le 11 mars, 2022
Sépulture
La guerre continue…
Hier, c’était des images de sacs en plastique où se trouvaient des cadavres que l’on jetait dans une fosse commune qui étaient diffusées...l’ultime indignité, celle du corps désacralisé même après la mort. Cette indignité, Jésus ne l’a pas connue.
Marc 15 : 42-47
Le soir étant venu, comme c'était la préparation, c'est-à-dire, la veille du sabbat, -
arriva Joseph d'Arimathée, conseiller de distinction, qui lui-même attendait aussi le royaume de Dieu. Il osa se rendre vers Pilate, pour demander le corps de Jésus.
Pilate s'étonna qu'il fût mort si tôt; il fit venir le centenier et lui demanda s'il était mort depuis longtemps.
S'en étant assuré par le centenier, il donna le corps à Joseph.
Et Joseph, ayant acheté un linceul, descendit Jésus de la croix, l'enveloppa du linceul, et le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc. Puis il roula une pierre à l'entrée du sépulcre.
Marie de Magdala, et Marie, mère de Joses, regardaient où on le mettait.
* * *
L’homme qu’on n’attendait pas
Le soir étant venu, comme c'était la préparation, c'est-à-dire, la veille du sabbat, -
Effectivement, selon la loi juive, il ne fallait pas laisser un corps sans sépulture le jour du sabbat, il était donc du devoir d’un proche de s’en occuper, travail qui était accompli par des hommes : les femmes, elles, elles préparaient les épices pour embaumer le corps mais ce sont les hommes eux qui se chargeaient de l’ensevelir.
Étant donné que selon cet évangile, tous les disciples avaient disparu, ( Marc ne les mentionne plus après le reniement de Pierre), apparaît un homme inattendu que l’on nomme par son origine comme cela se faisait mais aussi par son statut dans la communauté juive. Et il semble là que, l'évangéliste a besoin d’ajouter une précision sur lui ou tout au moins une explication
arriva Joseph d'Arimathée, conseiller de distinction, qui lui-même attendait aussi le royaume de Dieu. Il osa se rendre vers Pilate, pour demander le corps de Jésus.
En effet, de par sa position, il aurait dû être associé ou appartenir à ce groupe d'ennemis de Jésus qui l’avaient fait condamner. L’évangéliste ressent donc le besoin de préciser qu’il n’était pas un anti Jésus mais un sympathisant. Ce qui ressort de cet éclaircissement, c’est que l’audience ne le connaissant pas personnellement, ait aussi été étonné que quelqu'un comme lui ait fait ce geste bienveillant en demandant le corps de Jésus pour qu'il soit traité selon les égards dus aux morts dans les coutumes juives.
Qui était-il en réalité ?
Évidemment, comme toujours les supputations sur qui il était et quelles étaient ses vrais motivations ont été le sujet de beaucoup d’études( on est habitué maintenant à voir ce genre de recherches, et de ne pas trouver de conclusions définitives sur le sujet à la fin de ces lectures... je cite un article sur le sujet à la fin de ce texte) , mais on retrouve la même cohérence du reste de l’évangile de Marc où l’on nous présente d’une manière positive un autre personnage imprévu…. ce qui moi, ne m’étonne pas… pas pour des raisons de rédaction de l’évangile mais plutôt parce-que justement c’est le propre de Jésus et de Dieu, de bousculer nos préjugés sur les bons et les méchants…. Autrement dit, Marc n’invente pas un Joseph d'Arimathée, il relate son action même si nous on ne pas savoir qui il était en réalité…
Pilate s'étonna qu'il fût mort si tôt; fit venir le centenier et lui demanda s'il était mort depuis longtemps.
S'en étant assuré par le centenier, il donna le corps à Joseph.
Ce qui semble étonner Pilate ce n’est pas que Joseph d'Arimathée vienne recueillir le corps mais c’est que Jésus soit mort si vite… et il demande donc une vérification...de peur qu’il ne soit pas complètement mort et que ce soit une tentative de lui sauver la vie ?
(On sait combien les gens qui ont survécu à des massacres parlent du fait qu’ils font le mort pour qu’on ne les achève pas… je pense à ce vieil homme Guy Coponet, qui a été grièvement blessé par un des assaillants dans l’attentat de Saint-Etienne-Rouvray et dit être resté sans bouger après avoir reçu de nombreux coups )
Il me semble donc normal que Pilate ait voulu une confirmation… et je ne crois pas que l’évangéliste l’ait rapporté pour convaincre les gens que Jésus ait été vraiment mort…
L’autre remarque sur ces lignes est que l’auteur note que ce n’était pas une faveur facile à demander. Même s’il était un membre important de la communauté juive, on ne s’adresse pas à Pilate si aisément que ça… c’est une faveur qu’il demande ( il y avait un décret romain qui autorisait les membres de la famille d’un condamné à réclamer un corps, étant donné que les romains reconnaissaient l’importance des rites religieux associés avec la sépulture). Mais dans ce cas, en appeler directement à Pilate pour quelqu’un qui d’une certaine manière avait été condamné pour sédition ( puisque la sentence était qu’il s’était dit roi des juifs) n’était pas aussi évident. La difficulté et le risque de faire cette demande renforce le caractère positif qui est donné à ce Joseph….
