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Théophanie

Théophanie

Marc 9: 5-10

 

11 décembre, 2020


 

L’actualité continue à battre son plein en dehors des pages écornées de l’évangile de Mark...ici, une autre tentative plus incroyable que toutes les autres pour essayer de renverser les résultats de l’élection présidentielle… le nombre de morts du coronavirus qui atteint des pics jamais vus, et en Éthiopie, toute une région qui est coupée du monde par les armées et où les réfugiés de la région qui envahissent les camps au Soudan racontent l’horreur...en France, c’est un peu moins turbulent mais demain samedi s’annonce chaud… à Hong Kong, un des défenseurs de la liberté vient d’être condamné … .et je ne doute pas qu’il y ait beaucoup d'autres lieux sur notre planète qui ne soient pas réjouissants...mais je ne mentionne que ceux que je connais...ou desquels je me sens proche…


 

Que se passait-il dans cette Palestine de Jésus que nous raconte l’évangile de Marc ? Que se passait-il autour de Marc quand il écrivait son évangile ? On nous dit que la destruction de Jérusalem était en cours ou venait juste d’arriver et que deux des disciples présents au moment de la transfiguration avaient déjà été exécutés.


 

La roue tourne et continue à tourner…


 

Et au milieu de tout cela, on a la transfiguration...un moment extraordinaire où la terre et les cieux se rencontrent ou plutôt, la puissance et la gloire de Dieu se manifestent dans notre monde de chair et de sang, ancré dans la réalité du temps et de l’espace.. un moment privilégié où il est donné à nous simples mortels de voir l’Au-delà...

 

Les orthodoxes ont un beau mot pour le décrire Théophanie…

 

Ces moments-là ils ont existé avant cet épisode de Jésus dans la Palestine d’il y a deux mille ans et ils continuent à exister après... Ce qui me vient à l’esprit est la vision d’Isaïe quand Dieu l’appelle à devenir prophète, une vision datée, écrite pour être sûr de ne pas l’oublier car après coup, on met en doute si ce que l’on a vu était bien réel ou le fruit de notre imagination :


 

L'année de la mort du roi Ozias, j'ai vu le Seigneur assis sur un trône très élevé; le bord inférieur de son vêtement remplissait le temple.

Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils avaient chacun six ailes: deux dont ils se couvraient le visage, deux dont ils se couvraient les pieds et deux dont ils se servaient pour voler.

Ils se criaient l'un à l'autre: «*Saint, saint, saint est l’Éternel, le maître de l'univers! Sa gloire remplit toute la terre!»[. . .]

Alors j'ai dit: «Malheur à moi! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres impures et mes yeux ont vu le roi, l’Éternel, le maître de l'univers!»


 

La réaction de peur du prophète devant ce spectacle, ressemble à celle de Pierre, notre Némésis, qui nous permet de nous insérer dans le récit et le rendre réel, tellement il nous ressemble. On nous dit que lui et les disciples étaient effrayés...et que comme notre Pierre était effrayé et déconcerté, il s’est mis à parler (d’autres sont silencieux mais pas lui) comme s'il voulait crever la bulle dans laquelle ils se trouvaient ou s'assurer qu'il existait vraiment ...dans ce monde irréel et inimaginé, indéchiffrable où passé et présent se rencontraient, où la barrière entre les vivants et les morts était effacée:


 

Pierre, prenant la parole, dit à Jésus: Rabbi, il est bon que nous soyons ici; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie.

Car il ne savait que dire, l'effroi les ayant saisis.

(j’aime ce « il ne savait que dire »mais pourtant il ne s’en est pas privé...il n’avait certainement pas sa langue dans sa poche)


 

Après l’annonce de la mort et de la passion de Jésus, et que ses disciples subiraient le même sort, Pierre tout naturellement suggère qu’ils en restent là, qu’ils s’installent dans cette bulle protectrice, hors du temps et de l’espace...pourquoi redescendre et affronter cet avenir périlleux?

 

Mais la vision n’est pas finie, il y a un message de plus à donner, un message auditif et visuel où la voix qui vient du ciel réaffirme l’identité de Jésus :


 

Une nuée vint les couvrir, et de la nuée sortit une voix: Celui-ci est mon Fils bien-aimé: écoutez-le!

Aussitôt les disciples regardèrent tout autour, et ils ne virent que Jésus seul avec eux.


 

Le récit est étonnement descriptif , sans commentaire sur ce dont ils font l’expérience ni sur la signification du titre « mon Fils bien aimé » (sur laquelle les théologiens continuent à se chamailler) et prend note du fait qu'ils regardent autour d’eux, un réflexe naturel pour savoir qui a prononcé ces mots.. mais la vision s’est dissipée et ils se retrouvent seuls, comme ils étaient avant, tous les 4...l’expérience de Théophanie est terminée soudainement, comme elle avait commencé.

