Le 28 mars, mercredi saint, Auvergne
Aujourd'hui, temps gris, pluvieux mais doux : ah le soleil qu'il me manque !
La semaine sainte : un temps mythique
Avant d'aller vivre ailleurs qu'en France, vivre la semaine sainte, c'était faire l'expérience d'une commémoration d'événements qui avaient plus au moins une réalité historique mais ce n'était pas cette réalité qui était au cœur de mon expérience...le Jésus de ce temps là était un Jésus mythique reconstruit à travers ces différentes représentations que l'on voyait sur les vitraux des églises ou plutôt sur les cadres qui illustraient les différentes stations du chemin de croix autour de l'église et devant chacune desquelles l'on se recueillait le vendredi saint (il y en a 12 )
Ce jésus m'émouvait, ce Jésus religieux fondateur de la foi chrétienne mais en dehors de ce lieu sacré auquel il était attaché, il n'avait pas d'épaisseur, d'identité ou de réalité concrète : il n'était pas juif, il n'était pas homme, il n'avait certainement pas été torturé, un mot que je n'aurai jamais utilisé pour Jésus, il était cette icône, dont la représentation artistique été faite pour susciter des émotions diverses : pitié certainement, culpabilisation peut-être mais en tout cas une émotion profondément religieuse, pas celle que l'on a quand on voit un corps réellement mutilé, sanglant et agonisant.
Celui qui était derrière, ce Jésus historique en chair et en os qui avait vraiment souffert, il était caché au-dessous de ces atours religieux tellement et si bien qu'il avait perdu son importance, son utilité et qu'il ait existé ou pas n'était pas vraiment la question. Pas étonnant alors qu'il y ait eu toute cette recherche pour le Jésus historique, car on était bien conscient que ce Jésus que l'on présentait là était bien détaché du réel. C'était le regard apitoyé des croyants qui lui donnaient son existence et on se demandait ce qu'il resterait de cette icône si on la dépouillait de tout ces ornements religieux, .....Dès que l'on sortait du lieu sacré de l'église où il se trouvait, il n'existait plus vraiment : il fallait un rite élaboré, une cérémonie spéciale pour conjurer sa présence pour faire renaître l'émotion...
Dans ce chef d'oeuvre qu'est le livre « Silence » de l'auteur japonais Shusaku Endo, le protagoniste de l'histoire, un prêtre portugais, quand il découvre la souffrance de ces japonais martyrisés pour leur foi ( l'histoire se déroule au 17ème siècle)..tout à coup ce beau Jésus des images de son enfance, au regard doux et réconfortant vole en éclat car il ne fait pas le poids face à la laideur de la souffrance réelle des gens qui l'entourent. Les martyres chrétiens qu'il avait vus auparavant (et que l'auteur avait vu dans les musées quand il était venu en Europe) étaient beaux, sublimes transformés en images pieuses par leur représentation artistique ... Alors quand l l'image id'un Jésus occidental idéalisé, a été brisée, sur cette terre japonaise, il n'y a plus eu que le vide, le silence.....
Ce Jésus-là, icône européenne devait être brisé pour que le prêtre portugais découvre l'autre Jésus celui qui existe au-delà de l'image... et qui finalement lui reparlera quand lui, ce missionaire, trahira sa foi au milieu de la torture...
( le livre Silence est un livre très complexe et riche et malheureusement, une lecture superficielle en fait un livre qui remet en cause l'universalité du message chrétien et de l'entreprise missionnaire ce qui n'était pas l'intention de l'auteur. Critiquer l'arrogance des missionnaires occidentaux oui Endo l'a fait mais pas le message du Jésus crucifié, message qu'il a voulu présenter dans ces nombreux romans car son désir le plus ardent était de rendre Jésus intelligible à ses concitoyens japonais. Je ne sais pas quel message en tout cas a été retenu dans le film du metter en scène connu, Scorsese et que finalement je ne suis pas allé voir,)
La semaine Sainte est devenue un événement en soi, à travers les siècles : dès que l'on ritualise un événement que l'on répète année après année, on ne réactualise pas l'événement premier, mais on crée une autre réalité qui la remplace et l'occulte : c'est comme cela que se construisent les religions vous diront tous les spécialistes de la sociologie des religions...et le christianisme n'en est pas exempt et s'il y a bien dans le calendrier liturgique une époque qui est ritualisée à outrance, c'est bien la semaine Sainte....c'est beau, c'est émouvant mais quelque part c'est un peu dommage..