Finalement, on retrouve les femmes, les femmes fidèles qui avaient dû rester jusqu’au bout et qui ont donc pu assister au moment où le corps de Jésus a été descendu de la croix et suivre de loin pour voir où il a été enseveli… Sachant qu’il n’avait pas pu être embaumé, elles voulaient pouvoir le faire après...
* * *
Une ensevelissement qu’on n’attendait pas...
L’ignominie, Jésus en a fait l’expérience avant de mourir…. mais une fois mort, cette sépulture faite dans les règles de la loi juive et par un haut représentant de la communauté lui a redonné toute la dignité qu’il avait perdu… Il a été traité avec le respect qui lui était dû, après sa mort. Que son corps n’ait pas été jeté aux loups, dévoré par les animaux sauvages, mutilé ou même brûlé, qu’il n’ait pas pourri exposé aux intempéries à la vue et au su de tous sur cette croix, avant même qu’il ne soit question d’une résurrection, est vraiment notable après tout ce qu’il a subi de son vivant : c’ est une sorte de réparation. On ne s’attend pas ou on ne s’attend plus qu’il puisse être épargné de cette dernière ignominie qu’est une mort sans sépulture et où la profanation du corps du défunt est de mise...
Ce qui me pose question,
Dieu n’a pas permis ?
Sachant l’importance de donner aux morts une sépulture digne. que l’on voit dans toutes les sociétés humaines, pensant à ce besoin de « ré enterrer » les morts ( après les avoir déterrés ) ne serait-ce que les quelques restes que l’on retrouve de personnes jetées en vrac dans une fosse commune et qu’on essaie d’identifier afin de pouvoir conduire une cérémonie religieuse pour s’assurer qu’ils reposent en paix...
Serait-ce sombrer dans l’anthropomorphisme que d’y voir un geste d’amour de Celui que Jésus a appelé père, envers un fils auquel il n’avait pourtant pas épargné l’ignominie de son vivant ?
(je viens de découvrir que dans les rites juifs, les proches déchirent un vêtement en signe de deuil pour exprimer la douleur (Qu’ia) …. et je me demande si le voile du tabernacle qui se déchire en deux après que Jésus expire ne serait pas l’expression de la douleur de Dieu)
Ce soin de son corps mort faut-il le rapprocher de cet épisode où une femme lui verse tout un vase de parfum sur la tête et que Jésus dit pour la défendre des reproches des disciples « Elle a fait ce qu'elle a pu, elle a d'avance parfumé mon corps pour l'ensevelissement ». Épisode troublant quand on pense qu’à cause des circonstances, le corps de Jésus n’a pas pu être embaumé avant d’être mis dans le linceul ce qui était la coutume, (plutôt qu’après), épisode troublant encore de par son insistance que ce geste soit toujours rappelé ? « Je vous le dis en vérité, partout où cette bonne nouvelle sera proclamée, dans le monde entier, on racontera aussi en souvenir de cette femme ce qu'elle a fait.»
Par là Dieu veut-il valoriser ces coutumes funéraires où l’on prend un soin particulier des dépouilles mortelles comme marque d’affection et de respect envers la personne décédée ? Ou comme signe que la vie humaine ne s’arrête pas là, ou carrément, dans le cas de Jésus comme un prélude à sa résurrection imminente ?
Je ne sais trop que penser…
En tout cas pour ces femmes qui l’ont observé de loin et sont restées jusqu’au bout … de voir qu’il est descendu de la croix par les soins d’un notable juif ( ou de son entourage) , que son corps a été mis dans un linceul comme il se doit et a été transporté dans un lieu sûr, a certainement été un soulagement ou même une consolation après une journée éprouvante au cours de laquelle elles ont assisté au spectacle horrifiant de son agonie publique. Elles peuvent maintenant, tristement mais tranquillement s’affairer à la préparation du repas pour le sabbat rassurées de savoir la dépouille mortelle du Jésus qu’elles ont aimé dans un lieu sûr…
Une forme d’apaisement à la fin de ce chemin de croix …
Une grâce spéciale pour les vivants, qui est souvent octroyée à la famille après un enterrement d’un être cher particulièrement difficile…
P.S : Un article assez fouillé sur la question de la mise au tombeau de Jésus
BROWN, R. E. (1988). The Burial of Jesus (Mark 15:42-47). The Catholic Biblical Quarterly, 50(2), 233–245. http://www.jstor.org/stable/43719405