Le 20 juin 2018
C'est l'été le soleil brille : quelle joie !
Quand les perdants félicitent les gagnants
Hier le 19 juin, c'était sérieux : la Colombie contre le Japon, quand dans la même famille il y a colombiens et japonais, c'est pas simple ! (4 passeports japonais, contre deux colombiens)
Pour moi le choix était difficile de qui je voulais qui gagne considérant qu'on a quand même vécu 13 ans en Colombie et qu'évidemment le foot en Amérique du sud, c'est une longue histoire d'amour ( et aussi de violence avec un joueur qui s'était fait assassiné à son retour du mondial car il avait marqué contre son camp...on a appris plus tard que les auteurs du crime étaient des personnes qui avaient joué gros sur le match et avaient perdu leur argent)
Comme en France un match Japon Colombie n'est pas porteur, je ne peux pas le suivre à la télévision, je dois me contenter des reportages en live sur les journaux... et des vidéo de fan que m'envoient les enfants...ceux qui sont supposés travailler... et ceux qui viennent à peine de se lever qui aux quatre coins de monde, dans des fuseaux horaires différents regardent le match et font leurs commentaires une application japonaise ( moins fréquentée que les autres) où toute la famille peut se retrouver malgré la distance et partager vidéo, photos etc....
15:40 , toujours hier 2-1 en faveur du Japon...
Finalement c'est le Japon qui gagne et le premier à féliciter les japonais sur le chat, c'est le Colombien...et dans la foulée, à niveau international, les colombiens avec leur auto-dérision et leur sens de l'humour diffusent photos et dessins sur la supériorité japonaise...Ce qui les impressionne particulièrement, c'est la propreté des japonais qui viennent nettoyer les gradins eux-mêmes après le match et la vidéo qui montre les colombiens les féliciter fait le tour de la planète foot ( en tout cas des cercles de fans colombiens). Tant mieux !
Alors là, je peux confirmer que la propreté japonaise et leur sens du civisme n'est pas un mythe...Je me souviens quand mes petits enfants sont venus à Paris et qu'ils voulaient ramasser tous les papiers et détritus qu'ils voyaient par terre..ça les rendait malades ( ils avaient 6 ans à l'époque). Mais le summum a été quand l'un d'eux a demandé à une de nos amies qui fumait et nous accompagnait d'aller ramasser un mégot que lui observateur l'avait vu jeter dans le caniveau ! On était sidéré et admiratif ( elle aussi), surtout qu'il ne s'est pas arrêté là...et lui a exprimé à sa manière sa désapprobation de la voir fumer...
( Je pourrai évidemment raconter bien d'autres épisodes des difficultés de certaines réunions de famille crées par la ponctualité japonaise et la décontraction colombienne, Par contre, quand il s'agit de danser, là tout le monde est sur la même longueur d'onde : et là c'est la culture colombienne qui est à l'honneur et tout le monde danse ( ou essaie de danser pour certains.) au rythme du merengue, de la cumbia et bien d'autres danses encore …)
Malheureusement l'atmosphère bon enfant du foot, ne peut nous faire oublier que les Colombiens viennent d'élire un président conservateur qui s'oppose au processus du paix et à l'accord qui a été signé avec les FARC. J'espère que le cycle de la violence ne va pas recommencer comme ça s'est passé tellement de fois dans le passé : le gouvernement décrète une amnistie pour les anciens guerrilleros qui entrent dans la vie politique, . Les mécontents para-militaires, milices de toute sorte se mettent à les assassiner comme ils ont déposé les armes...et tôt ou tard, ces derniers reprennent les armes.....
Ça n'empêche personne de célébrer la fête du foot : de la violence, il y en aura toujours et avec elle des occasions de pleurer et de haïr, pourquoi ne pas se priver des occasions de se réjouir entre ennemis et amis du jour le temps d'un match?
Tout à coup, me revient à l'esprit cet épisode qui a priori m'avait toujours un peu gêné, quand Jésus dit aux disciples « vous aurez toujours des pauvres parmi vous" quand ils reprochaient à une femme d'avoir déversé un parfum très cher sur Jésus, disant t qu'au lieu de le dépenser elle aurait mieux fait de donner l'argent au pauvre....alors pourquoi pas faire la fête...
Choisissez votre camp
Tous ces matchs et mes désirs que telle ou telle équipe gagne, me fait réfléchir à toute la question de la loyauté et de la solidarité du groupe : qui voulons-nous qui gagne, de qui nous sentons nous solidaires, quels sont les raisons profondes qui nous font choisir les uns plutôt que les autres : identification avec ceux qui nous ressemblent plutôt qu'avec ceux qui ressemblent à nos ennemis... ?
