Le 22 mai 2019
Difficile de croire qu'on est au milieu du mois de mai...on a encore le poêle allumé...
La Une de l actualité, c' est ce qui est devenu "l'affaire Lambert" cet homme victime d'un accident que la mère veut continuer à faire vivre mais pas sa femme....la mère que l'on voit faire des déclarations tonitruantes aux micros, elle et ses avocats qui contestent les décisions de la loi et font appel, gagnent puis perdent, puis gagnent encore .....et à côté le silence et la discrétion de l'épouse qui elle semble-t-il, a décidé de laisser son mari partir et lui a déjà dit au revoir ou plutôt adieu, depuis un certain temps...
La belle-mère et la belle-fille...le face à face classique de la rivalité (moi qui suis belle-mère et ait été belle-fille, j'en connais bien tous les tenants et les aboutissants) quels enjeux se cachent derrière...toujours celui de la surenchère en tout cas de qui le connaît mieux... et de son corollaire qui sait mieux l'aimer... surtout quand on a des sentiments de culpabilité d' avoir été une mère pas si aimante que cela (on les a toutes à un moment donné) et de vouloir se rattraper ou se racheter...
À ces enjeux personnels et profonds que personne ne connaît vraiment ( qui connaîtra la profondeur du cœur humain dit le psalmiste) se sont greffés d' autres encore, ceux de la question de la fin de vie, de l'euthanasie passive ou active dans une société où les progrès scientifiques ont ouvert tout une nouveau champ de réflexion éthique (la bioéthique) qui n'est pas simple à gérer car il renvoie à des questions fondamentales sur qui est l'être humain....(comme quand on se la pose à un autre niveau celle des débuts de la vie humaine ...toute la polémique sur la question de l'avortement et pour certains qui remontent même aux méthodes de contrôle des naissances) et dont les réponses sont forcément religieuses et philosophiques même si l'on a une conception matérialiste de l'être humain....pas de neutralité possible dans ce domaine...
J'aime bien l'idée du principe de "précaution" dans la loi française, cette reconnaissance que l'on ne sait pas et donc parce que l'on ne sait pas, on ne peut pas faire n'importe quoi...il me semble que c'est une attitude d'humilité face à notre savoir et à notre connaissance de l'être humain...
L'humilité une vertu chrétienne par excellence...et pourtant, l'attitude des lobby chrétiens est de se montrer comme ceux qui savent...et donc qui montent au créneau et portent des jugements à l'emporte pièce....et traitent leurs adversaires de tous les noms....Comme les déclarations de l'archévêque de Paris à l'annonce de l'arrêt des soins qui reproche plus ou moins directement aux médecins de traiter Vincent Lambert et ses semblables comme des déchets...ça ne risque pas d'apaiser les débats...
Et pourtant, en tant que chrétien on a des convictions fortes et l'une de ces convictions est de croire en la valeur inconditionnelle de l'être humain mais en même temps de croire aussi en la vie après la mort....
Notre croyance en la valeur inconditionnelle de l'être humain est liée à celle de son immortalité et ce refus de laisser les personnes mourir au nom d'une défense de la prolongation de la vie humaine à tout prix... c' est ce qui m'a semblé choquant de la part de l'église (catholique en l' occurrence) quand je suis revenue aux États Unis et en Europe après avoir vécu tellement longtemps dans des pays où la mort semblait plus normale, plus facile à accepter...où le manque d'accès aux soins étant une réalité de base....eh bien...si on tombe malade, on risque de mourir mais mourir c'est normal....(pas d'être assassinés par contre)...et il me semblait d ailleurs que ce refus de la mort, cette peur même de la part de ces chrétiens protégés pour ne pas dire privilégiés qui vivaient ici était contraire à la foi chrétienne....
Maintenant, je me retrouve depuis un certain temps dans cet autre monde, où la sécurité est une obession...où l'on vous passe aux rayons X dans les aéroports pour s'assurer que vous n' allez pas faire sauter l'avion, ou quoique l'on parle de déserts médicaux, on peut se faire soigner quand on est malade et les hôpitaux et autres institutions médicalisées sont pleins de personnes que l'on maintient en vie à force de médicaments, de sondes, de tuyaux et autres équipements de plus en plus sophistiqués...(et je n'ai même pas parlé du coût que ça engrange, car c'est anathème de le faire..et pourtant, on devrait avoir l'honnêteté d'en parler)
Alors bien entendu, je ne suis pas contre les progrès de la médecine, ni non plus contre les soins médicaux et tous ces efforts faits pour sauver les vies humaines et les prolonger... je suis admirative quand je vois ce dont est capable la médecine moderne mais il y a un moment où il faut dire :basta! (ça suffit) laissez les mourir...
Le problème dans cette affaire, c'est qu'elle est devenue médiatisée... un drame familial est devenu une affaire d' État et quand une affaire de ce genre est médiatisée, tout est faussé.... ce ne sont plus les enjeux entre une belle-mère et une belle fille, entre l'arrêt de la vie d un être cher mais entre les partisans de l'euthanasie et les opposants, entre les tradis et les libéraux, entre les pro et les anti-Macrons... où chacun choisit son camp et accable ses adversaires....alors les échanges entre les différents camps cessent d'être sereins....et Dieu sait que les discussions des questions de bioéthique ont besoin de sérénité et d'humilité!
Le mot d'ordre pour cette affaire est compassion (pas récupération): compassion pour cet homme étendu sur ce lit incapable de s'exprimer, compassion pour le personnel médical qui prend soin de lui, compassion pour les médecins qui sont confrontés à des décisions difficiles où les certitudes sont toujours évasives mais surtout compassion pour cette belle-fille et cette belle-mère qui quoi quelles aiment le même homme et croient au même Dieu se retrouvent dans des camps opposés....dans un face à face d'où aucune ne sortira indemne ou encore moins triomphante...
Seigneur, aie pitié de tes enfants....
P.S Ce qui me rappelle que j'ai signé des tas de papiers aux États Unis sur la question de ma fin de vie..mais je ne sais pas où ils sont et en plus, selon ma belle-soeur infirmière, étant donné que la médecine progresse constamment, il faudrait que je revoie ma copie car les procédures ont changé et la liste de celles que je veux refuser s'est sûrement allongée... Qui sait comment je me comporterai quand ce sera à mon tour de partir...