La semaine sainte : un temps avéré
En tout cas ce qui a fait basculer pour moi ce temps mythique dans la réalité, c'est l'expérience de vie que j'ai eu quand j'ai été en contact en Amérique latine avec des prisionners politiques qui avaient été pourchassés et emprisonnés par les autorités : tout à coup ce récit devenait réel et historiquement plausible et des détails qui me semblaient anodins prenaient tout leur sens parce qu'aujourd'hui, ça se passait encore comme ça...et cette fois-ci j'étais là pour le voir...
( Je ne voudrais pas insinuer pour autant que ces « guerrileros » pour certains, « terroristes »pour d'autres aient été des figures christique ! Pas du tout ! Certains n'avient commis de crimes et étaient donc innocents mais d'autres avaient préparé ou participé à des attentats plus ou moins meurtriers...mais ce n'était pas mon rôle de savoir qui était coupable ou pas)
D'abord l'heure à laquelle on est venu arrêter Jésus, au petit matin, après qu'il ait veillé un certain temps...quand la nuit était bien avancée mais avant l'aube
« Vous êtes venus, comme après un brigand, avec des épées et des bâtons. J'étais tous les jours avec vous dans le temple, et vous n'avez pas mis la main sur moi. Mais c'est ici votre heure, et la puissance des ténèbres »
* * *
On a été réveillé vers 5 heures du matin par un bruit en bas de la maison et en s'approchant des fenêtres avec précaution, on a vu que juste en bas, il y avait des militaires armés qui se psoitionnaient...tout était silencieux et on s'est demandé ce qui se passait...on s'est éloigné des fenêtres pour ne pas être vus mais on savait qu'ils préparaient un « ällanamiento » mais on ne savait pas dans quelle maison ni qui ils allaient arrêter...
On ne fait pas ce genre d'arrestation en plein jour où il y a des témoins, on la fait dans le secret quand personne ne voit et ne peut réagir et surtout pour mieux surprendre ceux qu'on vient arrêter et qui ont veillé finissent pas s'endormir et sont le plus vulnérables. (Le lendemain matin, on a essayé de savoir plus de détails en interrogeant les voisins, mais les gens n'avaient pas envie de parler...)
Je ne sais pas pourquoi mais tout de suite, cette arrestation quand il faisait encore nuit m'a fait penser à ce récit de l'arrestation de Jésus qui tout à coup m'a semblé tellement banale parce-que réelle, pas une histoire sacrée qui se passe dans l'enceinte d'une église, mais dans la vraie vie..
Mais c'est la réflexion d'un membre de ces groupes de guerilleros sur les « allanamientos » qui m'a vraiment fait remarquer un autre détail auquel je n'avais jamais pensé avant...Il m'expliquait comment ils réagissaient quand il y avait une descente de police comme ça pendant la nuit...L'important me disait-il c'était de protéger le chef, celui qui est à la tête du groupe et que les autorités veulent capturer alors on se débrouille pour l'aider à s'échapper et nous les autres on reste au risque de se faire arrêter car c'est moins grave si c'est nous qui sommes arrêtés....( j'étais étonnée de voir leur abnégation et qu'ils soient prêts à donner leur vie eux pour sauver leur chef, ou plutôt que leurs chefs trouvent ça normal dans des groupes champions de la démocracie, de l'égalité)
Alors tout à coup j'ai compris cette parole de Jésus qui lui, le chef, le maître avait fait tout le contraire mettant en pratique son enseignement sur le bon pasteur....
« Jésus, qui savait tout ce qui devait lui arriver, s'avança alors et leur dit: «Qui cherchez-vous?»
