Le 1er-Mars 2022…la Virginie 2022
J’ai abandonné Jésus sur la croix… avec la guerre en Ukraine qui fait rage, je suis dans tous mes états : je veux à la fois savoir et ne pas savoir ce qui s’y passe… en fait retourner à l’évangile de Marc est une manière d’échapper à cette réalité même si celle de la mort de Jésus n’est pas très réjouissante et me replonge dans un monde où les puissants prennent le dessus sur les plus faibles…
on est déjà le 4 mars... et on a l'impression de marcher au bord d'un précipice...
Marc 15 : 38-41
Le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas.
Le centenier, qui était en face de Jésus, voyant qu'il avait expiré de la sorte, dit: Assurément, cet homme était Fils de Dieu.
Il y avait aussi des femmes qui regardaient de loin. Parmi elles étaient Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques le mineur et de Joses, et Salomé,
qui le suivaient et le servaient lorsqu'il était en Galilée, et plusieurs autres qui étaient montées avec lui à Jérusalem.
Réactions devant la mort de Jésus
Ceux qui étaient là …. et ceux qui n’y étaient pas
Jésus vient de mourir dans un cri et l’évangéliste nous dit qu’à ce moment là le voile du temple s’est déchiré sans donner à ce fait une signification particulière : seulement une constatation même si très vite on trouvera toute une dimension théologique à cet événement, (entre autre qu’il signifiait que l’on pouvait grâce à la mort de Jésus avoir un accès direct à Dieu car le tabernacle, le Saint des Saints était derrière le voile) Il est important de noter ici qu’aucune doctrine n’est attachée à ce qui est rapporté comme un événement.
De même, la réaction du centenier, (officier romain qui probablement supervisait les soldats qui s’occupaient de la crucifixion, car il faut se rappeler que Jésus n’était pas le seul à être crucifié ce jour là même si on en mentionne que deux autres, il pouvait y en avoir plus) est rapportée telle quelle et a suscité énormément de commentaires. En effet, en disant « il était vraiment le fils de Dieu » il affirme ce qui deviendra un des piliers de la doctrine chrétienne à savoir la divinité de Jésus. Ce qui fait que certains exégètes mettent en doutent l’historicité de cette affirmation ou pensent que le centenier romain l’a prononcé sur un ton ironique et n’est en aucun cas une confession de foi... .
Pour moi cette affirmation ne fait pas problème car on ne sait ce que signifiait au moment de la rédaction de ce texte, rédigé bien avant le dogme de la trinité, ce qu’on entendait par fils de Dieu...et que l’évangile de Marc, a pour titre « commencement de l’évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu ». Ce titre donc lui était donné et était largement reconnu, dogme trinitaire ou pas. ( en bas de texte, un article sur le sujet)
En tout cas, s’il est rapporté, il ne sonne pas faux dans cet évangile où l’auteur n’hésite pas à raconter les histoires qui mettent en valeur des personnes qui ne sont pas appréciées de la société juive bien-pensante de l’époque... Certainement cette affirmation admirative de quelqu’un qui n’était pas juif et en plus avait un haut poste dans l’armée romaine, serait un motif de réconfort et d’affirmation pour ceux qui ont vu ou entendu parler de l’humiliation de Jésus, leur maître et seigneur,objet de la risée publique, exécuté, condamné comme n'importe quel criminel… argument suffisant pour en justifier la citation dans le texte sans aller jusqu’à le présenter comme « une confession de foi », titre que l’on donne souvent du passage et qui n’est pas inscrit dans le texte.
