Du jeudi 15 au lundi 19 juillet 2021,
Marc : 13 1-8
Apocalypse?
On vit dans des temps apocalyptiques...littéralement depuis le début de la pandémie. Témoin, le langage apocalyptique qui est partout présent, mais surtout dans les discours politiques…. de droite comme de gauche. Quotidiennement, on annonce la fin de la civilisation occidentale, de la démocratie, de l’état de droit, de la paix sociale... Jour après jour, on entend rumeurs après rumeurs de complots sourds, de petits groupes puissants appartenant à des associations secrètes qui cherchent à nous contrôler...rumeurs qui sont multipliées par mille ou 100 000 ou 1 000 000 000 grâce à cette caisse de résonance extraordinaire que sont les réseaux sociaux… Résultat de cette atmosphère toxique : divisions profondes au sein de la société et même entre familles et amis (entre les pro-vaccins et les anti par exemple) qui ne se comprennent plus.
Qui dit la vérité ? Qui croire ? La question de la confiance est devenue fondamentale. Qui se fait berner et avale des couleuvres ou au contraire qui est capable de discerner le vrai du faux, le bien et du mal, le juste de l’injuste ? Qui fait partie du dernier bastion des purs, qui garde le cap et ne perd pas la boussole… ? Nous ou les autres ? Notre plus grande crainte, c’est de nous faire avoir.
Alors évidemment, le christianisme, pour lequel le discours apocalyptique n’est pas une nouveauté a son mot à dire …. et les prédicateurs de tout poil s’en donnent à cœur joie…
* * *
Lorsque Jésus sortit du temple, un de ses disciples lui dit: Maître, regarde quelles pierres, et quelles constructions!
Jésus lui répondit: Vois-tu ces grandes constructions? Il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée.
Il s'assit sur la montagne des oliviers, en face du temple. Et Pierre, Jacques, Jean et André lui firent en particulier cette question:
Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et à quel signe connaîtra-t-on que toutes ces choses vont s'accomplir?
Jésus se mit alors à leur dire: Prenez garde que personne ne vous séduise.
Car plusieurs viendront sous mon nom, disant; C'est moi. Et ils séduiront beaucoup de gens.
Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, ne soyez pas troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin.
Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume; il y aura des tremblements de terre en divers lieux, il y aura des famines. Ce ne sera que le commencement des douleurs.
Lorsque Jésus sortit du temple, un de ses disciples lui dit: Maître, regarde quelles pierres, et quelles constructions!
Jésus lui répondit: Vois-tu ces grandes constructions? Il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée.
Il s'assit sur la montagne des oliviers, en face du temple. Et Pierre, Jacques, Jean et André lui firent en particulier cette question:
Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et à quel signe connaîtra-t-on que toutes ces choses vont s'accomplir?
Jésus se mit alors à leur dire: Prenez garde que personne ne vous séduise.
Car plusieurs viendront sous mon nom, disant; C'est moi. Et ils séduiront beaucoup de gens.
Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, ne soyez pas troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin.
Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume; il y aura des tremblements de terre en divers lieux, il y aura des famines. Ce ne sera que le commencement des douleurs.
S’il y a bien un passage qui est d’actualité dans cet évangile de Marc, c’est ce chapitre 13, où pour la première fois on a un long discours de Jésus, et ce long discours est sur la fin des temps et son cortège de catastrophes. (apocalypse ne veut pas dire fin des temps mais révélation, soit dit en passant) Pas de sermon sur la montagne comme dans les autres évangiles, des bribes d’enseignement à propos d’une question ou d’une rencontre, des paraboles aussi mais un autre texte comme celui-là, dans cet évangile il n’y en a pas ! De quoi s’arrêter, s’interroger et prendre note...
( du coup, je sens vraiment le besoin de consulter des articles pour savoir ce que l’exégèse contemporaine nous dit sur ce passage, même si je sais d’avance que cet aperçu ne me donnera pas de certitudes…)
Quand on lit ce chapitre, tout d’une traite, on est vraiment un peu dérouté….on ne sait plus où donner de la tête…. tellement on y trouve des remarques que l’on ne sait comment interpréter, tellement ne connaissant pas le langage et le milieu culturel et religieux de l’époque, on ne sait ce qui est symbolique et ce qu’il faut prendre argent comptant. Surtout pour nous qui voulons dater tout, on ne sait de « quels temps » il s’agit : de celui d’événements proches comme de l’annonce de la chute de Jérusalem, ou plutôt de la fin du monde… les deux sont enchevêtrés l’un dans l’autre ? Et s’il y a des passages dans l’évangile où il n’y a pas de consensus dans leur interprétation, celui-là en est un. Les prédictions sur la fin du monde ça fascine mais ça fait surtout jaser, alors chacun réinterprète ce texte à la lumière de sa théologie, de ses idées politiques selon les circonstances particulières du pays dans lequel ils se trouvent ( comme moi aussi bien entendu !)
