Lundi 21/ Mardi 22 Mai, le Puy,
Je profite du calme ici...
De la fenêtre on voit les points culminants de la ville, la statue d'une vierge monumentale sur l'un, de Saint Joseph sur l'autre, et une chapelle taillée dans le roc pour la troisième...Centre de départ pour les pèlerinages de St Jean de Compostelle, la ville a repris un essor nouveau maintenant qu'avec les mouvements écologiques et de retour à la nature, d'un monde stressé qui fait du 200 km à l'heure, parcourir des kilomètres à pied est devenu autant pour ceux qui croient que ceux qui ne croient pas, l'occasion de s'offrir une pause mentale mais aussi un test d'endurance physique en plus d'une redécouverte de relations simples et solidaires avec les compagnons de marche....Vivre au rythme lent de la marche, à l'heure des voyages supersoniques, des relations virtuelles sur les réseaux sociaux suscite un engouement inattendu pour faire des pélerinages de toute sorte....Qui l'eût cru , il y a à peine 30 ans ?
L'histoire religieuse de cette ville est particulièrement intéressante, où l'on voit une Marie Toute puissante ( tellement éloignée de celle de l'évangile) présider sur la vie des habitants ( en tout cas sur ceux qui le veulent), puisqu'on nous dit que cette statue c'est la Marie patronne de la France ce qui en dit long sur ce qu'elle représente ... la vieille alliance entre le politique, le nationalisme et le religieux qui n'aboutit nulle part...Il y a une autre vierge aussi, la vierge noire, plus discrète et peut-être plus honorée dont l'origine est disputée et qui attirait l'intérêt d'un américain noir que j'avais rencontré et faisait une thèse sur la signification de ces vierges ethniques qui étaient apparues une peu partout dans le monde....
Le site de l'évêché explique bien l'origine de cette dévotion racontant une histoire qualifiée de légende ( c'est toujours difficile d'en prouver l'historicité) au début de la christianisation de la région (4ème siècle après Jésus-Christ) Sur la montagne ( le mont Anis) avant l'arrivée des missionnaires, il y avait un rocher, un dolmen lieu de culte païen où l'on venait vénérer un dieu quelconque.. après que les missionnaires y soient arrivés, une femme aurait prié sur cette même colline et aurait été guérie mais c'était Marie qui l'avait guéri et donc un sanctuaire, embryon de la cathédrale d'aujourd'hui a été construit.
Pouvoir rédempteur pour les uns, syncrétisme pour les autres, ou même paganisme déguisé et dangereux pour d'autres encore, cette superposition d'une couche religieuse sur une autre a été très courante dans le mode de christianisation de beaucoup de lieux au haut Moyen âge : ne pouvant selon certains écrits éradiquer les vieilles croyances païennes, on les a baptisées et on les a renommées et ces lieux de culte païens sont devenus des lieux de culte chrétiens, ces anciennes divinités païennes sont devenues des divinités chrétiennes ( comme le voudou?)....Après un certain temps on a complètement oublié ces divinités païennes et on a tout une série de saints locaux qui se sont greffés sur les anciens et ont été investis de prestige grâce aux guérisons qu'ils ont faites...
Guérisons faites à la suite de Jésus qui avait guéri et qui avait donné ce pouvoir de guérir à ses disciples...pouvoir que l'on redécouvre aujourd'hui d'ailleurs dans les mouvements charismatiques... ? Comment s'y retrouver dans tout ce dédale de croyances et superstitions, d'anges et de démons et surtout d'anathèmes que les uns prononcent contre les autres... ?
* * *
Personnellement parlant, je n'ai jamais été statue ou icône, les représentations de Dieu, de Jésus et de tous les saints, ne m'ont jamais interpellées : je ferai une bonne juive ou une bonne musulmane ou même une bonne protestante... Les visages me gênent car ils figent l'identité des personnes et deviennent trop réducteurs...les textes me parlent plus surtout quand il s'agit de Jésus car ils m'empêchent de l'enfermer dans une théologie et dans un regard particulier .... et certaines représentations de Dieu dans mon enfance étaient effrayantes.. et puis celles des saints tenaient du monde irréel des histoires que l'on raconte aux enfants....et dont on se débarrasse quand on arrive à l'âge adulte..
