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Cet arbre était bien mort même si je ne crois pas qu'il ait été maudit...en Virginie

Cet arbre était bien mort même si je ne crois pas qu'il ait été maudit...en Virginie

Le 24 avril, 2021/ 6 mai 2021, Auvergne, France.

( traversée de l’Atlantique réussie...)


 

Marc 11 : 13-14 ; 20-26


 

La douche froide...après Jésus le Messie…


 

Peut-être qu’au lieu de donner ma réaction à cette histoire de Jésus qui maudit un figuier, je devrais commencer par parler de toutes les interprétations qui ont été attribuées à cet épisode (péricope disent les spécialistes) qui nous gêne beaucoup : il y a de quoi...quelque soit sa christologie sur la divinité ou l’humanité de Jésus, on est mal à l’aise quand on voit un Jésus qui s’énerve parce-qu’il a faim et qu’il n’y a pas de fruits sur ce pauvre arbre ( surtout qu’hier c’était « earth day »où l’on nous demande de respecter la nature) on cherche donc à l’excuser pour sa conduite répréhensible, et la meilleure manière de le faire, c’est de le voir comme un acte symbolique (qui serait pour certains une malédiction posée sur le peuple d’Israël)...et pas le fait qu’il était énervé…


 

( un commentaire que j’ai trouvé très original, était fait par un pasteur ivoirien Dieunedort Kamdem : venant d’une culture plus proche que celle de la Palestine d’une certaine manière et étant donné la croyance selon laquelle des esprits habitent dans les arbres , comme Jésus s’adresse à l’arbre, il s’agirait d’un esprit mauvais, qui a empêché Jésus d’y trouver du fruit et donc Jésus a maudit le démon qui s’y trouvait plutôt que l’arbre)


 

Pour mieux examiner cette anecdote, j’ai pris la liberté de sauter le texte intercalaire qui parle de ce que fait Jésus dans le temple et de le rattacher directement à son dénouement car il permet d’éclairer sa signification. Pour une fois que Marc nous donne des indications de temps, j’en profite….et je suppose qu’elles correspondent à une réalité hors du texte et pas à une construction rédactionnelle en vue d’un effet particulier. La question de savoir s’il s’agit vraiment d’une séquence temporelle d’ailleurs comme l’indique le texte , (matin-malédiction du figuier ; journée-chasser les vendeurs du temple ; soir retour à Béthanie ; lendemain- matin, constatation de l’arbre desséché)  ou au contraire d’une volonté rédactionnelle de la part de Marc ayant un but apologétique, ne pourra jamais être résolue avec certitude. J’opte donc pour une séquence temporelle et ce faisant une lecture plus littérale pour expliquer la juxtaposition d’éléments divers, surtout parce que je me refuse d’y voir une histoire symbolique qui condamnerait le peuple juif ce qui n’est pas du tout dit ici : on n’a pas besoin d’en rajouter là-dessus !



 

Le lendemain, après qu'ils furent sortis de Béthanie, Jésus eut faim.

Apercevant de loin un figuier qui avait des feuilles, il alla voir s'il y trouverait quelque chose; et, s'en étant approché, il ne trouva que des feuilles, car ce n'était pas la saison des figues.

Prenant alors la parole, il lui dit: Que jamais personne ne mange de ton fruit! Et ses disciples l'entendirent

 

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Le matin, en passant, les disciples virent le figuier séché jusqu'aux racines.

Pierre, se rappelant ce qui s'était passé, dit à Jésus: Rabbi, regarde, le figuier que tu as maudit a séché.

 

Jésus prit la parole, et leur dit: Ayez foi en Dieu.

 

Je vous le dis en vérité, si quelqu'un dit à cette montagne: Ôte-toi de là et jette-toi dans la mer, et s'il ne doute point en son coeur, mais croit que ce qu'il dit arrive, il le verra s'accomplir.

 

C'est pourquoi je vous dis: Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir.

 

Et, lorsque vous êtes debout faisant votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos offenses.

 

Mais si vous ne pardonnez pas, votre Père qui est dans les cieux ne vous pardonnera pas non plus vos offenses.

 


 

Un saute d’humeur ?


