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Le 9 /10 mars 2020,

(On est déjà au printemps, les fleurs s'ouvrent, le temps est doux et.......le Coronavirus continue à faire la Une. Comme c'est lundi, je prends le taureau par les cornes pour affronter la question du blasphème!)

Le blasphème

La question du blasphème...ce fameux blasphème  dont on entend parler aujourd'hui à travers les condamnations à mort prononcées contre des chrétiens dans certains pays musulmans et bien sûr en Europe, à travers les attentats terroristes  commis contre des personnes ou des organisations accusées de blasphème contre l' Islam.... mais on aurait tort de croire que le thème est nouveau et est propre à l'Islam... on le trouve ici dans cet évangile de Mark, dans la bouche de Jésus:

Je vous le dis en vérité, tous les péchés seront pardonnés aux fils des hommes, et les blasphèmes qu'ils auront proférés; mais quiconque blasphémera contre le Saint-Esprit n'obtiendra jamais de pardon: il est coupable d'un péché éternel.… Jésus parla ainsi parce qu'ils disaient: Il est possédé d'un esprit impur.

Pour être honnête cette condamnation sans appel est perturbante , on pourrait même dire profondément choquante, surtout après que Jésus ait causé un scandale parce-qu'il avait dit au paralytique "tes péchés te sont pardonnés" mais elle est surtout choquante pour nous chrétiens du 21ème siècle qui voient en Jésus, le roi du pardon à tel point que pardonner apparaît comme central au message chrétien comme un des piliers de son enseignement. On pourrait citer ici tellement de passages où Jésus nous somme de pardonner et comme on s'approche de la semaine sainte, les dernières paroles (ou avant-dernières) de Jésus sur la croix qui dit à ses bourreaux "pardonnez-leur car ils ne savent pas ce q'ils font."

Mais si on veut essayer de jouer le jeu en lisant ce texte, imaginant que c'est le seul évangile qui existe, et que l'on essaie de découvrir au fur et à mesure, ce Jésus qui nous est présenté, ou plutôt qui est présenté à ces premiers chrétiens, on ne sait pas encore que le pardon est un thème central de son enseignement, on n'en est pas encore là.

Ici, on a un contexte précis, on est devant une confrontation entre Jésus et les autorités religieuses de son époque, un Jésus qui a l'air d'être en colère parce-qu'on l'accuse d'être possédé ou pour dire plus clairement d'être " un suppôt de Satan" . C'est à  cette accusation qu'il  réplique, en leur disant qu'ils sont coupables de blasphème et en bons juifs qu'ils sont ils savent que le blasphème est impardonnable, en tout cas c'est ce qu'explique le rabbin Telushkin, dans son livre "jewish wisdom". Je le cite en anglais:

The Third Commandment is the only one concerning which God says, “for the Lord God will not forgive him who carries His name in vain.” The reason is now clear: When a person commits an evil act, he discredits him-or herself. But when a religious person  does so in the name of God, he or she also discredits God and alienates people who otherwise might have become religiously observant. Consequently, God pronounces this sin unpardonable.
(Une traduction rapide: le troisième commandement est le seul concernant Dieu qui dit: Dieu ne pardonnera pas celui qui utilise son nom en vain," La raison en est claire. Quand une personne fait le mal, il jette le discrédit sur lui-même.Mais quand une personne religieuse le fait au nom de Dieu, il ou elle jette le discrédit sur Dieu et éloigne les personnes qui auraient pu devenir pratiquantes. Dieu décrète donc ce péché impardonnable...)

 

L'idée donc que le péché de blasphème soit impardonnable, n'est pas étranger à ses interlocuteurs mais ce qui est surprenant est la manière dont Jésus l'applique : il révèle que les propos des scribes envers lui sont du blasphème car en attribuant à Satan les oeuvres qu'il fait,  ils jettent le discrédit sur Dieu dont l'Esprit habite pleinement en lui.  Celui qu'ils insultent ce n'est pas lui, Jésus mais l'esprit de Dieu qui est en lui ; faute impardonnable que celle de ne pas reconnaître que l'Esprit de Dieu habite en Jésus mais encore bien pire de prêter à cet Esprit de Dieu, une identité démoniaque! Jésus se révèle pleinement comme le fils auquel s'applique le critère du blasphème.

