Lundi 23 octobre,
Vivre ici et autre part
Je me rends compte qu'on ne vit jamais complètement où l'on est tout le temps : d'où la mode aujourd'hui de la méditation en pleine conscience qui nous permettrait de vivre mieux car elle nous focaliserait sur le moment présent. C'est certainement un exercice bénéfique mais de là à en faire une méthode révolutionnaire qui pourrait nous guérir de tous nos maux, c'est quand même un peu exagéré !
En réalité cette faculté que nous avons de nous extraire de l'ici et du maintenant, c'est quelque chose qui est propre à la condition humaine et que les animaux ne peuvent pas faire. Ça semble une évidence que de le dire comme ça, sauf quand on lit des articles qui nous assurent que la différence entre nous et les grands singes est quantité négligeable,...( j'ai lu encore un article là-dessus cette semaine et ça m'énerve à chaque fois car ils ont l'air de prendre pour des imbéciles le lecteur qui ne serait pas d'accord avec eux)
Moi je trouve en tout cas que c'est extraordinaire de pouvoir être à deux endroits en même temps et de vivre dans deux mondes à la fois: celui-ci matériel sensoriel où notre corps est posé et un autre immatériel où l'on peut vivre tellement pleinement qu'on en oublie celui qui nous entoure,
Tout ça pour dire....que hier, j'étais autre part, dans un livre que je venais d'acheter et qui était les mémoires d'un jeune vietnamien (de père américain) né en 1967 et qui a grandi au Vietnam pendant toute la période troublée du retrait des troupes américaines, de la chute de Saïgon et de l'installation du régime communiste ( le jeune homme est parti en 1985) : et vivre tout cela comme enfant de père américain, c'était pas génial !
Ici, aux États Unis, bien entendu, on parle et on a parlé beaucoup de la guerre au Vietnam car une guerre que l'on perd, c'est toujours traumatisant pour un pays, et cela pour mille et une raisons. Entre autres, les atrocités qu'on a commises ( il n'y a pas de guerres sans atrocités) ne sont pas excusables, elle sont là sans justification, elles apparaissent dans toute leur horreur, démaquillées du sourire extasié de la victoire qui les occulte. Mais comme ce n'était pas le cas cette fois-ci, quand les soldats sont revenus de la guerre du Vietnam, on leur a craché dessus ! C'est en tout cas ce que m'ont dit d'anciens combattants de cette guerre, qui à l'époque où le service militaire était obligatoire ne sont pas allés au front volontairement. Et de cet accueil (!) ils s'en souviennent !
Malheureusement, 50 ans après, on continue toujours à vouloir compenser l'injustice qui avait été faite à ces hommes de naguère. D'une armée perdante honnie, on est passé à une armée idolâtrée. Tout ce qui touche aux militaires maintenant est devenu sacré donc récupéré par les hommes politiques et sujet de polémique : la surenchère étant qui aime plus les soldats que qui.... qui est plus patriotique que qui...
La dernière en date bat son plein en ce moment : il s'agit d'une élue démocrate qui avait reproché au Président son manque de compassion envers une veuve dont le mari soldat avait été tué au Niger....Ce qui a déchaîné déclarations et contre déclaration et des échanges de tweets enflammés..Mais pour mieux comprendre tous les aspects de la polémique il faut savoir que en plus, comme l'armée est professionnelle, et que donc ceux qui s'engagent, viennent généralement des classes les moins favorisées, à savoir les « minotrity »comme on dit ici,....... eh bien le soldat en question, sa veuve et l'élue démocrate ne sont pas tout blancs comme le Président actuel...alors bien sûr, ça fait jaser...
Mais revenons-en à ce livre de mémoires que j'ai lu de toute une traite, dimanche soir, sur cet enfant de père américain et de mère vietnamienne et qui m'a permis de découvrir une période de l'histoire dont j'avais beaucoup entendu parlé mais d'une manière différente. Comme il appartenait à une famille très riche avant l'arrivée du pouvoir communiste, je dois avouer que j'étais étonnée en lisant le premier chapitre du livre, de découvrir les inégalités sociales qui existaient au Vietnam et le mépris et les abus dont la classe inférieure était victime(qu il ne cache pas). Je ne m'attendais pas à se déploiement de luxe insolent qu'il décrit à l'occasion de son anniversaire ( ses 5 ans) avant qu'ils aient tout perdu !
Je me suis sentie indignée et donc presque tolérante envers les actions de ce nouveau gouvernement communiste contre sa famille si fière et arrogante ( particulièrement sa mère) Mais quand les opprimés d 'hier sont devenus en l'espace de quelques semaines ( en tout cas dans le Sud) les maîtres du lendemain ils n'ont pas été moins cruels que leurs oppresseurs : telle est la déception des révolutions qui promettent la construction d'un monde meilleur et plus juste. Le changement d'idéologie ou de système politique n'est pas suffisant pour réformer l'être humain surtout quand il s'impose par la force et dans un bain de sang...
Même si c'était un livre ancré dans le réel, je l'ai lu comme un roman, et je me demande pourquoi..Peut-être parce que d'une certaine manière le livre était écrit comme un roman, avec un style un peu trop conventionnel. Le fait que l'auteur racontait cette histoire en anglais qui n'était pas dans la langue dans laquelle il l'avait vécue, faisait qu'il jetait un regard extérieur comme s'il ne parlait pas de lui-même mais de quelqu'un d'autre. Alors le je de l'auteur était plus celui d'un personnage que d'une personne réelle...
En fait le problème c'était peut-être moi après tout! Pour qu'une histoire nous touche vraiment, il faut que l'on s'identifie à un personnage du livre or si j'avais choisi ce livre c'était parce que l'enfant sur la couverture ressemblait à certains des enfants de ma famille ( comme eux moitié asiatique)..et penser qu'il puisse souffrir comme un des miens, ça en aurait été trop : alors je crois que c'était pour me protéger de la souffrance décrite dans le livre par cet enfant que j'ai pris moi-même mes distances car cela m'aurait fait trop mal...Je me souviens d'avoir été obligé d'arrêter la lecture d'un livre de l'auteur sud-africain Coetze quand il décrivait la torture d'un personnage car cela m'était insupportable......
J'aime beaucoup l'expression « prochain »en français dans le commandement « tu aimeras ton prochain comme toi-même » : pour être touché par les souffrances d'autrui ( surtout celles que l'on nous parade à la télé), il faut que ce soit quelqu'un qu'on reconnaisse comme un prochain, Ce n'est pas aimer tout le monde que nous demande Jésus car aimer tout le monde, c'est tellement flou, tellement général que cela revient à n'aimer personne Le problème pour moi, c'est que mon prochain il n'est pas qu'ici, il est aussi autre part.
Vivre ici mais aussi autre part : faculté divine, qui nous a été donnée, quand nous avons été créé à l'image de Dieu.
Et ça c'est quelquefois trop difficile à gérer!
(J'aimerai n'avoir qu'`à vivre ici pleinement ….de pouvoir passer ma journée à ne faire que de la méditation de pleine conscience...)
P.S: 23 heures ....On nous a promis un cyclone mais ça m'aurait étonnée par ici. Au moins des vents violents, cette nuit. On verra!
|