Le 7 janvier 2020, USA
En vrac,
On attend des chutes de neige mais pas très conséquentes, grève et réforme des retraites en France, rumeurs de guerre après l'assassinat d'un général Iranien par le gouvernement américain, les réseaux sociaux s'emballent, le Moyen Orient continue à fournir son taux élevé de morts et de blessés dans des faits de guerre et la liste pourrait être plus longue avec les feux dévastateurs en Australie...
A côté de tout cela la vie quotidienne continue: on se lève, on s'habille, on mange, on va au travail ou à l'école (sauf que les écoles sont fermées aujourd'hui à cause de l'annonce des chutes de neige) on dort ...et la fuite du magna franco-libanais brésilien et ses aventures continue a être une distraction bienvenue...La preuve, les humoristes s'en donnent à cœur joie...
Lecture
Au milieu de tout cela, moi qui mets la main sur tout ce qui concerne le Japon, intérêt familial oblige, je lis un livre qui date du millénaire dernier (1990) dont le titre God's Samurai, Lead Pilot at Pearl Harbor, m'a fortement intriguée...Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre et encore moins quel pouvait être l'intention de l'auteur, un certain Prance nom auprès duquel étaient associés ceux de deux autres personnes ( Goldstein et Dillon) qui ont aidé à la rédaction de l'ouvrage....
Le titre God Samurai, me semblait de mauvais augure, le genre de livre écrit pour convaincre un public lambda de la validité de l'évangile en mettant en exergue l'histoire d' un converti dont on exagère les talents et le statut ou au contraire les défauts et les actes barbares pour rendre sa conversion plus extraordinaire, plus miraculeuse, plus impressionnante...( comme si la vérité de l'évangile était attachée au sensationnalisme des témoignages de célébrités)
J'ai été agréablement surprise : il se trouve que le livre est une biographie très bien documentée de Mitsuo Fashudo, le pilote qui a dirigé et participé à l'attaque de Pearl Harbor, basée sur de nombreux interviews de l'officier japonais en question par un historien américain qui était attaché à la mission de Mac Arthur, commandant des forces américaines du Pacifique, pendant la deuxième guerre mondiale. Le livre est basé sur un manuscrit que l'auteur, devenu professeur d' histoire à l'Université de Maryland, n'avait pas pu publié de son vivant et qui a donc a été repris par les deux autres personnes mentionnées...
En fait, les 24 premiers chapitres sont vraiment consacrés à raconter des événements historiques à travers la biographie de ce pilote japonais qui permet de décrire la mentalité nationaliste japonaise de l'époque, et dont le ton sonne étonnamment juste, considérant que l'auteur est américain. Surtout pour moi, qui ne savait presque rien de cette guerre du Pacifique sauf à-travers quelques films à succès comme le pont de la rivière Kwaï ( C'est dire mon ignorance) j'en ai appris énormément...
Des dangers du nationalisme
Au début, à travers les yeux de ce jeune japonais qui devient officier de marine et un des premiers pilotes d'élite des débuts de l'aviation japonaise, le nationalisme japonais et sa politique expansionniste et impérialiste, n'apparaît pas comme une entreprise répréhensible, mais comme l'expression d' un nationalisme ambitieux, motivé par un amour du pays, une conviction de la supériorité de sa culture, un sens profond de loyauté envers l'empereur, en somme rien qui ne soit inhabituel et que l' on ne retrouve pas dans les caractéristiques des nationalismes et des impérialismes des autres pays..
. Être fier d'être japonais et se réjouir des conquêtes et des victoires de son pays, quoi de plus naturel...mais peu à peu au fur et à mesure que la guerre avance et que de victoires plus ou moins faciles on passe à des revers de plus en plus cinglants, le nationalisme admirable du début se révèle de plus en plus dangereux et malsain...quand gagner à tout prix, conduit à non seulement accepter mais à envisager la mort de millions de personnes, à la fois japonaises et ennemies, le caractère monstrueux du nationalisme en temps de guerre montre sa face cachée meurtrière dont la course folle vers l'anihilition totale est difficile à arrêter...