Alors pour éviter cet écueil et plutôt que d’essayer de chercher à démêler les fils et de m’adonner aux sciences divinatoires, je vais me concentrer sur la question du sens : qu’est-ce que Jésus veut dire à ses disciples, quel est le sens de son message, que veut-il qu’ils sachent ( ou qu’ils ne sachent pas) qu’est-ce qui peut donc nous être utile à nous aujourd’hui qui vivons dans des temps difficiles ?
* * *
L’épisode commence pourtant par une remarque assez naturelle, celle d’une expression d’admiration sur l’architecture du temple et sa beauté qui était vraiment la fierté du peuple juif...Pas étonnant étant donné que Jésus venait d’y passer un temps considérable et pas étonnant en plus de la part de disciples qui vivaient « en province »dans des zones rurales et qui étaient montés dans la capitale pour les fêtes. C’est assez facile à comprendre dans un pays comme la France, où l’on a ces magnifiques cathédrales que l’on passe son temps à essayer de restaurer, et pour lesquelles on dépense encore aujourd’hui des sommes considérables
Lorsque Jésus sortit du temple, un de ses disciples lui dit: Maître, regarde quelles pierres, et quelles constructions!
Jésus lui répondit: Vois-tu ces grandes constructions? Il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée.
La réponse de Jésus, comme il arrive souvent, coupe court à l’admiration de ses disciples : on retrouve le Jésus prophète dans la lignée de ceux de l’Ancien Testament qui font souvent des prédictions de destruction pas très agréables à entendre pour le peuple juif, surtout pour les grands auxquels ils étaient envoyés. Même si les disciples ne s’attendaient pas à qu’il fasse ce genre de déclaration à ce moment-là ils ne contestent pas sa capacité ou sa légitimité à le faire, lui leur maître à penser qui vient de démontrer devant les scribes abasourdis sa connaissance et sa compréhension des écritures.
( je me demande s’il y avait des gens qui avaient prédit que Notre Dame brûlerait...certainement quelqu’un a du s’en vanter...ou quelqu’un d’autre a interprété un des écrits d u fameux Nostradamus pour montrer qu’il l’avait prédit!)
En tout cas, à y penser, cette prédiction est cohérente avec le Jésus de Marc qui dénonce l’orgueil des liders religieux et les dangers de l’attachement aux biens matériels et aux constructions humaines : il est facile de l’imaginer vouloir tempérer l’enthousiasme et l’admiration de ses disciples en leur disant que cette grandeur, cette gloire n’est qu’éphémère et que d’un jour à l’autre, elle ne sera plus...l’essentiel, l’important est autre part.
Il s'assit sur la montagne des oliviers, en face du temple. Et Pierre, Jacques, Jean et André lui firent en particulier cette question:
Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et à quel signe connaîtra-t-on que toutes ces choses vont s'accomplir?
On nous nomme 4 disciples et on se retrouve donc au début de ce discours dans une conversation privée loin de la foule, et leur question montre maintenant quelle est leur réaction à la déclaration de Jésus : celle de la curiosité, ils veulent savoir quand ! Les disciples ne sont pas intéressés par un enseignement sur la vanité des beaux bâtiments si religieux soient-ils, ce qui les intéresse est de connaître l’avenir certainement pour s’en prémunir mais aussi à cause du goût de savoir quelque chose que les autres ne savent pas (ils sont en petit comité avec Jésus)… et de pouvoir se vanter de cette connaissance privilégiée après. Sous cette angle là leur réaction est tout à fait normale !
(Une remarque en passant : beaucoup de discussions sur la datation de la rédaction de cet évangile, tournent autour de cet événement historique qui a été la prise de Jérusalem et la destruction du temple en l’an 70. Certains pour prouver que Jésus savait vraiment l’avenir et était donc fils de Dieu, insistent sur le fait que cet évangile a été écrit avant cette date. D’autres au contraire affirment veulent que ce serait le rédacteur de l’évangile qui aurait mis ces mots dans la bouche de Jésus après cet événement car ce n’était pas possible que Jésus le sache. Bref…)
La mise en garde
Jésus se mit alors à leur dire: Prenez garde que personne ne vous séduise.
