le 12/13 mai 2021, Auvergne, France.
Marc 11: 15-18
En ce 12 mai, tout est tranquille ici, mais pas là-bas...dans ces terres où vivait le Jésus de Marc. Confrontations violentes entre Israéliens et Palestiniens à l’occasion du Ramadan et de l’accès à la mosquée, de l’éviction de certains de ses derniers en faveur de colons juifs….qui font tache d’huile...on est de nouveau envahi par un flot d’images d’enfants ensanglantées et de civils blessés avec les cris de désespoir de leurs proches que chaque partie brandit sur les médias comme autant de torchons brûlants pour dénoncer la cruauté et l’arbitraire de leurs adversaires et l’ innocence de leurs victimes. Accusations et contre-accusations se succèdent, chaque tir de roquette conduit à une avalanche d’attaques aériennes … On se demande si les appels au calme et à l’arrêt des hostilités vont être entendus...la situation est très volatile et on craint le pire… Il y avait longtemps que l’on n’avait pas vu de scènes de violence d’une telle ampleur...mais d’une certaine manière, rien d’étonnant pour les spécialistes, le lieu étant sous haute tension depuis un certain temps, une vraie poudrière...
Comme la Palestine et la Jérusalem d’il y a 2000 ans ?
La Jérusalem de Jésus grouillait de monde en cette époque de célébration des fêtes de la Pâque et on pouvait craindre des émeutes à la moindre provocation des autorités qui seraient exploitées par ces groupuscules de résistants qui voulaient renverser le pouvoir romain qui les occupait. (Ironie du sort, ou vicissitudes de l’histoire, aujourd’hui ce sont les Israéliens qui sont les occupants et les arabes qui sont les occupés et qui voudraient les déloger ou plutôt s’y reloger...)
Ils arrivèrent à Jérusalem, et Jésus entra dans le temple. Il se mit à chasser ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons;
et il ne laissait personne transporter aucun objet à travers le temple.
Et il enseignait et disait: N'est-il pas écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs.
Les principaux sacrificateurs et les scribes, l'ayant entendu, cherchèrent les moyens de le faire périr; car ils le craignaient, parce que toute la foule était frappée de sa doctrine.
Jésus est chez lui
Après l’entrée triomphale à Jérusalem, encore un des épisodes très connus de l’histoire de Jésus, dont se sont emparés les partisans d’un Jésus révolutionnaire … dans le but de justifier leur propre recours à la violence…
En tout cas, après s’être fait acclamé en entrant dans la ville de Jérusalem, il retourne dans le temple où il agit avec une audace étonnante sinon inattendue. On n’est pas dans la rue, ni même dans une synagogue quelconque de province, mais dans le temple, à Jérusalem, le cœur religieux et politique du judaïsme, la ville emblème , celle que l’on rêve de reconquérir quand on en est chassé et vers laquelle tout un peuple converge pour célébrer les grandes fêtes religieuses de l’année quand on en est les maîtres ou au moins les locataires.
On a envie de dire mais quelle mouche l’avait piqué à ce Jésus pour qu’il s’en prenne aux vendeurs du temple qui ne faisaient que gagner leur vie et venaient s’installer tous les jours à ses portes pour profiter de la manne financière de la venue des pèlerins ?
(dans ce récit particulier de l’évangile de Marc, on peut quand même noter qu’ on vient de voir un Jésus déjà énervé quand il ne trouve pas de fruit sur le figuier , il y a donc une vraie continuité à ce niveau ...comme si on pouvait penser qu’ il s’était tout simplement levé du mauvais pied ce matin là...pourquoi pas, après tout ? ….)
Jésus fait preuve d’une grande colère et si sa virulence surprend et bien que son éclat semble spontané, on ne peut imaginer qu’il ne se rendait pas compte de la dangerosité de ses actions : la peur que la popularité de Jésus ne puisse conduire à un soulèvement politique violent était dans la tête des autorités religieuses et cette action ne confirmerait-elle pas leurs inquiétudes ? Un véritable acte provocateur de la part de Jésus à moins que son intention ait été toute autre ? ...En tout cas la réaction des autorités ne s’est pas fait attendre nous dit le texte :
Les principaux sacrificateurs et les scribes, l'ayant entendu, cherchèrent les moyens de le faire périr; car ils le craignaient, parce que toute la foule était frappée de sa doctrine.
Que s’est-il donc passé dans la tête de Jésus à ce moment-là ? D’abord le figuier maudit et maintenant la colère qui le fait chasser violemment les vendeurs du temple ? Une saute d’humeur où Jésus perd le contrôle ? Une fois de plus, le texte de Marc ne nous permet pas de répondre à la question (ce qui n’empêche pas de susciter toutes sortes d’hypothèses qui puissent conforter la théologie particulière à laquelle l’auteur souscrit). Le texte s’en tient et c’est déjà beaucoup, à nous offrir une description détaillée de son action, dont il ne cache pas la violence qui cette fois-ci non plus ne semble pas embarrasser l’évangéliste mais se centre plutôt sur les paroles de Jésus qui devraient être suffisantes pour nous faire comprendre quelle est la raison de son indignation.