 

On ne peut pas autant qu’on veuille essayer de l’éviter, ne pas voir dans cette histoire, un Jésus énervé et déçu parce qu’il avait faim et qu’il ne pouvait pas trouver de quoi manger. On cherche en vain, un indice pour y voir une motivation autre que celle qui nous est présentée….et le symbolisme du figuier représentant le peuple juif, ne me convainc pas car il n’est pas mentionné et on ne peut pas, à moins de faire des contorsions herméneutiques, faire de l’épisode qui suit, Jésus chassant les vendeurs du temple, une illustration ou une justification de cet épisode. Le texte insiste vraiment sur la colère de Jésus qui semble avoir surpris ses disciples « qui l’entendirent »donnant à penser que cette parole n’était pas prononcée à leur intention et que Jésus s’étant éloigné d’eux pour se diriger vers le figuier, n’essayait pas d’être entendu ce qui conforterait la thèse d’une saute d’humeur.


 

Apercevant de loin un figuier qui avait des feuilles, il alla voir s'il y trouverait quelque chose; et, s'en étant approché, il ne trouva que des feuilles, car ce n'était pas la saison des figues.

Prenant alors la parole, il lui dit: Que jamais personne ne mange de ton fruit! Et ses disciples l'entendirent


 


 

Si on en revient à l’hypothèse de Papias (cet auteur du 1er siècle ) qui suppose que Marc a reproduit ce qu’il a entendu de Pierre, l’épisode est tout à fait cohérent même s’il n’est pas flatteur à notre goût. C’est bien Pierre qui joue un rôle important en faisant remarquer à Jésus quand ils passent devant le figuier qu’il était devenu stérile, ce que Jésus semble ne pas avoir noté et qui suscite auprès du disciple et c’est peut-être la clef de l’histoire...non pas une condamnation mais de l’admiration : il s’étonne du pouvoir de Jésus sur la nature de la même manière que quand il a calmé la tempête et qu’ils étaient dans la barque . Tout ce qui suit va dans ce sens.


 

Une foi à déplacer les montagnes


 

Jésus répond à la remarque de Pierre en mentionnant le pouvoir de la foi :


 

Je vous le dis en vérité, si quelqu'un dit à cette montagne: Ote-toi de là et jette-toi dans la mer, et s'il ne doute point en son cœur, mais croit que ce qu'il dit arrive, il le verra s'accomplir.


 

C'est pourquoi je vous dis: Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir.


 

On connaît bien tous l’expression : une foi à déplacer des montagnes mais en retrouver l’origine comme commentaire au « miracle » du figuier maudit, ça, c’est inattendu….on lie rarement les deux. Pourtant ici, comme si l’épisode précédent ne faisait pas problème, on retrouve un Jésus apaisé maintenant, qui ne vitupère plus contre le figuier et n’en fait pas une parabole dénonçant ceux qui ne portent pas de fruit ( comme on la trouve dans Jean,même s’ils s’agit de vigne et pas de figuier) et qui continue sur la même lancée de son travail de formation auprès des disciples puisque répondant à leur étonnement et leur admiration, il les assure qu’eux aussi peuvent faire de même.


 

C’est une des déclarations les plus fortes sur le pouvoir de la foi que Jésus ait faite et à notre époque où le coaching est devenu un métier à part entière, on ne peut pas s’empêcher de penser que c’est de ça dont il s’agit : de leur donner confiance, de leur dire que eux aussi ils peuvent, de les encourager à croire au pouvoir de leur propre foi ce qui est étonnant quand même car en tout cas dans ces déclarations, Jésus ne semble leur mettre aucune limite ou condition. Bien des adages nous viennent à l’esprit dans ce sens sans qu’aucune référence ne soit faite au pouvoir et à la volonté de Dieu qui ne sont même pas mis en exergue par Jésus : « quand on veut, on peut », « à coeur vaillant, rien d’impossible » , « il suffit d’y croire » etc...


 

( Malheureusement, comme on peut toujours utiliser un enseignement de Jésus pour détruire autrui, bien des fois, quand les prières de guérisons particulièrement ne sont pas exaucées, on cite ces paroles là pour reprocher à la personne qui souffre de maladie de ne pas avoir suffisamment la foi, ajoutant à sa douleur, un fardeau de plus : la culpabilité )


 

Et puis, sans crier gare, l’enseignement de Jésus sur la foi et la prière, prend une nouvelle direction...On retrouve la formule que l’on connaît comme faisant partie du Notre Père et qui semble vraiment arriver comme un cheveu sur la soupe en introduisant le thème du pardon… Sauf que… à une proposition inconditionnelle, globalisante n’autorisant pas de limite, vient se greffer, un avertissement, une recommandation qui au contraire propose des limites et des conditions que la déclaration précédente n’envisageait pas comme si Jésus, après coup, ajoutait un Mais en majuscule, au cas où les disciples s’imagineraient qu’ils pourraient demander n’importe quoi ?


