5/6 juin, 2020 Virginie, États Unis
On ne dira jamais assez la valeur des enterrements...ceux qui veulent les supprimer auraient bien tort... Depuis que l'homme est devenu humain.... on n'a rien inventé de mieux pour faire face à cet événement qui est à la fois le plus normal mais aussi le plus douloureux et le plus scandaleux de la vie humaine: la mort... d'autant plus quand cette mort est le résultat d'un acte de violence ou d'injustice, quand cette mort est prématurée....
Tout dans la solennité, dans les rites, dans les prises de paroles et surtout dans la musique est fait pour guérir, consoler et apaiser nos coeurs tristes et désemparés.
Il y a l'hommage que l'on rend au défunt (comme on dit pudiquement) qui est tout simplement une occasion de lui dire au-revoir mais aussi de reconnaître qu'il a été vivant qu'il a existé, qu'il a vécu.... et les anecdotes que les uns et les autres racontent servent à affirmer la réalité de celui qui n'est plus dans une tentative peut-être de retenir cette vie humaine, de la prolonger, de l'affirmer face au cercueil qui lui nie son existence..
Et puis il y a tous ces rites qui varient selon les croyances...car face à la mort, on n'est pas indifférent, on est obligé de se positionner sur l'existence ou la non existence d'un au-delà, et sur le sort de ceux qui sont partis soit que l'on croit qu'ils retournent au néant dont ils sont sortis, ou qu'ils errent sur la terre et hantent les vivants, soit qu' ils se réincarnent et se transforment....
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Pour moi, évidemment, il n' y a rien de plus réconfortant qu'un enterrement chrétien, et entre les différentes formes culturelles de ces enterrements ceux qui sont célébrés par les communautés afro-américaines... sont particulièrement émouvants, mais quelque soit leur mode de célébration quand il s'agit d'un enterrement chrétien on peut compter sur le fait qu' il y aura au bout du compte plus qu' une parole d'apaisement... il y aura une parole d'espoir et de vie... Car d'une manière ou d'une autre ils terminent tous avec l'histoire du tombeau vide...
L'enterrement de George Flyod dans une église de Minneapolis n'a pas été l'exception en commençant par l'incontournable cantique Amazing grace, avec le sermon du pasteur et activiste Sharpton,: digne des prophètes de l'ancien testament il n'a pas eu peur d' interpeller le président, de condamner son usage abusif de la bible, de dénoncer le racisme dont les afro américains étaient victimes (on nous a mis un genou sur le coup depuis 400 ans) mais il n'en est pas resté là...il a noté le chemin parcouru ( car malgré cette tragédie dont l'image d' un policier blanc avec le genou sur le cou d'un homme noir rappelle les années sombres de la lutte des années 60... ) il y a eu des avancées réelles assure-t-il, les temps et les mentalités ont changé (c'est rassurant de se l'entendre dire) le problème sont ceux qui s'accrochent au passé et ne veulent pas renoncer à un pouvoir qui leur échappe.
"No justice, no peace" n'a pas été l'occasion de parler de vengeance mais de faire un appel à une lutte pour la justice, une lutte qui est enracinée profondément dans la foi en un Dieu juste et les derniers accords de ce morceau de bravoure qu'était ce sermon a été un hymne à la foi qui dit-il a soutenu chaque membre de la communauté présente dans les moments tragiques de sa vie et de son histoire et qui continuera à la soutenir dans la lutte à venir.
Et c'est ça le don que cette compréhension de l'Évangile de la communauté afro américaine fait au christianisme tout entier: elle ne dissocie pas la vie spirituelle de la vie réelle, elle ne la renvoie pas aux rites religieux du dimanche matin pour les bien-pensants .. elle est la force qui permet d'affronter les luttes du quotidien et de défier le statu-quo, elle est tout sauf l'opium du peuple, elle est tout sauf la bonne conscience des riches que dénonçait l'apôtre Jacques..
Cette théologie de la libération au sens fort du thème, vécue et prêchée, que l'on a applaudie à une époque mais que l'on a décriée plus tard sera toujours d'actualité pour les peuples qui souffrent d'injustice: elle n'est pas le luxe des intellectuels de gauche qui rêvent de révolution, elle est l'expression du cri de justice qui résonne dans l'histoire de l'humanité racontée dans la bible sous le regard d'un Dieu Saint qui prend le parti des opprimés. Et laisser aux incroyants le monopole de la poursuite de la justice est leur faire croire qu' ils ont inventé un bien qui existait bien avant eux.
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En attendant
Une nouvelle génération se lève...
Aujourd'hui, je suis allée assister à une cérémonie de "graduation de la classe des 2020", ces jeunes de 18 ans qui terminent leurs études secondaires et entrent de plein pied dans la vie adulte....
L'année d'une pandémie, l'année des manifestations de tout un pays ( et au-delà) pour dénoncer le racisme...
Ils ont du pain sur la planche, ces jeunes...
Ils en auront besoin de cette foi dont parlait Sharpton,
Une foi qui peut déplacer les montagnes