Car plusieurs viendront sous mon nom, disant; C'est moi. Et ils séduiront beaucoup de gens.
Cependant la réponse qu’il donne à leur question semble a priori un peu à côté de la plaque ( comme d’habitude on a envie de dire). : au lieu de répondre à leur question précise, il en profite pour diriger leur attention dans une autre direction. Pourrait-on penser qu’il considérait cette curiosité inutile ou malsaine ?
( il faudrait rappeler peut-être que Jésus n’est pas le chef de file d’un parti politique ou d’un groupe d’agitateurs/activistes, même si certains étaient des zélotes, qu’il voudrait instruire pour qu’ils puissent préparer la bonne stratégie et prendre le pouvoir le moment venu...)
La première chose que Jésus semble craindre pour ses disciples, c’est qu’on les trompe...et donc le texte commence par une mise en garde, mais une mise en garde spécifique, contre des personnes qui se revendiquent de lui...et qui sera élargie plus loin dans le texte quand il parlera de faux prophètes et de faux Christs.
Si quelqu'un vous dit alors: "Le Christ est ici", ou: "Il est là", ne le croyez pas.
Car il s'élèvera de faux Christs et de faux prophètes; ils feront des prodiges et des miracles pour séduire les élus, s'il était possible.
Comment comprendre cette première mise en garde ? Quand on lit l’histoire des troubles qui ont commencé en l’an 66, avant la chute de Jérusalem, et quand on considère que la plupart des disciples croyaient que Jésus reviendrait incessamment pour mettre en place son royaume on peut voir comment elle peut être prise littéralement. En effet, ce que je viens de découvrir, c’est qu’il y avait eu une guerre civile féroce à Jérusalem qui a précipité la défaite juive contre les forces romaines.
Pour avoir une idée des événements de l’époque, voilà un court résumé de la situation sur le terrain, extrait de l’histoire qui est donné sur wikipedia, qui quoique discutable donne malgré tout une idée de ce qui s’est passé pendant cette époque troublée. Famine, rumeurs de guerre, en dehors de la Judée après la chute de Néron, on y trouve tout sauf….la mention de tremblements de terre. Quelques extraits :
« Selon Flavius Josèphe, les causes immédiates de la révolte, en 66, sont un sacrifice païen devant l'entrée de la synagogue de Césarée, suivi par le détournement de 17 talents du trésor du Temple de Jérusalem, par le procurateur Gessius Florus2. L'acte décisif qui signe la rupture d'avec Rome est la décision d'Éléazar, fils du grand-prêtre Ananias et chef de la police du Temple, de ne plus accepter le sacrifice quotidien pour l'Empereur"
Les Juifs sous la conduite des zélotes mettent en fuite à Beth-Horon, non loin de Jérusalem, la XII légion du gouverneur de Syrie Cestius Gallus, puis s'emparent de Jérusalem et contrôlent alors la Judée et la Galilée, dans un court moment d'unité nationale Aussi les Romains dépêchent-ils dès 67 le général Flavius Vespasien qui reprend, en 67-68, le contrôle de la Galilée et de la Samarie.
La fuite de l'empereur Néron suivie de son suicide en 68 amène Vespasien à se lancer dans la lutte pour la dignité impériale. Il interrompt donc la guerre contre les Juifs pour mener sa prise du pouvoir à partir d'Alexandrie. Les combats connaissent alors une accalmie que les Juifs ne mettent pas à profit pour s'organiser.
La guerre reprend avec Titus mais « Selon Flavius Josèphe9, ce sont 23 400 hommes que les Juifs peuvent opposer aux Romains, mais ils appartiennent à des factions antagonistes et obéissent à de multiples chefs qui se sont entretués dans une féroce guerre civile8
Selon Tacite, « ce n'était entre eux que combats, trahisons, incendies et une partie du blé avait été dévorée par les flammes » …. « Les terrasses étaient encombrées de femmes et de petits enfants exténués, les ruelles de vieillards morts ; des garçons et des jeunes gens erraient comme des fantômes, le corps tuméfié. Sur les places, ils tombaient là où le fléau les accablait. Les malades n'avaient pas la force d'ensevelir les cadavres de leurs proches ; ceux qui étaient encore vigoureux différaient ce soin, effrayés par la multitude des cadavres et l'incertitude de leur propre sort…. »
Peu importe les détails macabres qui peuvent différer dans certains récits, étant donné cette dimension de guerre civile entre ceux qui voulaient un compromis avec le pouvoir romain et ceux qui voulaient combattre jusqu’au dernier homme, je vois mieux maintenant combien il y avait de quoi être confondu ! Pas étonnant que Jésus veuille mettre en garde ses disciples, qui seraient déboussolés ne sachant qui croire et que croire ayant été eux-mêmes déjà les victimes de persécutions de la part des autorités juives mais aussi des romains sous Néron.