Il y a bien évidemment la fibre nationaliste qui est facile à détecter mais avec tant d'autres pays présents, les cartes traditionnelles de nos amis et nos ennemis en termes politiques sont brouillés... ce qui n'empêche pas qu'en cas d'affrontements sur le terrain surtout s'il y a blessures, ça fait remonter à la surface des hostilités que l'on croirait oubliées...
( il y a bien longtemps à la coupe mondiale de je ne sais plus qu'elle année, il y avait eu un choc très brutal pendant un match entre un jouer français et allemand, tellement que le français avait dû sortir en civière....Les français étaient suffisamment choqués pour que le curé d'un village breton où je me trouvais, avait fait allusion du haut de sa chaire à l'incident (les curés ont le droit aussi d'être des fanas de foot) et avait rappelé à ses paroissiens qu'il fallait pardonner même aux allemands. !)
Ce qui est sûr c'est que dès qu'il y a un conflit sérieux entre deux parties, c'est là qu'on ne reste plus neutre : ce n'est plus qui a raison ou qui a tort qui compte mais de qui je me sens le plus solidaire et donc qui je vais excuser et dont les fautes me semblent bénignes, ou au contraire qui je vais condamner sans appel car il a commis des fautes impardonnables et inexcusables....
C'est dur de se désolidariser de son groupe pour défendre la justice ou la vérité car on ne veut pas être banni et être banni car être jeté hors du groupe c'est la mort certaine...
Alors évidemment, j'en reviens toujours à ces paroles de Jésus qui semblent tellement dures dans leur expression : si vous ne haïssez pas votre père ou mère, vous n'êtes pas digne de me suivre...Le mot est fort mais il met en évidence la difficulté que l'on a de se désolidariser du groupe familial pour défendre des valeurs qui transcendent ce devoir premier de solidarité à tout prix, et qui peut devenir aveugle, inconditionnel qui porte en lui le germe de la justification des violences et des guerres...
Aimez vos ennemis, donne un coup d'arrêt certain quand on se trouve au bord du précipice
Ici et là...De mon balcon, j'' observe en cette belle journée un groupe de marcheurs avec chapeau de toile, petit sac à dos et des bâtons de randonnée dernier cri, je me demande qui ils sont et où ils vont...Pendant ce temps je fais une pause pour penser à ceux des membres de la famille qui enterrent l'un des siens aujourd'hui à`des centaines de kilomètres...J 'entends aussi le bruit de la machine qui coupe les foins dans la propriété du château à côté et me demande comment va quelqu'un dont je n'ai plus de nouvelles.
Alors, à l'heure de la mondialisation et des mariages mixtes, (interraciaux, internationaux, interculturels et interreligieux) sont-ils une chance pour la paix et la compréhension des peuples ? Ça pourrait l l'être mais ça ne l'est pas obligatoirement car quand il y a un conflit on oblige ces enfants à se mettre dans un camp ou dans un autre : alors tu es blanche ou tu es noire ? Tu es français ou colombien ou américain ou japonais...et quoique l'on choisisse on a l'impression de trahir quelqu'un, un père ou une mère, un oncle ou une tante, un grand-père ou une grand-mère (et toute leur tribu) : on se retrouve écartelé !
(Finalement, en réalité, bien souvent quand les parents divorcent, on oblige les enfants aussi à choisir leur camp...)
Comment naviguer quand ce monde de la diversité devient un océan de haine ?
C'est pourquoi que moi, mère et grand mère, ayant été étrangère ici et là, ( et l'étant devenue pour certains dans mon pays d'origine) qui a dû apprendre à naviguer les eaux troubles des nationalismes exacerbés, des loyautés asservissantes, des désaveux pernicieux, je veux leur laisser en héritage la foi en Jésus-Christ.
Au moins ils seront à l'abri...
De la haine des autres et aussi de la leur...
PS. Il n'y a pas que l'actualité colombienne qui est perturbante. même si j'essaie de ne pas y penser, en ce moment aux États Unis, une polémique de plus avec l'administration Trump qui sépare les enfants de leur parents dans les centres de rétention à la frontière mexicaine au nom de la tolérance zéro de l'immigration illégale.... .Certains hommes politiques ont cité le fameux verset biblique de la soumission aux autorités pour justifier leurs actions...Quelle horreur! Cette fois-ci quand même, beaucoup de liders religieux sont montés au créneau, même dans des milieux blancs évangéliques conservateurs... mais quand on soutient un président comme celui-ci, c'est à ça qu'il faut s'attendre les petites victoires qu'ils ont gagné pour défendre « la liberté religieuse » elle coûte cher aux faibles et aux opprimés)