Ils lui répondirent: «Jésus de Nazareth.» Jésus leur dit: «C'est moi.» Judas, celui qui le trahissait, était avec eux.
Lorsque Jésus leur dit: «C'est moi», ils reculèrent et tombèrent par terre.
Il leur demanda de nouveau: «Qui cherchez-vous?» Ils dirent: «Jésus de Nazareth.» 8 Jésus répondit: «Je vous ai dit que c'est moi. Si donc c'est moi que vous cherchez, laissez partir ceux-ci.»
D'habitude, on fait donc tout le contraire, et ces autres que la police prend, ceux qui sont moins importants on les torture pour qu'ils puissent indiquer où se trouve le chef..(.et j'en ai connu un qui a parlé , un converti...et pour qui l'histoire de Pierre a été un réconfort car Pierre il a renié Jésus sans même avoir été torturé)
Quand on parle de la passion, on nous dit toujours que Jésus est mort pour nos péchés qu'il a donné sa vie pour nous ( non pas que ce soit faux) alors on ne lit pas l'histoire comme des événements vrais, on la lit comme un scénario écrit d'avance où chacun joue son rôle comme dans une pièce de théâtre bien huilée et bien répétée qui ne laisse aucune place au hasard...
Mais dans ce cas là, dans l'histoire qui nous est racontée là, au-delà du sens spirituel qu'on lui a donné après que tout ce soit passé et qu'il ait réssucité...au moment où ça s'est déroulé Jésus concrètement parlant a donné sa vie pour ceux qu'il aimait, il a donné sa vie en s'avançant en s'identifiant dans ce texte ou en se laissant emmener après le baiser de Judas dans les autres, pour que ces disciples ne soient pas arrêtés, ça je ne l'avais jamais vu avant...avant que je ne me rende compte comment se passaient les arrestations, comment les gouvernements ou autorités fonctionnaient quand ils voulaient se débarraser d'une personne qui menaçait leur pouvoir : je n'avais pas vu ce genre de choses se dérouler sous mes yeux...je n'avais pas été là
* * *
Il y a bien d'autres détails encore que je n'avais pas remarqué avant dans ce récit biblique tellement il avait été ritualisé, apprivoisé, encadré pour être consommé par nous un peuple en quête d'émotions religieuses le temps d'une semaine...
Pourtant il suffit de relire les histoires de la deuxième guerre mondiale, des arrestations des juifs, de la résistance, ou des dictatures d'ici ou d'ailleurs pour savoir comment procèdent les gouvernements légitimes ou illégitimes, peu importe, et comment se passent les interrogatoires, comment il y a toujours des traitres par peur ou par intérêt, comment il y a toujours des gens en poste qui savent que les personnes sont innocentes mais se lavent les mains car ils doivent appliquer la loi et que ce n'est pas de leur faute si cette loi est injuste et qu'eux finalement ils ne font que suivre des ordres etc.. etc...
Le scénario semble écrit d'avance dans les évangiles, improbable parce que trop prévisible, mais prévisible en réalité parce-que vrai, inscrit dans un réel, rejoué, réactualisé avec des acteurs différents et des variations de scène, ici là-bas, aujourd'hui hier et avant-hier, un réel trop vrai et qui se répète trop souvent...
L'histoire sacrée de Jésus, elle n'est pas du tout sacrée, c'est notre histoire
Il est venu et il a habité parmi nous,
Vraiment habité...
Et pour cela, je ne peux dire que merci !
Il dit cela afin que s'accomplisse la parole qu'il avait prononcée: «Je n'ai perdu aucun de ceux que tu m'as donnés.»
10 Alors Simon Pierre, qui avait une épée, la tira, frappa le serviteur du grand-prêtre et lui coupa l'oreille droite. Ce serviteur s'appelait Malchus. 11 Jésus dit à Pierre: «Remets ton épée dans son fourreau. Ne boirai-je pas la coupe que le Père m'a donnée à boire?»
Then they spit in his face and struck him with their fists. Others slapped him 68 and said, “Prophesy to us, Messiah. Who hit you?”