le 31 août 2021, Auvergne,
Les saisons passent, l’automne revient : la terre et et le ciel passeront a dit Jésus mais mes paroles ne passeront pas….même si ce discours prophétique sur la destruction du temple et la fin des temps est terminé et que moi je peux passer à autre chose avec la suite de l’évangile…sachant à l’avance comme le lecteur du texte, que cette suite n’est pas très réjouissante !
Marc 14 : 1-9
La fête de Pâque et des pains sans levain devait avoir lieu deux jours après. Les principaux sacrificateurs et les scribes cherchaient les moyens d'arrêter Jésus par ruse, et de le faire mourir.
Car ils disaient: Que ce ne soit pas pendant la fête, afin qu'il n'y ait pas de tumulte parmi le peuple.
Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme entra, pendant qu'il se trouvait à table. Elle tenait un vase d'albâtre, qui renfermait un parfum de nard pur de grand prix; et, ayant rompu le vase, elle répandit le parfum sur la tête de Jésus.
Quelques-uns exprimèrent entre eux leur indignation: A quoi bon perdre ce parfum?
On aurait pu le vendre plus de trois cents deniers, et les donner aux pauvres. Et ils s'irritaient contre cette femme.
Mais Jésus dit: Laissez-la. Pourquoi lui faites-vous de la peine? Elle a fait une bonne action à mon égard;
car vous avez toujours les pauvres avec vous, et vous pouvez leur faire du bien quand vous voulez, mais vous ne m'avez pas toujours.
Elle a fait ce qu'elle a pu; elle a d'avance embaumé mon corps pour la sépulture.
Je vous le dis en vérité, partout où la bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu'elle a fait.
Du complotisme
De nouveau le lecteur est appelé à se tourner vers les autorités juives, alors que précédemment c’était vers Jésus et ses conversations avec les disciples qu’était centré le récit. Indication temporelle qui resitue l’histoire qui naturellement a pour point de repère les fêtes juives, la pâque particulièrement et qui nous rappelle de nouveau que l’on cherchait à arrêter Jésus. Le lieu aussi de Béthanie est noté rappelant le début du séjour de Jésus à Jérusalem, comme le lieu où il logeait. Cette fois-ci par contre on nomme le nom de la personne qui avait offert l’hospitalité à Jésus, comme « Simon le lépreux » sans donner des détails s’il s’agissait d’un repas ou s’il y passait la nuit.
La fête de Pâque et des pains sans levain devait avoir lieu deux jours après. Les principaux sacrificateurs et les scribes cherchaient les moyens d'arrêter Jésus par ruse, et de le faire mourir.
Car ils disaient: Que ce ne soit pas pendant la fête, afin qu'il n'y ait pas de tumulte parmi le peuple.
La raison qui et imputée aux « principaux sacrificateurs et scribes’ pour vouloir arrêter Jésus avant la fête, est un calcul tellement caractéristique d’hommes aux pouvoirs qui craignent les mouvements de foule et qui essaient de les contrôler qu’on ne saurait s’en étonner.
( Du coup, ça me fait penser au complotisme mais… qui ici serait avéré car effectivement un complot se tramait véritablement pour arrêter Jésus…. Ça me fait un peu penser, à un moindre niveau bien entendu, comment le gouvernement prend des décisions désagréables juste pendant les vacances en France comptant sur le fait que les gens n’auront pas envie de descendre dans la rue à ce moment là pour manifester, surtout à Paris qui est souvent déserté pendant cette période sauf que…..cette année, fait inattendu on a vu des manifestations monstres contre le passe sanitaire en plein milieu de l’été…comme quoi, ce n’est pas une science certaine... En tout cas pour Jésus, leurs calculs seront les bons …)
Après vient cet épisode étonnant raconté par l’évangéliste d’une femme qui vient déverser du parfum sur la tête de Jésus que j’avais relu et surtout redécouvert au moment de la semaine Sainte. Ça fait tout drôle de le revoir ici rapporté quand il ne fait pas encore partie d’une liturgie particulière mais est tout simplement une anecdote dont la signification n’est pas attachée à un ensemble d’événements qui ont pris une dimension mythique par la suite. Je reproduis donc l’analyse que j’en avais faite et que j’avais déjà publié.
Une femme extravagante….
Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme entra, pendant qu'il se trouvait à table. Elle tenait un vase d'albâtre, qui renfermait un parfum de nard pur de grand prix; et, ayant rompu le vase, elle répandit le parfum sur la tête de Jésus.