Et il enseignait et disait: N'est-il pas écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs
Par ses paroles et ses actes, Jésus , montre qu’il se présente comme le maître des lieux, que dans le temple il est chez lui...il fait siennes les paroles prononcées par Dieu dans le livre d’Isaïe ; « ma maison sera appelée une maison de prières » , cette maison, elle lui appartient en propre et par conséquent il a le droit de venir y faire le ménage. Si on prend l’unité de lieu pour guider notre étude, on peut voir dans ce texte une continuation de l’entrée triomphale de Jésus : les deux sont une révélation ou une proclamation de son messianisme juif , l’un par le fait qu’il arrive juché sur un ânon comme roi et l’autre du fait que sa colère le montre comme un juge légitime, ayant droit comme propriétaire du lieu de chasser ceux qui s’y trouvent et l’utilise pour leurs activités frauduleuses...( on peut imaginer entre autres qu’à l’approche de la Pâque, ils avaient doublé tous leurs tarifs pour mieux profiter de ceux qui venaient de loin!)
* * *
Cette colère dans le temple ne me semble pas être contraire au tempérament de Jésus : il apparaît dès le début comme quelqu’un de combatif qui n’évite pas les confrontations avec les scribes ou les pharisiens et n’a pas peur de se frotter à eux. C’est une conception fausse de la non violence que l’on prête à Jésus qui suscite le malaise chez nous : elle vient d’ une vision passive de la non violence, celle de la victimisation, ou de la volonté d’en faire une idéologie abstraite, arbitraire, un but en soi, un absolu qui conduit à un angélisme dangereux de mauvais aloi et qui n’a pas lieu d’être.
D’un autre côté, l’interprétation de ceux qui y voient une justification de la violence et un alibi pour l'utiliser, n’est pas non plus inscrite dans le texte. Cet épisode ne fait pas de Jésus un homme prône à la violence ou qui la prônerait, prêt à donner une raclée au premier...ou au dernier venu… toute l’histoire de la passion qui viendra après montre qu’une telle interprétation ne tient pas la route.
Pour moi qui pourtant suis une pacifiste convaincue ( et anti-militariste par surcroît), cet épisode ...me réjouit car Jésus dénonce l'alliance entre religion et profit qui est toute aussi dangereuse qu’inacceptable et qui malheureusement est une réalité encore aujourd’hui. En commençant par toutes les bondieuseries des boutiques à souvenir que l’on vend autour des lieux de pèlerinage dans le monde entier ce qui pour nous consoler si on a besoin de l'être n’est pas seulement le fait d’ailleurs des hauts lieux du christianisme. Que ces lieux soient juifs musulmans, hindous, bouddhistes ou chrétiens, ils font recette et les moines ou autres religieux de quelque secte qu’ils soient qu'il les gèrent ou leur tournent autour, sont toujours prêts à arnaquer les pèlerins pieux et recueillis qui viennent y prier ...
eh oui, même encore, aujourd’hui à Jérusalem ….
où les juifs, les chrétiens et les musulmans se partagent ou plutôt se disputent les lieux.. parce-qu’ils sont sacrés, bien sûr mais pourquoi ne pas le dire, parce-qu’ils sont aussi d’une manière ou d’une autre sources de revenus considérables….
Jérusalem, Jérusalem, quand deviendra-t-elle un lieu de paix et de justice, la ville sainte où tous les peuples de la terre se réjouiront pour y venir louer l’Éternel comme dans les promesses faites à travers les grands prophètes d’antan...quand Jésus cessera-t-il de pleurer sur les pierres de ce temple qu’il aimait tant ?
On est de nouveau revenu au temps des larmes !
Prions pour qu’il y ait encore suffisamment de justes entre ses murs mais aussi au-delà pour faire cesser la violence et l’épargner de s’embraser toute entière !
P.S. Il est intéressant de lire tout le passage dans Isaïe que Jésus cite car il inclut les non juifs dans son appel :
« Ainsi parle l'Éternel: Observez ce qui est droit, et pratiquez ce qui est juste; Car mon salut ne tardera pas à venir, Et ma justice à se manifester [….]
Car ainsi parle l'Éternel: Aux eunuques qui garderont mes sabbats, Qui choisiront ce qui m'est agréable, Et qui persévéreront dans mon alliance,
Je donnerai dans ma maison et dans mes murs une place et un nom Préférables à des fils et à des filles; Je leur donnerai un nom éternel, Qui ne périra pas.
Et les étrangers qui s'attacheront à l'Éternel pour le servir, Pour aimer le nom de l'Éternel, Pour être ses serviteurs, Tous ceux qui garderont le sabbat, pour ne point le profaner, Et qui persévéreront dans mon alliance,
Je les amènerai sur ma montagne sainte, Et je les réjouirai dans ma maison de prière; Leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel; Car ma maison sera appelée une maison de prière pour tous les peuples.