Dans le contexte de confusion et de division qui régnait à Jérusalem ( avec de nombreuses exécutions sommaires par dessus le marché) certainement certains se sont revendiqués du Christ pour rallier à leurs côtés les disciples hésitants mais qui devaient être devenus nombreux, pour qu’il participent dans la lutte violente à leur côté invoquant des motifs politico religieux. Le « ne vous laissez pas séduire » si on le remet dans ce contexte, s’applique facilement à l’attrait et la croyance que le Royaume que Jésus était venu annoncé et dont la réalisation était imminente devrait être accompli grâce à lutte armée et à la prise de pouvoir auxquels on les invitait à participer. Ils prétendaient donc que Jésus était à la tête de leur mouvement.
Ne vous laissez pas séduire car on ne dira jamais l’attrait de la prise du pouvoir politique par les chrétiens pour mettre en place les valeurs du Royaume oubliant que c’est par la croix que Jésus a accompli sa tâche. Si donc on peut supposer que c’est de la destruction de Jérusalem que Jésus parle ici, ce qu’il décrit est par trop universel pour que l’on ne puisse pas l’appliquer à d’autres temps sous d’autres cieux…On enrôle tellement facilement ces croyants qui pensent défendre l’église chrétienne dans une forme de nationalisme religieux en se ralliant à des factions politiques assoiffés de pouvoir.( et malheureusement quelque fois de sang aussi!)
Et bien sûr me viennent à l’esprit tous ces conflits à dimension religieuse dans les guerres civiles européennes et les autres… Je pense aux guerres de religion mais aussi aux révoltes de chouans pendant la révolution française, et plus près de nous, à la guerre civile espagnole et la guerre civile mexicaine...qui ont été particulièrement cruelles et où ont trouvé la mort beaucoup de religieux d’ailleurs, sans parler de la guerre colombienne dans les années cinquante quand ce sont crées la FARC, bien avant celles de la mafia…
(Après, on voudrait avoir plus de détails, plus de précisions pour savoir comment ne pas se laisser « séduire », connaître une formule infaillible comme on en lit dans ses contes populaires, où l’on dit qu’en jetant de l’eau bénite à une vision, on sait si elle vient de Dieu ou du démon…., mais Jésus n’élabore pas...)
«Ne soyez pas troublés »
Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, ne soyez pas troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin.
Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume; il y aura des tremblements de terre en divers lieux, il y aura des famines. Ce ne sera que le commencement des douleurs.
Tout de suite après leur avoir dit d’être méfiant, Jésus veut les rassurer… mais comment être rassuré quand il décrit de tels événements à venir et surtout quand il en rajoute en disant que … ce ne sera que le commencement des douleurs… , on a l’impression qu’il se moque de nous !
(Comme on l’a vu dans les années qui précéderont la chute de Jérusalem, il y aura un moment de répit qui fera croire que l’on est proche de la fin, quand les armées se sont retirées une première fois, mais deux ans plus tard ce sera bien pire…. )
Pourtant, ne soyez pas troublés, est justement le message qu’on besoin d’entendre, quand tout se désagrège, quant tout part en vrille, quand tous les jours on ne parle que de famine, de rumeurs de guerre, du prochain tremblement de terre et de toutes les catastrophes naturelles qui vont s’abattre sur nous à cause du réchauffement climatique…. Et de toutes les images alarmantes que l’on voit déjà défiler sur nos écrans car on vit dans un monde où l’on est informé presque instantanément de toutes les horreurs qui se passent aux quatre coins de la planète
(car ne pas se troubler quand tout va bien, quand la paix règne, quand on est en bonne santé, quand on n’est pas menacé de perdre son emploi ou de perdre son logement, quand on se sent en sécurité…. C’est facile …)
* * *
Ne vous laissez pas séduire et ne soyez pas troublé
Plus que la description des événements catastrophiques à venir, ce que je retiens de ce début du discours, ce sont ces deux messages… tellement différents que ceux que l’on voit sur les réseaux sociaux qui cherchent à nous effrayer pour nous faire basculer dans la haine et la paranoïa …