La femme n’est pas nommée (et les théories ou supputations sur qui était cette femme ont fait bon train au cours des siècles) mais comme d’habitude Marc ne se mouille pas, il ne nous permet pas d’essayer de deviner de qui il s’agit, Pourquoi n’est-elle pas nommée? On peut imaginer maintes raisons… que les sources auxquelles il avait accès ne la nommait pas…. ou les témoins oculaires auprès desquels il s’était renseigné ne savait pas son nom ou l’avait oublié, ou n’avaient pas voulu le mentionner, ou ne voyaient pas besoin de le faire…
Bref, on ne sait ni qui elle est, ni quel type de relation elle avait eu avec Jésus…. rien, elle ne dit absolument rien, mais ce que l’on sait c’est qu’elle lui déverse du parfum sur la tête et pas n’importe quel parfum...pas un petit échantillon ridicule comme celui qu’on vous donne dans une parfumerie même si vous avez dépensé plus de 50 euros pour un flacon de 15 ml…
Pourtant une femme qui vient déverser du parfum cher sur la tête de Jésus...ce n’est pas anodin… ou innocent. Jésus n’était pas un vieillard qui avait passé la force de l’âge, et on ne lui avait pas encore mis l’auréole autour de la tête des images pieuses où il est figé, et si on veut être plus proche du texte biblique, il n’avait pas encore été battu de verges et obligé à porter sa croix, un homme au visage ensanglanté ... et dont on naturellement aurait eu pitié et auquel on aurait voulu essuyer le visage...comme dans l’histoire apocryphe du voile de Sainte (bien entendu) Véronique, bien plus conforme à la vision que l’on a de Jésus...
Anonyme sans doute elle l’était, mais il est évident que son geste reflète les sentiments qu’elle avait pour lui, admiration, amour sans aucun doute… amour spirituel, saint et chaste ? On ne devrait pas avoir peur de dire mais elle aurait pu très bien être amoureuse de lui (sans impliquer comme certains qu’elle ait été son amante ce que beaucoup ont un plaisir malin à imaginer) Il n’y aurait rien eu de plus naturel : Jésus était un homme qui attirait les foules, admiré et révéré, un héros populaire pour utiliser notre vocabulaire qui tenait tête aux scribes et aux pharisiens et qui avait été accueilli, quelques épisodes plus tôt par une foule exultante alors qu’il entrait assis sur une bête de somme à Jérusalem qui se préparait pour la fête de la Pâque.
Était-ce une tentative de séduction que ce déversement de parfum sur la tête de Jésus ?
(Si l’église essaie de faire d’elle une femme spirituelle sainte et chaste, les peintres par contre, ne se sont pas gênés dans leur représentation en faisant d’elle une femme sensuelle et séductrice. En réalité ils ont tablé sur l’image plus porteuse de l’évangile de Luc qui met en scène une pécheresse repentie qui essuie les pieds de Jésus avec ses cheveux mais qui n’a rien à voir avec la semaine sainte, ni la Marie dans Jean qui n’a rien d’une pécheresse repentie)
En tout cas, dans la version de Marc, pas de prostituée larmoyante qui se jette aux pieds de Jésus, humble et soumise et les essuie avec ses longs cheveux, image érotique s’il en est une (figure féminine fantasmée par la gente masculine , de la femme belle, soumise, assise aux pieds de l’homme, totalement dépendante de son bon vouloir, sollicitant son pardon même…).
L’épisode ne se prête pas à ce genre de représentation féminine iconique : la femme ne peut-être que debout pour déverser le parfum sur sa tête, plutôt un geste envers une personne dont on reconnaît la royauté, le parfum s’il est une arme de séduction quand il est porté par la femme, est certainement une marque de reconnaissance de la noblesse sur la tête de celui sur lequel il est déversé...Dans ce sens, son geste apparaît comme une prolongation de l’épisode de l’entrée de Jésus à Jérusalem où il a été acclamé comme le fils de David... . C’est sur la tête d’un Jésus roi qu’elle déverse son parfum… c’est sa royauté qu’elle affirme.
Un Jésus féministe ?
Mais quelle qu’eût été son intention ( on ne le saura jamais), la réaction de Jésus n’en est pas moins étonnante : sa défense face aux critiques des personnes présentes montre une empathie avec les sentiments d’une femme qu’on n’attend pas, et on ne s’attend pas non plus qu’il soit sensible à cette démonstration d’amour d’une femme envers lui. On s’attendrait que ce Jésus, bien souvent austère , ce maître/rabbin/prédicateur que l’on a vu expliquer comment la richesse et le royaume de Dieu n’allaient pas ensemble, décrie autant que les autres ce gaspillage injustifié d’argent.
( Ayant vécu à une époque où les femmes ne recevaient pas de salaire, entendre des hommes faire des reproches aux femmes pour dépenser trop d’argent pour des choses inutiles… semble tellement naturel qu’on n’a pas besoin de faire de commentaire...)
Mais pas du tout...la réaction de Jésus est toute autre : elle est sentimentale. Au lieu de condamner cet acte, essentiellement féminin, de débordement émotif, public en plus, il la défend ! De plus pour la sauver de l’embarras dans laquelle elle se trouve, il donne une interprétation prophétique à son geste dont elle n’est pas elle-même consciente… et il transforme la critique de ses adversaires en un motif de louange...Vraiment, une preuve incroyable de sensibilité envers les émotions d’une femme : d’abord de son élan de générosité mais maintenant de la honte qu’elle peut ressentir face à ces critiques. On n’en n’attendait pas tant...Mais la cerise sur le gâteau c’est ce qui suit…
Je vous le dis en vérité, partout où la bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu'elle a fait.