La présence des femmes, elle, est tellement naturelle qu’elle ne fait pas problème : tout le monde sait bien que les femmes sont celles qui n’abandonnent jamais leurs proches…
( j’exagère peut-être, mais je n’oublierai jamais toutes ces femmes que j’ai rencontrées et qui se battaient bec et ongles pour rendre visite à un de leurs proches emprisonnés…. ces « folles » comme on les appelait qui ont manifesté pendant des années à Buenos Aires, ses femmes en Somalie qui n’hésitaient pas à affronter les hommes armés et…..dernière en ligne de cette gente, cette femme russe, âgée de plus de 90 ans survivante du siège de Stalingrad qui manifestait pour la paix en Ukraine dans les rues de Moscou, arrêtée manu militari par des jeunes policiers un peu gênés…)
Toujours est-il que, de la même manière que l’auteur l’a fait pour Simon de Cyrène, leurs noms sont donnés avec les précisions d’usage sur le nom de leurs enfants pour que l’audience sache de qui il s’agissait : il n’est pas précisé qu’une de ces femmes soit la mère de Jésus, encore une fois on peut supposer ce que ce n’était pas nécessaire… cependant comme tout est sujet de polémique dans les évangiles, étant donné cette fois-ci la doctrine de la virginité perpétuelle de Marie que certains veulent prouver et d’autres discréditer, dès que l’on nomme des enfants à une Marie, ça fait jaser… (et quant à Marie de Magdala...la supposée amoureuse de Jésus ou carrément femme, encore plus ).
Ce qui m’intéresse moi, plus précisément est qu’il est montré très clairement que ces femmes étaient des disciples, car non seulement elles le servaient depuis la Galilée mais en plus elles étaient venues avec lui à Jérusalem : première fois que leur importance est reconnue, leur nombre, et première fois que l’on peut les appeler disciples au sens fort du terme car elles se déplacent pour le suivre. Avant les femmes étaient vues comme les nombreux quémandeurs plus ou moins anonymes, demandant l’intervention de Jésus pour une guérison mais tout à coup, presque à la fin de cet évangile, on découvre qu’il y a tout un groupe de femmes qui suivent Jésus : c’est vraiment une nouveauté de les voir apparaître ici comme un groupe distinctif !
* * *
Dans ce récit on ne peut s’empêcher de remarquer que les disciples choisis par Jésus brillent par leur absence… de la même manière que tout au cours de ce récit, ils brillaient par leur incompréhension et leurs remarques déplacées et ceux qui l’honorent encore devant la Croix ce sont ceux qui sont en dehors du cercle des initiés, ou tout au moins du groupe de ceux auxquels on accorde généralement toute notre légitimité et qu’on a appelé apôtres à l’exclusion des autres dont on a promu et prolongé le statut avec la notion de succession apostolique. Les femmes n’étaient pas de ce cercle et les centurions romains ne l’étaient pas non plus..
L’autre remarque que je ferai et que Jésus était à peine mort que ceux qui n’y étaient pas, ont cherché dans les réactions de ceux qui y étaient à prouver dogmes et théories plus ou moins contradictoires : au lieu de contempler, en silence Jésus sur la croix, on ne cesse de pérorer sur la signification de sa mort...ce qui a rendu difficile pour moi, la (re) lecture de ce texte et m’a obligée à sortir de ce récit éprouvant car je ne pouvais pas ignorer tout ce qui avait été dit ou écrit là-dessus: on a besoin d’un minimum d’exégèse historique pour lire et comprendre un texte traduit et écrit il y a deux mille ans…
Ce n’est qu’en me rappelant d’expériences vécues auprès de prisonniers condamnés injustement, dont certains ont disparu sans laisser de traces, que j’ai pu entrer dans ce récit de la passion de Jésus. C’est sous cet angle là que cette passion que j’ai essayée de suivre pas à pas dans toutes les étapes décrites dans ce texte, m’a semblé d’une insoutenable réalité et révélatrice du mal qui existe en nous et dans le monde. Je ne crois qu’aucune des interprétations théologiques sujets de constantes polémiques n’arriveront jamais à épuiser le sens de ce Jésus crucifié . D’où mon appréciation pour la sobriété de cet évangile…
Ecce homo
P.S. Sur le thème de la déclaration du centurion, un article récent :IVERSON, K. R. (2011). A Centurion’s “Confession”: A Performance-Critical Analysis of Mark 15:39. Journal of Biblical Literature, 130(2), 329–350. https://doi.org/10.2307/41304204