Mercredi 1er novembre
Voilà, on recommence de nouveau, 1er jour d'un mois de plus, rien n'est encore écrit, rien n'est encore vécu, tout est à faire, tout est imprévisible et imprévu. Quand viendra le dernier jour du mois que ce sera-t-il passé ? Ce vide de temps qui s'ouvre devant soi, c'est extraordinaire de penser qu'on ne sait pas de quoi il sera fait..
1er novembre: la Toussaint en France, jour férié. Halloween est terminé ici, le 1er novembre ne signifie rien sauf pour les catholiques qui sont en minorité ( une seule église catholique dans la ville la plus proche d'environ 50.000 habitants, contre plus d'une centaine d'églises protestantes).
À la une des journaux, l'attaque terroriste de New York : évidemment, c'est horrible de comparer les 8 morts (13 blessés) par un homme arrivé du Ouzbékistan aux 58 tués (543 blessés) par un américain de souche à Las Vegas....mais ça en dit long …. sur les réactions des hommes politiques : d'un côté on prend des mesures immédiates contre les immigrants et de l'autre, on n'en prend aucune contre la vente d'armes ou de munitions ! Et comme dans une dizaine de jours ce sont les élections régionales ici en Virginie particulièrement pour le poste important de gouverneur...c'est du pain béni ( si on peut dire) pour les candidats!
Quand on y pense, une seule église catholique contre une centaine d'églises protestantes, il est vrai qu'il y a de quoi en perdre son latin ...
«Laquelle est l'église la plus pure ? » demandait justement un ami qui nous avait accompagné au service religieux de l'église épiscopale (messe est le terme) dimanche à Washington ? Surtout que pendant le sermon, le prédicateur avait rappelé les débuts houleux de l'église anglicane (épiscopale ici) avec Henri VIII, le roi aux six femmes dont il en a fait tuer deux et qui a commencé sa propre église parce que le pape refusait de le laisser divorcer la première… Alors en l'honneur des 500 ans de la réforme, le prédicateur faisait les louanges de Luther ( qu'il ne considérait pas comme un saint quand même) mais qui avait remis le thème de la grâce au centre de la prédication des églises chrétiennes …
La question bien sûr n'est pas anodine... Quel lien peut- il y avoir entre cette église épiscopale où je suis allée dimanche dernier à Washington et celle que je fréquente d'habitude...Je me la pose souvent
Celle de ce dimanche-ci était en pleine ville et commence avec une procession du clergé, une croix et de l'encens ( qui pour certains est considéré comme un rite démoniaque), avec une chorale qui chante à plusieurs voix, (et qui de toute évidence a répété avant et sait lire une partition de musique) un orgue où l'on joue une pièce de Bach, et où les annonces font allusion aux programmes pour la paix, pour la militance auprès des institutions de l'État....où l'on récite le credo ( et certains utilisent le pronom féminin quand on en vient à la partie du Saint Esprit) la confession des péchés, où au moment de la prière d'intercession, l'on prie pour l'archevêque de Canterbury …..où l'on récite le Notre Père, et où le prêtre célèbre la « Sainte Cène » devant un autel et invite tous ceux qui sont présents à se mettre en cercle et à recevoir le vin (du vrai) et le pain qui est passé … (Et où après la messe, je parle avec une femme qui a étudié à Harvard et qui déplore ce qui se passe au gouvernement)
Alors que l'autre, à la campagne, celle que je fréquente d'habitude est faite de rednecks avec un pick-up ... et qui ne jurent que par le parti républicain, et où la liturgie est réduite au minimum : pour annoncer que le culte commence, quelqu'un se met dernier un pupitre rudimentaire et agite une petite cloche (quelquefois) pour que les personnes qui parlent, finalement arrêtent leur conversation et viennent s'asseoir sur les chaises ; pas de chorale évidemment, seul un projecteur pour afficher les paroles des hymnes sur le mur, un CD pour la musique d'accompagnement ; pas de prières d'intercession pour un archevêque, pas de credo, de moment de confession, pas de récitation du Notre Père, (moment de partage des bénédictions et les intentions de prières) un moment pour passer l'offrande (ça, ça se fait partout, par contre), un sermon et une bénédiction finale... Et puis aussi conversations après le culte où l'on discute aussi de politique avec ... des routiers et où ils éreintent tous les programmes sociaux du gouvernement fédéral même s'ils en pourraient être les bénéficiaires car ils n'ont pas de quoi payer leurs frais médicaux.
Appartiennent-ils à la même église, appartiennent-ils à la même foi, croient-ils en le même même Jésus, quelle relation y-a-t-il entre les uns et les autres ? Il y a plus que la liturgie qui les sépare, plus que le milieu social, il y a leur théologie, leur compréhension de qui sera sauvé et qui ne le sera pas, il y a leur liste différente des péchés acceptables et de ceux non négociables si on se dit chrétien : le curseur entre le péché et la grâce n'est pas mis au même endroit...
Pourtant et pourtant....
Il y a toujours un moment pendant le service à l'occasion de la lecture d'un passage d'évangile, d'un enseignement lumineux, d'une intention de prière, qui me font sentir que oui, c'est le même Esprit, et je mets le mot avec une majuscule parce-que c'est de cela qu'il s'agit, du même Esprit, même si je ne saurais le définir, cet Esprit que Jésus a promis d'envoyer et qui est là....Il y a les textes bien entendu, les écritures dont certains passages sont incontournables quand bien même on voudrait les ignorer...
Mais il y a eu ce moment émouvant pour moi la première fois où je suis allée à cette église épiscopale de Washington qui me semblait si étrange, quand on s'est mis autour de l'autel et que le prêtre, la prêtre ( c'était une femme ce jour là) a prononcé ces paroles :
« Ensuite il prit du pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, en disant: Ceci est mon corps, qui est donné pour vous; faites ceci en mémoire de moi. Il prit de même la coupe, après le souper, et la leur donna, en disant: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous.… (Luc 22:19-20)
Même si ces paroles sont totalement, oui vraiment totalement incompréhensibles, j'ai senti que ce qui fait le lien entre les gens de cette communauté de Washington, et celle de la campagne de la Virginie, ou celle de Paris, où j'étais l'année dernière, c'est cela : ce sacrifice de Jésus qui nous dépasse tous et pourtant dont nous avons tous besoin car nous sommes tous tordus... et c'est cela que nous reconnaissons sans le comprendre quand nous acceptons de manger ce pain et de boire de vin. C'est ça qui nous unit. C'est lui Jésus qui nous unit tant bien que mal que nous le voulions ou non..
Quelle est l'église la plus pure ?
La vôtre peut-être, mais pas la mienne !
P.S On aimait bien poser des questions pièges à Jésus et il s'en sortait toujours très bien. Je me demande ce qu'il aurait répondu à la question : quelle est l'église la plus pure.