le Verbe, l’auteur revient à parler de Jésus comme la lumière. Jésus n’est pas présenté comme celui qui sauve mais celui qui éclaire….c’est vraiment une nouveauté… en tout cas par rapport à Marc où l’on parle de fils de David, de « Fils bien aimé », de fils de Dieu, de Messie mais pas de lumière...Même si ce n’est pas un concept nouveau dans la littérature juive de parler de lumière à propos de quelqu’un de notable, il est appliqué à Jésus, d’une manière absolue : il est la lumière...
« vraie/véritable »
et l’auteur continue à insister sur le caractère unique de Jésus comme lumière en le contrastant semble-t-il avec Jean...qui n’était qu’un témoin. Pourtant le texte ne suggère pas que Jean était une fausse lumière, mais la précision montre qu’il y a une insistance de la part de l’auteur sur le fait que Jésus, le Verbe, le Logos, est la lumière pour qu’on ne s’y trompe pas qu’on n’en mette pas un autre à sa place…
qui éclaire tout être humain,
Il y a une universalité étonnante….c’est à l’humanité toute entière...que cette lumière est dirigée, et non pas à un groupe particulier d’hommes et de femmes, à une époque où la distinction juifs/non juifs était au centre de l’appartenance identitaire des disciples. Ils auraient bien été incapables de dire si être juif était une appartenance religieuse, culturelle, ethnique, ou encore nationale et politique, tellement tous ces éléments étaient présents dans leur identité. Le concept de laïcité, à la française, leur aurait été totalement étranger et l’idée de tolérance comme on l’entend aujourd’hui incompréhensible aussi. La tolérance était exprimée dans la loi juive au niveau pratique à travers les devoirs énoncés envers les « étrangers »
(« Tu n’exploiteras ni n’opprimeras l’immigré car vous avez été des immigrés au pays d’Égypte. » (Ex 22, 20). « Six jours, tu feras ce que tu auras à faire. Mais le septième jour, tu chômeras afin que ton bœuf et ton âne se reposent et que le fils de ta servante et l’émigré reprennent leur souffle »Ex 23 )
Mais la tolérance n’avait rien à voir avec approuver les croyances et convictions des autres . Là-dessus, la loi était très claire : tu n’adoreras qu’un seul Dieu et c’est le Dieu d’Israël...tout le reste était idolâtrie...et donc condamnable.
On a du mal à comprendre aujourd’hui ce qu’avait pu signifier pour les disciples de Jésus d’accepter parmi eux des personnes qui n’étaient pas juives : on cite l’expérience de Pentecôte où des gens parlant des langues différentes comprenaient le message des disciples, mais c’était probablement des juifs de la diaspora qui étaient venus à Jérusalem pour les fêtes. La grande découverte de Paul, et le grand mystère qui lui a été révélé, c’est que le salut en Jésus Christ était aussi ouvert aux non juifs car c’était la grâce qui le rendait possible. Il est le seul parmi les disciples ( n’étant pas lui-même un vrai disciple d’ailleurs car il n’a pas suivi Jésus de son vivant) à avoir cette vision...Évidemment quand cet évangile a été rédigé, il y avait déjà beaucoup de « chrétiens » qui n’étaient pas juifs, le grand pas avait donc été franchi.
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En tout cas pour moi au 21ème siècle, que Jésus soit présenté comme la vraie lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout être humain, ça me parle directement….car le besoin d’y voir clair me semble fondamental et tellement difficile à obtenir étant donné l’offre infinie d’articles qui nous sont proposés, par des auteurs se présentant comme ayant la lumière, la révélation, ou tout simplement le remède ou la solution à notre mal du moment, et cela bien souvent en opposition aux autres qui selon eux ne disent que mensonge et sont à éviter comme la peste…C’est difficile de s’y retrouver ! Parler de Jésus comme celui qui nous permet de voir clair est un soulagement, un lieu de confiance, une citadelle de certitude dans un monde de confusion et de contradictions.
D’autre part, le fait que Jean ait été présenté comme celui qui n’est pas la lumière mais un témoin de la lumière, nous donne un enseignement fondamental en faisant une mise en garde nécessaire : on a tellement la tentation de traiter quelquefois les prédicateurs, théologiens ou pourquoi pas prophètes de renom, parce qu’ils parlent bien, parce qu’ils maîtrisent le sujet, ( et on dit dans le langage courant, qu’ils sont des lumières) comme s’ils savaient tout, comme s’ils ne se trompaient jamais, comme s’ils pouvaient nous donner une réponse à toutes nos questions... comme s’ils pouvaient nous diriger sans qu’on ait à penser pour nous-même… Aussi bon soient-ils, ( et Jean était quelqu’un d’extraordinaire), ils ne sont pas la lumière… ils ne font que rendre témoignage ! N’en faisons pas nos idoles….
Pour aller plus loin : l’article ne traite pas particulièrement de l’évangile de Jean mais de l’attitude d’un croyant envers le texte biblique.
Sonnet, J.-P. (2013). La Bible et l’histoire, la Bible et son histoire: une responsabilité critique. Gregorianum, 94(3), 455–477. http://www.jstor.org/stable/24432853