La demande de Jésus que cette femme et son geste ne soient pas oublié, est encore plus étonnante : dans une culture juive où la tradition orale du « souvenez-vous », prévaut, demander à ceux qui l’entourent de rapporter cet incident pour les générations futures a une valeur et une importance difficile à mesurer. Surtout que c’est le seul exemple dans cet évangile, où l’on voit Jésus demander expressément que l’on transmette un message aux générations futures.
( Sur le site internet juif « my jewish learning »on trouve le commentaire d’un article intitulé : « l’importance du souvenir : où l’auteur affirme que « c’est le souvenir qui nous a permis de survivre des milliers d’années d’histoire. Notre religion et notre peuple sont fondés sur la mémoire collective de la révélation à Sinai. Tout au long des écritures on est sommé de se souvenir… »*)
Elle valide en tout cas une approche éminemment féminine de la vie, avec ce qu’elle suppose d’émotivité débordante, de générosité extravagante et d’expression publique de sentiments que d’autres considéreraient impudiques et malvenus dans le Royaume. Mais aussi, il y a une autre dimension à cette affirmation, c’est le fait que Jésus affirme la valeur du corps duquel traditionnellement encore, la femme est la première et presque exclusivement la seule à prendre soin de la naissance à la mort : ce corps qui sera malmené, craché dessus, méprisé, elle le couvre de noblesse anticipant la violence de son agression.
Elle donne de l’importance à ce corps que quelque temps plus tard Jésus offrira comme sacrifice en rompant le pain, rappelant que s’il l’a fait par soumission à la volonté du Père, il ne l’a pas fait le cœur léger. Ce geste, parfumer sur son corps d’une odeur suave et fragrante, a certainement été le bienvenu pour Jésus, une consolation anticipée de la souffrance qu’il allait vivre, une bénédiction envoyée par le Père au Fils qui avait accepté son destin … Elle est la seule dans l’entourage de Jésus à faire ce geste prophétique de réconfort qui affirme son amour et son respect pour lui surtout juste avant la trahison de Judas. Pas étonnant qu’il ait voulu qu’on le rappelle !
* * *
Je dois avouer que ce récit de la femme au parfum dans Marc est une totale découverte : comme beaucoup, j’avais gardé dans l’esprit l’image de la femme larmoyante, ex prostituée, repentante aux pieds de Jésus essuyant ses pieds avec ses longs cheveux. Je n’étais pas consciente qu’il y en avait des versions si différentes, au point ou quoique certains estiment qu’elles racontent un même événement, d’autres y voient des récits d’événements séparés. (N’étant pas un exégète, je n’ai pas d’opinion là-dessus)
En tout cas la lecture attentive de la scène décrite dans Marc, m’a prise de court, à la fois par le geste de cette femme anonyme, debout, image beaucoup plus digne que celle de la femme repentie et surtout aussi à cause de la réaction de Jésus tellement inattendue dans sa compréhension de sa sensibilité particulière qui détone tant avec celle des autres hommes observateurs de la scène. Ce qu’il y a de particulier ici, c’est que c’est sa féminité qui est valorisée quand aujourd’hui encore c’est souvent en se masculinisant qu’une femme peut prétendre être prise au sérieux...Il est dommage que dans les églises où règnent encore des disciples et des apôtres, semblables à ceux qui l’ont critiqué on préfère la voir en pécheresse repentie qu’en prophète clairvoyante…
Pourtant, Jésus avait bien demandé que l’on raconte l’histoire de son témoignage en même temps que celle de sa passion...ce qui a été fait sans doute mais pourtant sans en tirer les conclusions ... féministes de rigueur…
Dommage !
(Décidément cet évangile de Marc, il continue à me plaire…)
* Citation en anglais complète prise à l’adresse suivante
:https://www.myjewishlearning.com/article/the-importance-of-remembering/
PS. Les 4 différents passages qui parlent du parfum versé sur Jésus à lire et comparer. La version de Marc et celle de Mathieu sont très similaires : Marc 14 : 3-11 ; Mathieu 26:6-13. La version de Luc est très différente faisant dire à certains qu’il s’agit d’une autre femme, surtout que ce n’est pas sur la tête de Jésus qu’elle verse le parfum et ce n’est pas pendant la Pâque : Luc 7 : 36-50. Et finalement celui dans l’évangile de Jean : Jean 12:3-8. Ce passage s’apparente plus à celui de Marc et de Mathieu sauf que c’est sur ses pieds qu’est versé le parfum...
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Dernière remarque écrite en ce 31 août : cette intervention de Jésus qui prend la défense de cette femme continue à me faire chaud au cœur chaque fois que mon émotivité me joue des tours.