Du suicide
Evidemment, étant donné les clichés étrangers sur la culture japonaise, j'ai été particulièrement intéressée par l'histoire de la décision du haut commandement japonais d'organiser des opérations kamikazes...décision à laquelle Mitzuo Fashudo a participé et qu' il a approuvé sans semble-t-il d'objections. C'était la logique de la guerre, la logique de la victoire militaire au service de laquelle toute autre valeur morale et humaine doit être sacrifiée, c'est l'illustration dans son expression extrême de la fin qui justifie les moyens...sauf que quand la victoire n'est pas au rendez-vous, la logique de la guerre redevient ce qu'elle a toujours été: la justification de crimes atroces dont les perdants doivent rendre compte devant la justice.... (pas de crimes de guerre pour les gagnants! Ou on en parle très peu... sauf que l'usage de la bombe atomique a quand même a été décriée mais pas de procès)
Il est intéressant de remarquer pour montrer que ce n'est jamais monolithique, que le livre faisait etat de l'existence de factions japonaises qui étaient pour la paix et qui comme en Allemagne à la même époque voulaient mettre fin à la guerre bien avant l'attaque de la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki (ce qui montre que ce n'était pas du tout nécessaire). Mais aussi, il y a eu des officiers qui ont refusé l'ordre de se rendre même après que l'empereur ait accepté de le faire...et qui préparaient un coup d'État non pas pour remplacer l'empereur mais son cabinet car c'était impensable pour eux de se rendre....plutôt mourir: ils étaient prêts à sacrifier le peuple japonais pour assurer une victoire devenue pourtant impossible....
Analyse?
Un autre aspect donc de ce récit qui est impressionnant (pour moi) c'est le nombre de suicides parmi les officiers et anciens camarades de guerre de Fashudo après la défaite ( il y a eu aussi un grand nombre de suicides dans l'après guerre parmi des grandes figure d'intellectuels et écrivains japonais) Mon analyse sur,le nombre étonnement élevé de suicides de l'après-guerre, comme seul moyen de gérer à la fois honte de la défaite pour certains et la honte envers les actes de cruauté et barbarie perpétrée par l'armée est un indicateur de d'absences dans la culture ou le psyche japonais où le christianisme n'a pas eu l'opportunité de s'enraciner, d'un motif de la rédemption et de la grâce....
Il ne semble pas (en tout cas superficiellement parlant je n'en sais pas suffisamment là-dessus) que les traditions spirituelles japonaises du bouddhisme et du shintoïsme aient offert aux japonais un moyen d'échapper à la nécessité du suicide pour faire face à la honte de la défaite. Évidemment, il y a eu d'autres causes de suicide qui n'étaient pas liées a la honte mais à la peur de l'envahisseur et aussi au désespoir (et c'est un phénomène qui n'est pas propre au Japon on oublie trop facilement que les guerres après que les traités soient signés continuent à causer la mort et la destruction des êtres humains surtout chez les anciens combattants) mais il est certain que sa culture et ses valeurs ont amplifié et exacerbé le phénomène.
( Je lis un article qui date de 2015 sur la BBC qui parle du taux élevé de suicide au Japon aujourd'hui... Le psychologue japonais, professeur a l'Université de Tokyo attribue aussi cela (en partie) au fait que le Japon soit peu christianisé mais pour des raisons différentes de celles que j'invoque! ...parce que dit-il, le suicide n'est pas considéré comme un péché....ça m'a paru intéressant comme remarque car ça met en valeur l'importance des interdictions dans la conduite de l'être humain.. "Japan has no history of Christianity," he says "so here suicide is not a sin. In fact, some look at it as a way of taking responsibility." Wataru Nishida...)
En tout cas Fashudo qui a priori n'était pas contre l'idée du suicide n'a pas considéré que ce soit une option après la guerre, par loyauté a son empereur qui avait signé l'ordre de rendre les armes, et qu'il fait de son devoir de continuer à protéger... L'exemple de l'empereur qui ne s'était ni suicidé ni n'avait donné l'ordre de le faire était suffisant pour l'en empêcher et il envisageait la possibilité qu'un jour il aurait la possibilité de se battre à nouveau pour son pays..
