Le 9 décembre...après un week-end à Washington DC.
On passe vite de Thanksgiving à Noël....dans les magasins où tout scintille, surtout les prix qui s'affichent en lettres rouges ou dorées avec la mention, promotion 50% pendant encore quelques minutes...mais aussi dehors avec les maisons décorées de guirlande de lumières et pour ceux qui ont un petit bout de pelouse devant chez eux, une crèche illuminée (si on est chrétien et qu'on veut rappeler que c'est la naissance de Jésus ) mais plus souvent avec des bonshommes de neige et des Pères Noël (si on veut montrer son attachement à la fête païenne...ou peut-être aussi parce que les décorations en question étaient l'objet d' une promotion à laquelle on n'a pas pu résister...)
Mais Noël, dans la rue et dans le froid, ne serait pas le même si on n'y trouvait pas des membres de l'armée du salut qui sollicitent des fonds des passants et qui campés devant les temples de la consommation, que sont les magasins, un bonnet rouge sur la tête font sonner leurs petites clochettes, pour au moins qu'en sortant les bras pleins d'achats pour les fêtes, on laisse dans leur cagnotte quelques pièces ou même quelques billets dont on se décharge avec le même empressement que la culpabilité que l'on porte à cette époque de dépense superflue....
Et pourtant ces membres de l'armée du salut dont je me moquais tellement quand j'étais jeune, surtout pour porter cet uniforme ridicule ( en plus, c'était toujours le repoussoir que mon père brandissait quand mon frère avait des mauvaises notes à l'école: tu finiras à l'armée du salut s'écriait-il furieux!) j'ai appris au cours des années à les respecter et à apprécier le travail énorme qu'ils font dans de nombreux ghettos urbains a travers le monde ...
Ce qui fait que vendredi soir, à Washington DC sur une petite place à Columbian heights, quartier en pleine gentrification où continuent à se côtoyer sans abris et "hipster" face aux grands magasins illuminés et au carrefour duquel, on voit trop souvent passer voitures de police et ambulances avec leurs sirènes hurlant pour se frayer un passage ......ils étaient venus, avec un groupe hétéroclite de jeunes amateurs musiciens avec leurs instruments qui jouaient et re jouaient les deux seuls morceaux qu'ils semblaient connaître (feliz Navidad étant l'un des deux...)
Après la petite fanfare, c'était un choeur d'enfants et d'adolescents arborant des Tshirt avec le mot "hope" et le logo de l'armée du salut...encore plus hétéroclites et indisciplinés que ceux de la petite fanfare, dirigé par un jeune qui par contraste avec sa chorale avait les cheveux courts, un pantalon bien seyant au lieu de ceux qui vous tombent au milieu des fesses... un de ces jeunes dynamiques, style scout et que l'on retrouve un peu partout dans les paroisses des églises du monde chrétien .
Toujours était-il qu'avec un micro dont le son allait et venait, il a présenté son groupe de chanteurs en expliquant avec fierté que tout ce beau monde assistait à une vraie école de musique où ils apprenaient à chanter et à jouer et que c'était donc des musiciens en herbe mais à part entière...
Je dois avouer que cette présentation m'a beaucoup touchée parce-que j'avais l'impression de les connaître tous: autant ces enfants et adolescents qui viennent dont on ne sait où (ou plutôt trop bien) qui traînent dans la rue, turbulents par nature, difficiles à gérer et que ceux qui les accompagnaient, engagés, de bonne volonté, avec toutes leur limites mais qui y croient quand même... et je pouvais imaginer facilement les répétitions difficiles, en même temps que les moments lumineux où une réussite, un triomphe, de quelque manière dont on puisse les mesurer, réjouissent vraiment le coeur...
Alors le lendemain, le concert du Messie de Haendel, dans la "National Cathedral" (église épiscopale où se déroulent tous les grands événements politico religieux du gouvernement) , c'était une toute autre histoire et un tout autre public...Cette fois-ci pas de musiciens en dreadlocks et autres qui viennent avouer après coup au chef de la chorale qu'ils n'avaient pas vraiment chanté mais fait semblant (comme l'avait fait l'un d'eux la veille), mais le plaisir d'entendre une oratorio magnifique avec des chanteurs professionnels sans se préoccuper qu' ils fassent une fausse note...ou s'essoufflent au milieu d' une de ces longues phrases de vocalisation qui demandent un talent consommé.
Même si c'est l'Alléluia qui est le plus connu des airs de cette oratorio, c'est le début que je préfère et qui me touche le plus...Ce sont les mots de réconfort qui ouvrent cette oeuvre qui s'élèvent dans le quasi silence de la salle après les quelques mesures de l'introduction annonçant par la voix du ténor, la fin des temps mauvais et de l'adversité:
" Comfort yee thy people saith the Lord and cry unto her that her ... Speak ye comfortably to Jerusalem,
and cry unto her, that her warfare is accomplished, that her iniquity is pardoned.
(Consolez, consolez mon peuple, Dit votre Dieu. Parlez au coeur de Jérusalem, et criez lui Que sa servitude est finie.)
Il y a toujours au fond de nous un réservoir de larmes qui n'ont pas été versées, un fond de tristesse qui ne s'est pas épanché (car à quoi bon pleurer s'il n'y a personne pour nous consoler) en attente de cette annonce, cette promesse que les temps sont accomplis maintenant, que le pire est derrière nous et qu' on peut pleurer tout son saoul de soulagement car des temps meilleurs nous sont promis...
Cette annonce, ça me fait tellement du bien de la réentendre chaque année à cette époque de Noël quand la misère humaine est plus visible,
Dehors dans le froid de l'hiver mais certainement aussi dans le coeur des maisons,
Cette annonce et cette promesse de bonne nouvelle de la venue de Jésus,
Qui elle est à la fois accomplie et à accomplir..
Joie et espérance en quelque sorte
Mais espérance par-dessus tout,
(Surtout qu'en ce moment, l'actualité politique, c'est pas très réconfortant! Grève générale en France, élections inquiétantes au Royaume Uni et le processus de destitution du président ici qui n'en finit de renforcer les clivages...alors, bonne nouvelle, je prends et j'en reprends!)