 

Et, lorsque vous êtes debout faisant votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos offenses.


 

Mais si vous ne pardonnez pas, votre Père qui est dans les cieux ne vous pardonnera pas non plus vos offenses.


 

Un rappel que la prière à la mode Jésus, ce n’est pas un jeu, ce n’est pas de la magie, ça ne peut pas être une recherche de toute-puissance qui nous donnerait carte blanche et nous permettrait de faire n’importe quelle pétition, quand on prie, il faut avoir le coeur pur... et là le pardon est conditionnel, que ça nous plaise ou pas, pour le recevoir, il faut le donner.



 

Quand on se recentre sur la leçon que Jésus donne à propos du figuier desséché, son énervement semble anecdotique, ne valant pas la peine de s’y attarder et en tout cas, ne posant pas à ses disciples le problème qu’il nous pose à nous qui portons un regard critique sur ce trait considéré  fâcheux de la personnalité de Jésus.  La leçon à tirer, c'est une fois de plus la foi mais aussi que ce Jésus qui s'énerve partage en quelque sorte le secret de son pouvoir et n'en fait pas un privilège exclusif ce qui ne cesse d'être tout aussi étonnant et dans ce cas louable.


 

* * *


 

A titre personnel, ma réaction naturelle est de penser : c’est bien typique d’un homme de s’énerver quand il a faim et que son désir de le satisfaire est contrarié ( selon la tradition rabbinique de Hillel, on pouvait demander le divorce si sa femme avait brûlé le repas...mais ici la colère de Jésus au moins ne s’est pas dirigée vers une femme ou quelqu’autre personne...) . Et c’est justement cette humanité « imparfaite » de Jésus qui nous fait problème sans parler de sa divinité  : on aime se souvenir qu’il a résisté à la tentation de manger pendant son jeûne dans le désert (40 jours, c’est pas rien) et on le voit « utiliser son pouvoir divin », comme dans les évangiles apocryphes sur le jeune Jésus pour satisfaire un besoin immédiat, qui résulte en une malédiction même si ce n'est qu'un arbre .


 

Serait-il aussi si choquant parce que notre rapport à la nature a changé avec l’écologie et que l’on voit un arbre comme un être vivant et donc sacré, qu’on ne doit surtout pas couper ? Ou est-ce notre idée de la perfection et de la sainteté qui est bousculée par la réaction de Jésus, quand nous, les bons chrétiens faisons de la patience et de la sérénité une vertu incontournable surtout confrontés à nos désirs corporels ? Rester Zen en toutes circonstances, est-ce notre idéal et on ne saurait comment penser un Jésus pas zen du tout ?


 

Quelqu’en soit la raison, l’anecdote est là et l’absence de commentaire ou de réaction outrée de l’évangéliste devrait nous faire penser qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Le Jésus qui chasse les vendeurs du peuple et est intercalé au milieu de cette anecdote est tout à fait cohérent avec celui qui maudit un figuier finalement...sauf que ça on le lui pardonne parce-qu’il s’agirait d’une sainte colère…


 


 

* * *
 


 

Le Jésus de Marc, je préfère le laisser tel quel : c’était tout le but de ma démarche quand j'ai décidé d'entreprendre la lecture de l’évangile de Marc, et à ce niveau-là, je ne suis pas déçue même si ça m'incommode.


 

Un Jésus qui bouscule mes a priori, ce n’est pas plus mal,


 

Alors pourquoi vouloir à tout prix le refaçonner ?


 


 

P.S L'article cité ci-dessous qui analyse une des remarques du texte en langue grecque sur les versets racontant l'histoire de Jésus et du figuier est intéressant car il signale au début toutes les polémiques et théories qu’il a pu susciter COTTER, W. (1986). "For It Was Not the Season for Figs". The Catholic Biblical Quarterly, 48(1), 62-66. Retrieved May 6, 2021, from http://www.jstor.org/stable/43719285. Maintenant que je suis de nouveau en France vais-je plutôt me tourner vers des sites français...


 

Tag(s) : #Etude de l'évangile de Marc
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