Le récit d'une conversion.
Les récits de conversion sont toujours un peu en porte à faux car on ne peut jamais raconter une conversion objectivement: qui peut vraiment examiner les tréfonds de l'âme humaine? Une expérience de conversion est intensément subjective tant pour celui qui la vit que pour celui qui en écoute le récit...lequel va interpréter l'expérience racontée selon ses propres critères et postures philosophiques et religieuses... Il n'y a pas de critères objectifs ou plutôt neutres pour le faire,seuls des hypothèses socio-psychologiques qui sont basées parce-qu'elles se veulent scientifiques sur le présupposé qui interdit la possibilité d' une intervention divine...(qui supposerait l'existence d'un être divin hors de la portée humaine) C'est pourquoi, un témoignage n'est pas "une preuve de", sauf pour celui qui croit ou qui accepte de croire...
En ce qui concerne Fashudo, l'auteur pose la question de conversion en des termes naturellement "humains " en mentionnant, la désillusion d' un héros de guerre après la défaite qui cherche une raison de vivre après avoir lutté pour la grandeur de l'Empire japonais, et qui aurait trouvé une espèce de loyauté de substitution dans le christianisme militant et l'appel de l'évangéliste...Explication finalement assez facile et convenue qui permet de présenter la question sans faire appel à une dimension spirituelle et de donner le titre de Samouraï de Dieu qui y fait écho, mais qui reste insuffisante car s' il y a eu de nombreux suicides parmi ses camarades, il n' y a pas eu de conversions nombreuses au christianisme ...la décision individuelle et sa motivation reste donc un mystère profond.
(J'ai appris quelque chose que je ne savais pas qui était l'attrait du communisme chez de nombreux japonais, attrait que lui n'a pas eu car il a toujours considéré les Russes et l' Union Soviétique comme des ennemis dangereux!)
Pour commenter donc, la conversion de cet homme, je ne vais pas essayer de faire semblant d' utiliser un mode d'objectivité ou neutralité qui de toutes façons ne saurait l'être vraiment mais, je vais me mettre résolument dans le le terrain de la foi chrétienne qui est le mien...
Sacrifice et pardon
L'auteur raconte donc comment Fashudo a été appelé après la guerre à témoigner pour défendre des anciens commandants de la marine japonaise des accusations de crimes de guerre. A cette occasion il a voulu faire sa propre investigation pour savoir comment les américains avaient traité les prisonniers japonais étant donné que ses compatriotes étaient accusés de toute sorte d'horreur ce qu' il trouvait injuste car en temps de guerre tout est permis...
En interrogeant un de ces anciens camarades qui avait été fait prisonnier aux États-Unis, il a entendu une histoire étonnante qui l'a profondément affecté et lui a fait faire un pas décisif vers la conversion au christianisme... Son camarade lui a parlé d'une jeune fille (de 18 ans) qui venait rendre visite aux prisonniers japonais et veillait à leur bien être avec une bienveillance toute particulière...Quand l'un d'entre eux intrigué, lui a demandé pour quoi elle lui a dit qu'elle le faisait en souvenir de ses parents missionnaires au Japon qui avaient été tués par des soldats japonais! Elle a expliqué qu' après avoir haï tous les soldats japonais, elle avait décidé de leur pardonner convaincue que ses parents avaient pardonné avant de mourir et qu'elle devait faire de même: ses visites étaient l'expression de ce pardon qu'elle leur avait octroyé à cause de sa foi en Jésus-Christ...(ayant vécu au Japon, elle devait parler japonais)
Cette histoire de pardon a touché profondément l'ancien pilote tellement elle était contraire à tout ce qu'il croyait et avait professé en tant qu' officier dans l'armée ...désirer se venger de ses ennemis, surtout de ceux qui avaient tué ses parents semblait la seule réaction possible pour lui qui espérait encore que son pays un jour reprendrait sa revanche. Le pardon et l'attitude de cette jeune fille lui semblait incompréhensible...Il a voulu en savoir plus sur cette histoire et a appris les détails de l'histoire de la mort de ses parents. Ils avaient fui dans les Philippines au début de la guerre qui furent le théâtre de nombreux combats entre les américains et les japonais. ( ils avaient envoyé leurs enfants aux États-Unis à cause du danger) . Rattrapés par des soldats japonais qui les avaient accusé d'espionnage parce-qu'ils avaient une radio et les ont condamné à mort après leur avoir demandé de leur donner le temps de prier ce qu'ils leur ont accordé, ils les ont décapités d'un coup d'épée alors qu'ils étaient agenouillés en prière, les yeux bandés...