 

 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur recommanda de ne dire à personne ce qu'ils avaient vu, jusqu'à ce que le Fils de l'homme fût ressuscité des morts.

Ils retinrent cette parole, se demandant entre eux ce que c'est que ressusciter des morts.


 

La recommandation de Jésus semble aussi naturelle, l’auteur nous a décrit un Jésus qui fuyait le sensationnalisme mais avec pourtant la permission d’en parler plus tard, en justifiant le récit : l’évangile ne fait pas dans l’ésotérisme, ce n’est pas une gnose pour un groupe d’initiés qui auraient seuls accès à ce Jésus glorieux, il y a aura un moment où cet épisode devra être raconté, après la résurrection des morts et de nouveau on a la réaction à chaud des disciples qui ne savent pas ce que ça veut dire…


 

* * *


 

Beaucoup, dans les siècles qui suivront feront l’expérience d’une Théophanie (on dirait plutôt de Christophanie car il s’agit de Jésus ici) de manière plus ou moins intense selon les cas. On connaît le témoignage de l’apôtre Paul dont la conversion est le résultat d’une de ses rencontres, lui qui n’avait pas eu le privilège de connaître Jésus en personne comme les autres disciples et qui connaîtra d’autres expériences de ce genre où il parle de lui-même à la troisième personne tant l’expérience est singulière : « Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu'au troisième ciel si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait [...]. fut enlevé dans le paradis, et qu'il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer.… »

 

En réalité, pour la plupart de ceux qui suivent Jésus, il existe ces moments où Sa présence est une réalité palpable, évidente...que ce soit dans la contemplation de la nature, ou à un moment de prière ou encore pendant la lecture des écritures et pour d’autres encore dans des circonstances totalement inattendues. pour lesquels ce sera une occasion de conversion comme Paul sur le chemin de Damas. Expérience indescriptible et qui peut bouleverser toute une vie, elle est évoquée par celui qui est artiste, après coup, par une composition musicale, un poème ou une peinture...

 

Ces moments là sont précieux et sont une grâce reçue qui nous accompagnent dans les moments difficiles de doute et de souffrance comme ils accompagneront les disciples au moment où Jésus sera fait prisonnier et exécuté ? (Pas suffisamment en tout cas parce-que Pierre le reniera quand même trois fois…) Une grâce reçue, et je dis biens une grâce, non le résultat d’une recherche mystique, d’une stratégie bien mise au point de méditation transcendantale en vue de…. vivre une expérience particulière. Le choix ne vient pas d’eux, c’est Jésus qui le fait.

 


*   *   *

 

Comme on n’est plus au siècle des lumières, finalement l’épisode de la transfiguration n’est plus aussi choquant qu’il a pu l’être ou peut l’être encore pour les rationalistes à outrance et les athéistes convaincus. Le mysticisme et l’ésotérisme n’ont plus mauvaise presse..Les extases des moines tibétains ont fait recette et tout cet attrait pour la méditation orientale où des techniques poussées permettent au méditant d’entrer dans des transes qui engendrent des phénomènes para-normaux comme la lévitation ou la luminescence du corps, redonne à cet épisode un fond de crédibilité . (Ce qui est dommage c’est que peu savent que dans la tradition chrétienne, une méditation intense avait été pratiquée sous d’autres noms par des saints chrétiens, surtout dans les traditions orthodoxes mais que la pratique est tombée dans la désuétude)


 

Installer trois tentes en haut de la montagne, et rester contempler la grandeur et la gloire du Fils, loin du tumulte des conflits, loin des luttes et des souffrances, quel beau programme ! On a envie d’y rester un peu plus longtemps mais Jésus, nous enjoint après cette grâce concédée de redescendre…


 

Ne désespérons pas, le temps viendra…

 


 

P.S 1 je ne peux m’empêcher non plus de noter comment cette idée de transformation d’un être humain en un être surnaturel, nous est devenue familière… Les séries télévisions et les BD de super héros en sont pleines, les mangas surtout regorgent de ces personnages qui avaient l’air ordinaire mais qui tout à coup se transforment soit en monstres menaçants soit en êtres lumineux aux pouvoirs extraordinaires…

P,S 2. Après avoir lu plusieurs articles sur ce passage dans des revues bibliques, j’ai appris que certains considéraient possible de comprendre que la transfiguration était l’accomplissement de la prophétie de Jésus...au début du chapitre « Il leur dit encore: Je vous le dis en vérité, quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront point, qu'ils n'aient vu le royaume de Dieu venir avec puissance »


 


 

Tag(s) : #Etude de l'évangile de Marc, #Méditation
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