En plus dans ma bonne école catholique paroissiale, la prof nous avait bien expliqué que cette manière de croire en des statues de vierges différentes qui auraient eu un pouvoir particulier tenait de la superstition...mais c'était la belle époque de Vatican II ! J'ai du mal à reconnaître l'église d'aujourd'hui avec des croyances qu'on avait bazardées hier comme le purgatoire et que certains ont repris...à pleine main...On était devenu trop protestants...
Sur un autre registre, maintenant ce sont les protestants/évangéliques qui deviennent trop catholiques... ? Tout est possible ! On a toujours du mal à savoir que faire de ces expériences hors-normes qui tiennent du miraculeux, à quelle autorité faut-il s'en référer ? Qui a le droit de les certifier et qui a le droit de les contester... ? .D'où les chasses aux sorcières qui ont émaillé l'histoire des églises car c'était bien souvent les jeunes femmes célibataires les plus vulnérables qui en étaient les victimes...et il est étonnant que des Fatimas et des Bernadettes de Lourdes aient trouvé grâce aux yeux des autorités ecclésiastiques...( quels intérêts y étaient liés se demanderaient certains sceptiques...)
Si l'église catholique s'en est mordu les doigts et l'inquisition reste dans toutes les mémoires comme le symbole de cet abus d'autorité spirituelle, il y a encore aujourd'hui des tribunaux ecclésiastiques plus ou moins avoués ici et là chaque fois que des hommes et des femmes abusent de leur autorité spirituelle pour recadrer ceux qui divergeraient de leur crédo personnel et remettraient en cause leur ascendant sur des fidèles...
* * *
Plus ça change et plus c'est la même chose...
(Je n'en crois pas mes oreilles : on se croirait au 16ème siècle... à l'époque où un courant appelé anabaptiste car ils rebaptisaient par immersion ses membres qui estimaient que leur baptême d'enfants fait sans leur consentement n'était pas valable : honni par les catholiques autant que par les luthériens, ces membres de la réforme dite radicale ont été largement persécutés même ceux qui ont adopté une non-violence sans concessions...je mentionne cela parce- que ces derniers jours j'entends parler d'une polémique sur le baptême par immersion dans une église aujourd'hui : o tempora o mores!)
En tout cas Jésus est formel, à tous ceux qui veulent décider qui est hérétique et qui ne l'est pas, il dit bien que c'est pas sur les questions de théologie que l'on sera interrogé pour savoir si l'on a le droit d'entrer au paradis...c'est sur bien autre chose... qu'on pourrait appeler la compassion. On connaît tous bien la fameuse parabole : j'avais faim et tu m'as donné à manger....j'étais malade
* * *
À propos de malades...
L'ambiance est feutrée, on n'est pas au service d'urgences des grands hôpitaux et on n'est pas dans un hôpital américain ( où l'on a l'impression d'être dans un hôtel trois étoiles ou 4 dans certains cas, équipé de tous les appareils médicaux dernier cri utiles et moins utiles...) on est dans une petite structure à dimension humaine...
Que Dieu bénisse toutes ces personnes qui s'occupent des malades, des aides-soignantes aux chirurgiens, .je me demande s'ils se rendent compte suffisamment de leur importance et de leur valeur...on est tellement vulnérable quand on est malade....
Pas étonnant que Jésus en ait fait un passe-droit... !
En voilà un extrait
« Jésus parlait à ses disciples de sa venue: «Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire [...]
«Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite: “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli; j’étais nu, et vous m’avez habillé; j’étais malade, et vous m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi!”
«Alors les justes lui répondront: “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli? tu étais nu, et nous t’avons habillé? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi?”
«Et le Roi leur répondra: “Amen, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” Matthieu (25, 31...)
P.S. Heureusement qu'il y a d'autres passe-droit...mais aucun n'est un test d'orthodoxie et encore moins de loyauté envers les autorités ecclésiastiques du moment ...