Mardi 3 octobre
J'ai du mal à me concentrer sur maintenant et ici. Je suis tiraillée dans tous les sens par mes pensées qui me projettent autre part et m'empêchent de m'ancrer dans le réel. Je m'échappe du lieu et du moment, vivant dans une autre dimension que celle qui est dictée par mon environnement.
Qu'est-ce que l'homme s'exclamait le psalmiste pour que tu en gardes souci ? Le fils de l'homme pour que tu te souviennes de lui ? (je vérifierai où ça se trouve, cette phrase)
Cette question, elle me vient à l'esprit : plus j'avance dans la vie, plus je prends conscience de combien l'être humain est totalement incompréhensible, mais surtout irréductible à une description uniquement scientifique de qui il est. On a beau nous expliquer comment fonctionne notre cerveau, comment notre mémoire est localisée dans tel endroit, nos émotions autre part, on a beau nous expliquer que c'est le taux de sucre dans le sang qui fait de nous des dépressifs ou des agressifs... on ne peut pas rendre compte d'une manière satisfaisante de tous les comportements humains. Les thèses et les théories sur le développement de l'être humain et de son comportement sont innombrables et elles changent tellement souvent ! Tous les jours, on trouve un nouvel article sur les résultats d'une étude scientifique qui nous expliquerait pourquoi les gens de tel peuple serait plus heureux que celui de tel autre...
(Et aussi on trouve tous les jours des études sur les bienfaits ou au contraire les méfaits de tel ou tel aliment. C'est là que quand on vérifie qui a payé pour la recherche en question, on a le droit d'être sceptique : un marchand de café va évidemment en vanter toutes les propriétés diététiques ! Mais comme j'adore le café, alors j'y crois !)
Dimanche après-midi, je feuilletais un magazine de National Geographic qui disait que les recherches de Jane Goodall sur les chimpanzés en Tanzanie avaient remis en cause notre compréhension de l'être humain qui disait qu'on était fondamentalement différent de l'animal. Or son étude avait montré au contraire que les chimpanzés avaient des capacités que l'on croyait impossibles pour des animaux et qui prouvaient qu'on n'était pas si différent... Mais moi, je ne trouve pas que ses découvertes soient si convaincantes: je crois qu'il reste un fossé énorme entre eux et nous : notre capacité à nous projeter dans le temps et dans l'espace en est un exemple. Comment est-il possible que moi je puisse être ici physiquement mais en même temps dans ma tête imaginer un monde où je peux vivre aussi intensément que s'il existait vraiment?
Tout mon être se révolte contre l'idée de nous considérer uniquement comme un amas de cellules aussi complexes soit-elles car pour moi, notre corps, notre cerveau est seulement un outil, un canal pour véhiculer autre chose, pour rendre possible notre pensée et nos émotions, mais ils n'en sont pas la cause : on confond l'outil avec son créateur qui Lui est inaccessible. Notre corps, notre matérialité n'est jamais causa sui ( j'aime ses expressions latines!): elle n'est pas à l'origine de l'existence.
Je me souviens du jour où mon voisin du dessus est décédé : on savait qu'il n'avait plus que 6 mois à vivre à cause d'un problème cardiaque. Ancien combattant à la guerre du Vietnam, il avait été exposé à « agent orange » ce pesticide horrible qui avait affecté son cœur. Il savait que son cœur le lâcherait mais pas exactement quand.
Sa mort a été rapide : il était au téléphone quand tout à coup il a dit à sa femme « au revoir Sonia »et il est décédé. Comme ça, d'une minute à l'autre, mort, disparu en quelque sorte évaporé ...Mentalement je comprenais ce que ça voulait dire qu'il était mort : son coeur s'était arrêté, donc, peu a peu les cellules qui n'étaient plus alimentées par le sang avaient commencé à mourir une à une et deviendraient poussière..
Mais lui, comment-est il possible qu'il disparaisse ? Comment est-il possible qu'il ne soit plus ? Comment est-il possible qu'un corps qui était plein devienne vide ? Peut-être que le fait que ça été rapide, d'un moment à l'autre a mis en valeur pour moi, le fait du mystère qu'est l'être humain :
« Qu'est-ce-que l'homme pour que tu le connaisses (….), L'homme est semblable à un souffle, Ses jours sont comme l'ombre qui passe »
Cette question, les hommes de sciences ne peuvent pas y répondre: les ethnologues, anthropologues, archéologues, paléontologues ont beau scruter les fossiles, imaginer des scénarios, émettre des hypothèses, il y a un moment où ils se heurtent à un mur, ou plutôt où ils se retrouvent face à un ravin, où de l'autre côté se trouve l'être humain. Et il n'y a pas de pont, pour aller d'une rive à l'autre : il faut toujours faire un saut.
Et le saut de la foi religieuse, n'est pas plus long ni plus déraisonnable que celui de tout scientifique qui est obligé à un moment donné d'admettre qu'il est arrivé au bout de ses recherches et qu'à partir de là ce ne sont que des hypothèses que l'on peut faire. On n'a jamais toutes les données entre ses mains : il y a toujours une variable que l'on ne peut pas maîtriser. C'est peut-être pour ça qu'il faut chercher autre part des réponses et devant cet inconnu, le scientifique ne peut que devenir philosophe et faire le saut de l'athéisme ou du déisme,quand il parle de l'être humain et tente d' essayer de percer le mystère de ses origines ou de son identité.
J'aime ces deux phrases qui expriment notre perplexité devant cet homme à la vie si éphémère...
Éternel, qu'est-ce que l'homme, pour que tu le connaisses? Le fils de l'homme, pour que tu prennes garde à lui?L'homme est semblable à un souffle, Ses jours sont comme l'ombre qui passe.( Psaume144: 3 et 4)
Mais cet autre texte va plus loin car il ne commence pas avec l'observation de l'homme mais l'affirmation de l'existence de Dieu. La question n'est pas faite dans le silence de l'univers, elle est posée à celui seul qui est une causa sui : Dieu
Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains, La lune et les étoiles que tu as créées: Qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes de lui? Et le fils de l'homme, pour que tu prennes garde à lui?Tu l'as fait de peu inférieur à Dieu, Et tu l'as couronné de gloire et de magnificence. (Psaume 8:2-4)
Un peu inférieur à Dieu : c'est sympa quand même !
P.S : comme les chimpanzés, j'ai quand même vécu dans l'ici et le maintenant aujourd'hui en prenant la voiture, en faisant une tarte aux pommes, en la mangeant dehors dans la verdure...mais j'ai fait quelque chose dont je ne crois pas qu'ils soient capables : écrire un blog !