Évidemment, cette histoire me touche aussi profondément (pour des tas de raisons personnelles) mais entre autre parce-que contrairement à certains récits missionnaires qui quelquefois peuvent apparaître quelque peu triomphalistes où Dieu intervient miraculeusement, les missionnaires en question n'ont pas été sauvés...On aimerait une histoire où les soldats soient émus par la foi de ce couple et leur laisse la vie sauve , mais non ça n'est pas le cas...il n' y a pas au dernier moment de miracle comme on les aime....
Mais ce récit prouve pour moi, que les conversions chrétiennes ne sont pas le résultat de victoires militaires ou autres sur l'ennemi "païen" qui lui est débouté par le conquérant chrétien revêtu de l'armure flamboyante du chevalier, image qui nous vient des croisades... Derrière cette image illusoire perpétrée à la fois par les détracteurs de la foi et alimentés par les récits triomphalistes des sociétés missionnaires, la véritable histoire des conversions, elle est là: dans les sacrifices de ceux qui donnent leur vie et de ceux qui pardonnent suivant en cela l'exemple de leur maître Jésus-Christ mort sur la croix et ressuscité dont ils rendent témoignage...
(C'est pourquoi tous ces évangéliques ici avec leur discours politique musclé me semblent des parjures)
Alors, oui après on nous raconte toute l'histoire de ce samouraï devenu évangéliste et de son succès avec la comptabilité superficielle des conversions qu' il aurait suscité, mais qu' importe l'intérêt que l' on peut avoir pour lui à cause de son rôle dans l'attaque de Pearl Harbour et de sa conversion subséquente, cela n'empêche que les héros de l'histoire ne sont pas ceux que l'on croit...,
Fashudo n'est heureusement pas présenté comme un super homme ou un super saint, ni comme un renégat de sa culture et de son passé (même s'il regrette les morts qu'il a causées) mais un homme convaincu et engagé dans sa nouvelle foi ...mais il fait quand même mentir cette thèse de l'idiosyncrasie japonaise et de sa supposée fermeture intrinsèque culturellement parlant au message de l'évangile...
Finalement, le Japon n'est pas différent des autres pays du reste du monde ...c'est le sang des martyrs connus ou anonymes qui permet ce que l'on peut considérer à tort comme "le succès" du christianisme..Le christianisme ne s'implante jamais comme résultat d'une victoire à la mode militaire...c'est tout le contraire...la passion précède toujours la résurrection....mais ça les livres d'histoire ne nous le disent pas tellement on est aveuglé par le pouvoir des armes et des puissants...
Et maintenant?
La neige commence sérieusement à tomber .....
et tous les va-t-en guerre qui se réjouissent de la confrontation Iran États Unis et du pouvoir de leurs forces militaires, feraient bien de relire ses récits qui mettent en lumière, les dangers du nationalisme et les horreurs de la guerre, Mais qui y prêtera attention au milieu des foules enthousiastes qui brandissent leurs armes appelant à la vengeance? Il ne nous reste que cette belle déclaration de Jésus
"Bienheureux les artisans de paix car ils seront appelés fils de Dieu"
(mais traîtres, faibles et lâches par leur entourage et leur gouvernement....pas étonnant qu' il y en ait si peu!)
En attendant, vive la neige!