Mais il semble que le rédacteur de l'Évangile se rende compte de l'énormité de ce que dit Jésus ou peut-être  de l'incompréhension que pourraient avoir les lecteurs/auditeurs d'une telle condamnation sans appel , et une fois n'est pas coutume, il intervient en expliquant pourquoi Jésus a dit cela de peur que ce soit mal interprété (et Dieu sait que des générations de chrétiens scrupuleux après qui liront cette déclaration, se tourmenteront l'esprit à l'idée qu'ils puissent avoir commis l'impardonnable) 

C'est vraiment intéressant de voir que l'on a ici une véritable intrusion de l'auteur de l'évangile,ce n'est pas Jésus qui après explique aux disciples le sens de ce qu'il a dit, c'est vraiment l'auteur, qui donne l'interprétation des paroles de Jésus. Il clarifie bien que cette condamnation a été prononcée dans ce cas précis pour cette situation particulière où la possibilité de repentance qui ouvre toujours la porte au pardon dans l'ancien et le nouveau testament, n'est ni envisagée ni envisageable. Alors il précise:

Jésus parla ainsi parce qu'ils disaient: Il est possédé d'un esprit impur.

On ferait bien de l'entendre.

*   *   *

Mais la question qui se pose est de savoir si cette accusation de blasphème pourrait être appliquée à des situations autres que celle précisée ici en disant qu'il y a blasphème chaque fois que quelqu'un voit un démon dans une personne qui ne l'est pas ou pire chez quelqu'un qui est habité ou guidé par l'esprit de Dieu ? 

Car si on regarde l'histoire de l'église, on peut dire que sur la question de traiter les autres de démons toutes les autorités spirituelles chrétiennes confondues à travers les siècles, s'en sont données à coeur joie! C'est l'insulte qui a été prononcée contre les hérétiques de tout poil, suivie de condamnation à mort, mais aussi de la part des hérétiques de tout poil envers leurs ennemis réels ou imaginés.  Se sont-ils tous ceux-là rendus coupables de blasphème, ce péché impardonnable, la pire forme d'abus spirituel...qui malheureusement est encore aujourd'hui à l'ordre du jour dans des milieux sectaires...?

( Il semble en ces jours, où beaucoup pensent que l'on vit une période de fin de monde, c'est le nom d'anti-christ que l'on donne à différentes personnalités politiques ou religieuses qui est monnaie courante)

*    *    *


Ce que j'en retiens, moi, en tout cas, c'est de la gravité d'une fausse accusation de possession de démon qui est dénoncée ici par Jésus et je la vois comme un avertissement donné à tous ceux qui deviendront des autorités spirituelles dans la nouvelle communauté qu'il créé avec ses disciplines. Il leur montre à travers ce miroir déformant, ce repoussoir, que sont les scribes et les pharisiens, ce que, eux, ils ne doivent pas faire, ce que eux, ils ne doivent pas dire. "Ne soyez pas comme eux...vous pourriez vous rendre coupable de blasphème"

Les disciplines qui l'accompagnaient, ont certainement entendu les avertissements et les condamnations que Jésus a faites et en ont tenu compte, si l'on en croit leurs épîtres, mais les générations suivantes sont souvent passées à côté en tombant dans le piège d'un antisémitisme primaire...qui les ont empêchés de voir que ces condamnations étaient des avertissements qui s'adressaient à eux...

Autant j'étais étonnée de découvrir que la création de la communauté chrétienne que l'on appellera église venait de la volonté claire de Jésus de ne pas faire cavalier seul, autant je découvre à quel point Jésus a condamné à l'avance à travers ces confrontations avec les autorités religieuses de son époque. les dérives des autorités religieuses de ces communautés qui naîtront plus tard et se revendiqueront de son nom. C'est à la fois rassurant et profondément décevant.

Qu'il est dangereux et grave de parler au nom de Dieu, combien l'humilité est indispensable, combien un esprit de repentance est une nécessité constante, combien une soumission totale comme celle de Jésus au Père est incontournable...

Il vaudrait mieux se taire que de risquer le blasphème!

P.S. Évidemment, c'est mon interprétation de ce passage... !

 

Tag(s) : #Etude de l'évangile de Marc
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